MobileMe : les dessous d'un lancement raté

Florian Innocente |
Entre les démonstrations d'un produit et la réalité il y a souvent quelques écarts, mais cela fait en quelque sorte partie du jeu. Le feuilleton estival de MobileMe en aura par contre donné une toute nouvelle illustration. Et les choses se font encore plus intéressantes lorsqu'on apprend que ces problèmes avaient été anticipés…

Coûteux lancement

En juin dernier, on se souvient avec quelle aisance et fluidité Phil Schiller, le Senior Vice President Worldwide Product Marketing d'Apple, faisait étal des nouveautés du remplaçant de .Mac et ce, quelques semaines seulement avant son ouverture au public. Sur la forme tout semblait parfait, alors que dans la coulisse l'édifice était en réalité brinquebalant. On connait la suite.

philschillermobileme


A deux reprises déjà Apple s'est confondue en excuses auprès de ses clients en leur offrant, pour faire bonne mesure, un mois gratuit à chaque fois. Ne serait que financièrement, ces petits gestes ont dû couter cher (on estime à 2 millions le nombre total d'utilisateurs de .Mac/MobileMe). Sans parler de la mauvaise publicité faite à ce service qui se voyait promu comme clef de voute pour des communications entre des Mac, des PC et l'iPhone.

Steve Jobs lui-même a eu un coup de sang puisqu'il a intimé l'ordre de mieux renseigner les clients sur la progression des opérations de rétablissement. Un signe peut-être aussi d'un état de désorganisation dans l'équipe en charge de ce service.

Car du simple accès au service en passant par son utilisation jusqu'à un bug dans la facturation des abonnements, les problèmes de MobileMe ont couvert un bel éventail. Apple n'est pourtant pas une novice lorsqu'il s'agit de manoeuvrer de gros navires sur Internet. Les Apple Store à travers le monde et surtout l'iTunes Store en sont d'excellentes preuves.

Des risques connus

D'après certaines sources, familière des opérations Internet d'Apple, les causes de ce semi-naufrage sont sans surprises : MobileMe a été lancé alors que les applications étaient toujours en phase de bêta.

Le démarrage de MobileMe a véritablement commencé la veille de son ouverture officielle le vendredi 11 juillet. Et si, en prévision, les serveurs supportant .Mac avaient été stoppés le mercredi en début de soirée, ce n'est que le dimanche suivant, dans la journée, que le système a véritablement commencé à être stabilisé.

Pour couronner le tout, cette cascade de problèmes n'a fait que confirmer, grandeur nature, de précédents tests de montée en charge ou de simple utilisation qui avaient justement révélé la nature et l'origine des ennuis à venir. Mais apparemment l'équipe en charge de .Mac/MobileMe a décidé de passer outre ces avertissements.

Comme un air de Microsoft

MobileMe que ce soit pour son logo aux allures de Windows Me ou pour ses dysfonctionnements, a rapidement été associé à un produit de type Microsoft. Cruelle coïncidence ! Pour l'anecdote, c'est justement une équipe formé d'anciens de Microsoft qui tenait les rênes de .Mac depuis maintenant deux ans. Une période durant laquelle le projet MobileMe a été initié (il y a environ dix-huit mois) et supervisé.

Les soucis rencontrés par MobileMe sont un complexe mélange de logique distribuée dans le navigateur client qui doit se synchroniser avec les serveurs, de problèmes d'architecture et de montée en charge des serveurs.

Panic Room

Au moins deux solutions ont été mises en place en urgence pour pallier temporairement ces problèmes. Matérielle tout d'abord par un renforcement significatif de l'infrastructure. De ce que nous avons appris, un nombre tout à fait impressionnant de Xserve a été installé en catastrophe juste après l'ouverture de MobileMe.

Solutions logicielles ensuite par la désactivation de quelques fonctions plus ou moins visibles, mais dont la soustraction a permis aux serveurs de souffler un peu. L'intégration du carnet d'adresses avec le webmail, des options d'affichage ou encore le partage de fichiers ont ainsi disparu et ne sont revenus que plus tard et encore, pas toutes.

