Les opérateurs européens veulent que les grandes plateformes financent les infrastructures réseau

Mickaël Bazoge |

Les opérateurs européens aimeraient bien que les grandes plateformes mettent la main à la poche pour financer le déploiement des infrastructures internet et 5G sur le vieux continent. La Commission européenne a lancé une consultation en février sur ce point précis, et la proposition des opérateurs1 a le mérite de la simplicité. Les entreprises qui pèsent plus de 5 % du trafic moyen annuel d'un opérateur aux heures de pointe devraient aider au financement des infrastructures des réseaux cellulaire et fixe.

Apple, Alphabet (Google), Meta (Facebook, Instagram), Amazon, Netflix et TikTok seraient donc « invités » à mettre au pot. C'est la première fois que les opérateurs s'accordent sur un critère chiffré : « Nous proposons un seuil clair pour garantir que seules les [plus importantes entreprises qui génèrent du trafic], et qui ont un impact substantiel sur les réseaux des opérateurs, entrent dans le champ d'application », selon le document visé par Reuters.

Le texte ne fait évidemment pas les affaires des plateformes. Meta a immédiatement réagi, estimant que la proposition des opérateurs était « fondamentalement erronée ». Elle « déforme » l'écosystème numérique, y compris la « relation symbiotique » entre les opérateurs et les fournisseurs de contenus. L'entreprise rappelle aussi ses investissements (« plusieurs milliards d'euros ») dans l'infrastructure numérique européenne. Markus Reinisch, vice-président des politiques publiques de Meta :

Permettre à des opérateurs de facturer deux fois la même infrastructure — facturant déjà les consommateurs pour l'accès à internet tout en imposant des frais de réseau discriminatoires aux fournisseurs de contenus — nuit à la neutralité du net, à la structure de l'internet ouvert ainsi qu'aux consommateurs, sans aucune garantie d'investissements supplémentaires dans les réseaux.

La balle est désormais dans le camp de la Commission européenne, qui devra trouver une position d'équilibre — elle s'annonce délicate…


  1. Regroupés au sein du GSMA et l'ETNO (European Telecommunications Network Operators) qui représentent 160 opérateurs, dont Orange, Deutsche Telekom, Telefonica et Telecom Italia.  ↩︎

Source
Vignette : Denny Müller, Unsplash
avatar vincentn | 

@debione

Sachant qu’un FAI gère de l’infra mais propose aussi très souvent du service et qu’un Gafam propose du service mais gère aussi de plus en plus de l’infra, il faudrait avoir le détail pour chaque boîte. Or généralement ils consolident leurs résultats (sans parler des manips fiscales), donc il est probablement assez difficile de connaître réellement ces informations, qui n’apparaissent parfois même pas (ou noyées) dans leurs rapports financiers.

avatar bibi81 | 

Tiens, je me posais une question: C'est quoi le% de rentabilité d'un FAI en rapport à un GAFAM?

Et moi je me demande si on doit ajouter une taxe à ceux qui payent déjà des taxes/impôts en France ou à ceux qui n'en payent pas ?

avatar Nicol8s | 

@bibi81

Je suis d’accord que c’est peut être l’un des fonds du problème, mais on mélange différentes choses:
Oui les opérateurs payent « beaucoup » d’impôts comparés à d’autres industries.
Mais si c’est un sujet de taxation, je comprends pas pourquoi les GAFAM (et autres BATX) devraient payer cette « taxe » aux opérateurs (des entreprises privées) et non à l’état/la collectivité (et par extension aux citoyens)?

Concernant le financement des réseaux (parce que c’est l’angle des opérateurs pour justifier cette ponction), ne serait-ce pas les mêmes opérateurs qui ont refusé d’investir dans les zones moins dense (les campagnes et petites villes soit disant « pas rentables »).
Le principe de péréquation voudrait que les zones denses (très rentables) financent les zones qui les sont moins, or ici ils ont investi juste où ça les arrangeaient et ont laissé les subventions publiques payer le reste

avatar MarcMame | 

@Nicol8s

"Le principe de péréquation voudrait que les zones denses (très rentables) financent les zones qui les sont moins"

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C’est pourtant bien le cas. Même si ils rechignent à l’investissement dans les zones rurales, le coût d’accès à internet est le même pour tous. Ce sont donc bien les clients des zones denses, très rentables, qui financent celles qui ne le sont pas.

avatar MarcMame | 

@Nicol8s

"Concernant le financement des réseaux (parce que c’est l’angle des opérateurs pour justifier cette ponction)"

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La problématique principale c’est la profonde asymétrie des échanges de flux de données.
Les services de streaming sont totalement asymétriques.
Autrefois, les échanges étaient symétriques entres les opérateurs qui étaient en charge de leurs propres infrastructures ce qui permettait un équilibre.
Les sociétés de streaming ne sont pas des opérateurs.
Elles utilisent les infrastructures des opérateurs à leurs profits gratuitement. Ce ne serait pas un problème si elles ne saturaient pas ces réseaux.

