Google : un vrai gPhone pour réussir ?

Arnaud de la Grandière |
Dans un peu moins de deux semaines, l'iPhone 3G flanqué du nouveau logiciel système d'Apple, débarquera dans une vingtaine de pays. Pendant ce temps, Google tente tant bien que mal de boucler le développement d'Android.

Andy Rubin, responsable des activités mobiles de Google, explique que les difficultés que rencontre sa société ne proviennent pas du développement du système en lui-même, mais de la collaboration nécessaire avec les fabricants de téléphones et les opérateurs qui veulent absolument l'intégration de telle ou telle fonctionnalité.

Et c'est là où on mesure la force d'Apple avec l'iPhone : elle maîtrise le hardware comme le software, et ne dépend que d'elle-même pour ses propres spécifications techniques. Google, en appliquant le modèle de Microsoft (un système pour une pléthore d'architectures), doit qui plus est s'adapter en cours de route à un marché déjà existant. Et d'aucuns de faire la conclusion facile : l'iPhone est au Mac ce qu'Android est à Windows, la solution de Google ne pourrait donc qu'imposer sa supériorité. C'est notamment la prédiction d'un article de Wired du mois dernier.

De fait, on peut se demander ce que Google allait faire dans cette galère, d'autant qu'un Windows pour téléphones, ça existait déjà… La première raison est avant tout stratégique : les téléphones allaient inéluctablement être amenés à remplacer les ordinateurs pour ce qui est des menus besoin de connexion à Internet. Comme Google a tout misé sur l'accès aux données en lignes, il ne fallait pas que ce marché lui échappe, et la pléthore de systèmes propriétaires pour les téléphones portables ne simplifiaient guère les choses pour ce qui est d'adapter ses logiciels et services. En créant un nouveau standard ouvert et gratuit, Google reprenait la main tout en réglant ses problèmes. De fait, l'architecture ouverte de Google permettait également à nombre de développeurs, outre les 54 membres du consortium qu'elle a initié, de créer facilement des applications pour son standard. C'est probablement ce qui a achevé de convaincre Apple de réviser sa copie pour le développement de logiciels sur iPhone. La concurrence a toujours du bon pour les consommateurs.

Ceci étant, le marché de la téléphonie mobile semble rester indécise quant au modèle à suivre : si Google a entraîné dans son sillage 54 entreprises de l'industrie, Apple en revanche a fait des émules, puisque Nokia s'est arrogé Symbian (lire : Nokia s'empare de Symbian), histoire de se battre à armes égales avec la firme à la pomme. Et pour ne pas demeurer en reste avec Google, le constructeur finlandais offre gratuitement la licence du système à ses concurrents, jouant ainsi sur les deux tableaux en attendant qu'un vainqueur soit départagé.

L'avantage d'un standard, c'est qu'il fait boule de neige : en étant disponible sur plusieurs types de téléphones, il intéresse les développeurs qui s'adressent à un public plus large, et donc ceux-ci sont plus nombreux à proposer des produits pour ce marché, ce qui attire plus de clients finaux, etc. L'inconvénient en revanche, c'est qu'il faut que tout fonctionne sur tous les appareils, aussi hétéroclites soient-ils. C'est également une contrainte pour les fabricants, qui sont dépendants du système pour ce qui est des fonctionnalités et du design de leurs appareils. De plus, il devient plus difficile de se démarquer de la concurrence quand seuls l'apparence ou le prix du téléphone peuvent vous différencier. De même, la collaboration à 55 n'accélère pas les choses, là où Apple ne dépend que d'elle-même pour faire évoluer son produit. Enfin, si Android est open-source, il faut néanmoins un certain savoir-faire pour le faire progresser intelligemment, savoir-faire que n'ont pas les constructeurs, mais pour lequel Apple n'a en revanche plus aucune preuve à faire, d'autant qu'elle maîtrise toutes les clés du matériel comme du logiciel, et pousse leur intégration dans ses derniers raffinements. Et au vu du retard pris par Android, il est clair qu'il reste encore des progrès à faire pour arriver au même niveau.

Alors que jusqu'ici tout semblait réussir à Google, le lancement d'Android ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Outre le retard à l'allumage, Android a du mal à trouver preneur : les deux plus gros opérateurs américains n'en ont pas voulu, Google devant se rabattre sur le troisième et le quatrième, dont les exigences en outre n'ont pas été du meilleur effet pour faire avancer le projet. Résultat, les opérateurs ne pourront pas proposer de téléphones basés sur Android avant la fin de l'année au plus tôt. D'autre part, les plus grosses sociétés éditrices de logiciels pour mobiles se sont jusqu'ici montrées circonspectes, préférant attendre que le système opératoire soit plus avancé pour entamer le moindre développement : le projet évolue encore de façon trop importante pour l'heure pour risquer un tel investissement.