Une technologie trop verte

Le choix de SproutCore (une extension à JavaScript qui autorise les effets d'interface de MobileMe) pour le coté client semble avoir été prématuré. Ce framework n'est d'ailleurs toujours pas arrivé au stade d'une version 1.0 stable (il est en 0.9.x). Et malgré tout, voilà que MobileMe, du jour au lendemain, se trouve poussé vers les navigateurs de deux millions d'utilisateurs, transformés pour l'occasion en bêta-testeurs. Avec en plus, côté Windows, un entredeux désagréable : un support partiel de l'actuel Internet Explorer 7 et pas de support du tout de sa version 6.

mobilemelogin


On remarquera aussi que la page d'accueil de MobileMe, qui a pour unique objet de recevoir l'identifiant et le mot de passe de l'utilisateur, pèse pas loin de 850 Ko contre 550 Ko, par exemple, pour la page d'accueil d'Apple.com.

L'interface du webmail ce sont 2.6 Mo de données à expédier vers l'utilisateur contre 1.9 Mo par exemple pour celui de Yahoo qui est pourtant plus proche de l'interface et des fonctionnalités de MobileMe que de l'austérité d'un Gmail (1.9 Mo aussi).

Pour le calendrier on charge l'équivalent de 2.2 Mo de données (120 Ko pour l'agenda de Yahoo, certes bien moins sophistiqué et moins élégant dans son interface).

Autant de lourdeurs qui n'expliquent pas tout, loin s'en faut, mais qui prennent leur part dans les difficultés rencontrées.

Lent retour à la normale

Aujourd'hui MobileMe est revenu à de meilleures dispositions, mais des bugs subsistent çà et là. Ainsi l'auto remplissage d'une adresse lors de la création d'un courrier fonctionne… à condition de s'y reprendre à deux fois pour rédiger sa missive (créez un mail, fermez-le puis récréez-le).

La saisie de jours négatifs dans l'option de répétition d'un évènement laisse le calendrier de marbre, tout comme l'entrée d'une heure de type "23:00 AM", curieux mélange de formats européen et américain.

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Ces bugs sont toutefois peu à peu discrètement corrigés. En début de semaine par exemple, l'export de contacts au format vCard ne fonctionnait pas et l'édition de fiches de contacts présentait différents problèmes. Là encore, ces erreurs n'empêchent pas le fonctionnement global de MobileMe mais elles témoignent de son manque de finition.