On peut comparer ça à une société de transport qui s’établit sur le bord d’une nationale et qui sature et défonce quotidiennement cette nationale sans jamais prendre l’autoroute pour ne pas payer et qui imposerait aux pouvoirs publics de gérer les coûts liés à cette activité privée et donc aux contribuables.

avatar Nicol8s | 

@MarcMame

La comparaison avec le système routier à ses limites: les fibres vieillissent (quasiment pas d’ailleurs) que tu utilises la bande passante ou non (et c’est pareil à % près pour la consommation électrique des équipements).

En parlant du réseau de transport (terminologie aussi utilisé dans les réseaux), les GAFAM sont quasi les seuls à investir à l’heure actuelle sur les renouvellements des routes internationales (en prenant l’exemple de L’Atlantique la dernière fois que les opérateurs historiques ont investi c’était en 2000…)

avatar MarcMame | 

@Nicol8s

"La comparaison avec le système routier à ses limites: les fibres vieillissent (quasiment pas d’ailleurs) que tu utilises la bande passante ou non (et c’est pareil à % près pour la consommation électrique des équipements). "

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Je n’ai pas écrit que le parallèle était idéal mais l’idée générale se porte sur la congestion du réseau.
Si tu habites un village et que tes temps de transport et l’entretien des routes se trouvent multipliés à cause des camions étrangers qui ne payent pas l’infrastructure au même titre que toi, pas sûr que tu sois ravi.

avatar MarcMame | 

@Nicol8s

"En parlant du réseau de transport (terminologie aussi utilisé dans les réseaux), les GAFAM sont quasi les seuls à investir à l’heure actuelle sur les renouvellements des routes internationales (en prenant l’exemple de L’Atlantique la dernière fois que les opérateurs historiques ont investi c’était en 2000…)"

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Tu es sûr de tes chiffres ? J’ai un gros doute.
De toute façon la problématique n’est pas sur le peering international mais sur la congestion des réseaux internes aux opérateurs (les routes nationales, départementales et communales), celles que tu payes par ton abonnement à internet.
Jusqu’à preuve du contraire, les Gafam n’investissent pas jusqu’à ta porte.

avatar Nicol8s | 

@MarcMame

France Telecom, Deutsche Telecom, Telia etc.. c’était TAT-14 en 2001 depuis…
Pour le sujet National/régional les GAFAM peerent déjà au moins à Paris et Marseille, après la plupart des initiatives publiques de réseau fibres en DSP remontent leur transport par leur propre moyen (donc hors du réseau des gros opérateurs) à Paris pour aller sur les points d’échanges. Les DSP sont financées par de l’argent publique et parfois fonds de pension.
En regardant les chiffres ARCEP sur le taille du traffic et pour donner un order de grandeur on peut avec les technologies actuelles transporter l’ensemble du traffic internet Français sur une paire de fibre optique (~40Tbps).
La croissance du traffic est tout à fait soutenable d’un point de vue coût/technologie pour les opérateurs (par exemple le rapport de Vodafone à leurs actionnaires de juin 2021, post covid avait une slide très intéressante dans ce sens, je cite la slide “Peak demand has increased, As cost has per GB has fallen faster” difficile de faire plus clair)

avatar MarcMame | 

@Nicol8s

Encore une fois le problème n’est pas (que) le peering qui est un noeud autoroutier à péage.

avatar MarcMame | 

@Nicol8s

"La croissance du traffic est tout à fait soutenable d’un point de vue coût/technologie pour les opérateurs"

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Et ?
Donc on laisse faire ? C’est ta conclusion ?

avatar cosmoboy34 | 

Et les opérateurs inventèrent : la concession privée de l’autoroute de l’information…

avatar CorbeilleNews | 

« Permettre à des opérateurs de facturer deux fois la même infrastructure — facturant déjà les consommateurs pour l'accès à internet tout en imposant des frais de réseau discriminatoires aux fournisseurs de contenus — nuit à la neutralité du net »

Permettre a des personnes, structures de consommer plus la planète que d’autres nuit a la neutralité également non ???

Ce serait pas à géométrie variable tout ca ???

avatar La Bulle | 

En tout cas, qui dit consultation dit qu’il y aura bientôt une proposition de loi. J’ai un peu la flemme d’aller voir… mais j’imagine que d’autres protagonistes ont répondu, aussi bien du côté associatif que des particuliers. Ce serait intéressant de voir leur point de vue.

avatar vidok91 | 

La « relation symbiotique » entre plateformes et opérateurs ça avtoujours été du « Je t’aime, moi non plus » ❤️‍🩹 Pas prêt de se clore, ce débat…

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