Pendant ce temps, Apple continue de mener la danse et d'imposer le rythme au reste de l'industrie, qui n'a pu faire mieux jusqu'ici que de suivre et de s'adapter. Sa marge de manœuvre est d'ailleurs sans pareille, puisqu'en l'espace d'un an, Apple a non seulement changé le business-modèle de son téléphone, mais également sa philosophie pour les logiciels, alors que la concurrence est toujours à la peine pour seulement proposer un équivalent à l'iPhone premier du nom. Steve Jobs a su garder la main depuis qu'il a jeté son pavé dans la mare, et bénéficie d'un «buzz» incroyable, qui ne semble toujours pas décliner. Si les ventes de l'iPhone n'ont pas été partout motif de satisfaction, les développeurs ont malgré tout montré un vif intérêt pour l'iPhone. À tel point qu'Apple a dû faire une liste d'attente pour ceux-ci… L'utilisation des outils de développement du Mac pour créer des logiciels pour iPhone n'y est sans doute pas étrangère.

Les choses sont donc loin d'être gagnées pour Google. Certains, comme John Gruber, laissent même à penser que Google doive adopter l'approche d'Apple pour pouvoir se battre à armes égales, et proposer un véritable gPhone tel qu'il était attendu avant l'annonce d'Android. Une chose est sûre : les jeux dont loin d'être fait dans la bataille qui s'annonce.

crédit photo : RocketRaccoon
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avatar Silverscreen | 
Y'a des différences majeures aussi avec la guerre Mac OS - Windows : le public découvrait ce qu'était un ordinateur là où tout le monde a un portable et en identifie les limitations et ses propres besoins, le marché de l'informatique personnelle était en pleine croissance alors que le taux d'équipement en téléphonie mobile est quasi maximal, ni Apple ni Microsoft n'étaient distributeurs de contenu à l'époque de la guerre Mac-PC… mais, surtout, Steve Jobs a maintenant connu la victoire de Windows et n'est pas du genre à faire deux fois les mêmes erreurs…
avatar Anonyme (non vérifié) | 
"Steve Jobs a connu la victoire de Windows et n'est pas du genre à faire duex fois la même erreur" En effet, dans la mesure où il est en train de créer une sorte de monopole. Voir la belle analyse suivante (en anglais) http://www.guardian.co.uk/technology/2008/jun/15/stevejobs.apple
avatar spleen | 
Je suis toujours admiratif devant ceux qui sont capables de prédir l'avenir d'un produit avant même la fin de son développement. Surtout dans le cas de Google dont l'opacité et le culte du secret sont légendaires.
avatar lau1967 | 
Bon article encore une fois ;) Belle série en ce moment la rédaction ! Cependant le dernier paragraphe mériterait d'être retravaillé pour plus de libilité : que Google devrait adopter" et : "les jeux sont loin d'être faits". @spleen C'est surtout valable pour Wired, d'ailleurs célèbre pour ses prédictions à la ramasse et le ton général de l'article n'incite pas le lecteur à penser que Google Android sera un échec. En revanche, quand on lit les articles et/ou réactions concernant l'Iphone, l'échec ou le succès sont les deux grosses tendances, avec tout de même des articles argumentés et me semble t'il objectif, comme sur MacGénération. Laurent
avatar Anonyme (non vérifié) | 
Bravo MacGé pour tout ces articles de qualité. Pourvu que ça dure !
avatar Orus | 
Surtout que lu sur Freenews "D’après le journal Les Echos, Free et Bolloré Telecom seraient en discussion avec Google. Le sujet serait le financement de leurs réseaux Wimax."
avatar Mouloud | 
Oui, félicitations macG pour ces articles de fond ! Ca fait vraiment la différence par rapport aux autres sites ! C'est juste la bonne longueur, c'est fouillé, documenté, et ça nous change des dépêches superficielles qui prévalent sur internet. Petite remarque. : [quote]l'iPhone est au Mac ce qu'Android est à Windows,[/quote] J'aurais plutôt dit "Android et à l'iPhone ce que Windows est au Mac" non ? Il me semble que ça aurait plus de sens...
avatar Psylo | 
Apple ne dépend que d'elle-même pour ses propres spécifications techniques. WOOW j'en ai un peu marre de lire de belles conneries sur Apple. Mais alros celle là... est énorme.

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