Le petit nuage du logo de MobileMe était supposé symboliser cet espace numérique (le "digital cloud") et intangible qu'est Internet et où circulent et sont hébergées sereinement nos données. En attendant d'en arriver là, il traduit parfaitement la météo du successeur de .Mac : "ciel nuageux avec quelques éclaircies".
avatar DrFatalis | 
"On est tous conscient qu'Apple a merdé " Ben non, justement. Nombreux sont ceux qui refusent de voir cela et considèrent que les erreurs accomplies et les difficultées rencontrées sont "normales"...
avatar nlex | 
Allucinant. Pourquoi n'avoir pas lancé le service de phase de beta privée comme Gmail ? Biensur le temps pressait avec l'iPhone 3G mais maintenant ils ne pourront jamais défaire MobileMe de cette réputation désastreuse !!
avatar steph_a_paris | 
Oui exactement, il aurait fallu lancer d'abord une beta gratuite pour les possesseurs d'iPhone et ne pas toucher à .mac afin d'être sur une version stable avant de tout migrer.....
avatar Pascal-007 | 
Peu importe ce qu'en disent Hak et Daito, l'article de Florian Innocente a le mérite de tenter d'expliquer de façon journalistique et structurée les ratées impressionnantes de Apple dans le lancement de MobileMe. Ratées impressionnantes parce qu’inhabituelles chez Apple. Que l'explication trouvée soit bonne ou pas, le temps nous le dira, mais le cafouillage sans nom lors du lancement de MobileMe permet quand même de dire que « quelque chose a merdé » et que Apple doit en établir les causes. Ce n'est pas le temps ni le bon produit pour les apologies ! D'un autre côté, si les sites Mac ont souvent des allures apologétiques, c'est que depuis quelques années, Apple lance des produits habituellement bien ficelés qui sont difficiles à caler (mais qui peuvent être critiqués). Cela dit, même si un élève remet habituellement de bons travaux, cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas faire un faux pas de temps à autre. Il faut analyser et évaluer chaque nouveau produit à sa propre valeur et non pas sur la base de la valeur que l'on accorde à son auteur. Dans cette optique, force est d'admettre que MobileMe, sans être un échec monumental, n'est pas un produit aussi bien ficelé et pensé que les autres produits Apple. On a promis de grandes choses, mais on a livré bien moins. La devise habituelle de Apple, c'est « underpromise, overdeliver » (ce qui explique pourquoi on peut habituellement acheter un produit Apple dès la version 1, dès sa mise en marché, sans crainte d'être floué *). Dans le cas de MobileMe cependant, l'approche semble avoir plutôt été « overpromise, underdeliver ». Et ça, c'est vrai que c'est plus dans l'habitude de Microsoft... --- * Ce qui ne veut pas dire que le produit ne peut pas être amélioré ou qu'il n'y aura pas de bogues. Cette approche assure au client que s'il est d'accord pour acheter le produit tel qu'annoncé, il a l'assurance d'avoir réellement les fonctions prévues... tout en rendant acceptable les limitations de la version 1.
avatar Florian Innocente | 
@ Daito : si Divoli cherchait un camarade il l'a trouvé :-) 1) Les personnes de l''équipe en charge de MobileMe sont des anciens de Microsoft. SI ce n'est pas du gratte papier ça, alors je ne comprends pas! C'est une anecdote et citée en tant que telle. 2) La technologie SproutCore est trop jeune […] cette technologie a déjà été utilisée dans les galeries Web et vous n'avez aucuns arguments techniques qui montre que l'état 0.9.X de Sproutcore est à l'origine (où en partie) des pbs de MobileMe. Les Apple Store et l'iTunes Store n'utilisent pas SproutCore et ils marchent bien…Ensuite, quand les galeries Web ont été ouvertes, sur SproutCore tu as raison, Apple a dû appeler Akamai en renfort parce que les performances étaient à la ramasse. Mais à part ça SproutCore tourne comme une Audi. 3) Comparer la taille des pages sans vraiment prendre le temps de vous demandez ce que vous comparez! En fait la comparaison n'a absolument aucun sens. Comme l'a dit quelqu'un (et c'est comme ça que je le présente) c'est une des choses qui se sont ajoutées à une chaine de problèmes plus importants. Si Apple a retiré la fonction de partage de fichier ce n'est pas pour économiser un bouton dans l'interface mais pour alléger la charge potentielle sur les serveurs. Mais je te concède que cette partie de l'article aurait dû être un peu plus courtes ou mieux argumentée par rapport à d'autres. Et oui, tu as tout à fait le droit de penser et de dire que le papier manque de charpente technique, mais bon, tu n'amène aucun argument non plus montrant que SproutCore est innocent.
avatar Anonyme (non vérifié) | 
@Patrick75 Bizarre, pourtant je crois bien que j'ai vu 79 euros avant de décocher @XoruX Ça serait étonnant d'indiquer parfois le prix HT et parfois TTC. Personne d'autre n'a eu ça ?
avatar JulienRkt | 
@Pascal-007 Tout à fait d'accord... Mobile Me, j'hésite encore à me le procurer en raison de ces nombreux soucis et promesses pas vraiment tenues... Autant, lors de l'achat de mon iPod touch en octobre dernier, je disais à ceux qui critiquaient le manque de fonctionnalités (notamment par rapport à l'iPhone), "Attendez quelques mois, vous verrez, il y a un potentiel énorme !", et que voit-on aujourd'hui ? Un App Store en pleine forme, des applications en veux-tu en voila... Donc voilà un vrai produit Apple "bien ficelé" (critiquable, comme tout produit, mais bien ficelé). Mais Mobile Me, ça me fait un peu peur, je préfère utiliser l'adage "Wait & see", et attendre que le produit soit mûr ! ;)

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