L’Irlande collecte les 13 milliards d’euros dus par Apple à reculons

Anthony Nelzin-Santos |

Treize milliards d’euros, c’est le montant de l’avantage fiscal « indu » qu’Apple doit rembourser à l’Irlande, après une décision de la Commission européenne. Une somme que le gouvernement irlandais va devoir placer sous séquestre et administrer pendant des années, ce qui ne manque pas d’agacer Paschal Donohoe. « Nous ne sommes pas le percepteur du monde », déclare le ministre irlandais des Finances dans une interview au Frankfurter Allgemeine.

Paschal Donohoe (à droite), le ministre irlandais des Finances, en 2016. Image Northern Ireland Executive (CC BY-ND 2.0).

En août 2016, après plusieurs années d’enquête, la Commission européenne concluait que l’Irlande avait « accordé à Apple un traitement fiscal préférentiel illégal ». Par le truchement de nombreux accords et de multiples montages, la firme de Cupertino aurait bénéficié d’un taux d’imposition effectif de 0,005 % en 2014, un chiffre contesté par Tim Cook.

Selon les calculs de la Commission, Apple a ainsi économisé 13 milliards d’euros depuis 2003, une somme qu’elle va devoir verser au fisc irlandais. Une situation qui met le gouvernement dans l’embarras : le « miracle irlandais » repose sur une politique fiscale destinée à attirer les multinationales… mais aussi les « paiements de transfert » des pays de l’Union européenne.

Pris entre le marteau et l’enclume, le gouvernement irlandais a fait timidement appel de la décision de la Commission, et n’a pas pressé le transfert de la somme due par Apple. L’échéance commence seulement à approcher, alors qu’elle avait été fixée au 3 janvier dernier. « C’est une chose compliquée à réaliser à cause du montant de la somme », avait concédé Margrethe Vestager, commissaire européenne en charge de la concurrence.

Une somme qui représente 5 % du PIB de l’Irlande, et qui va devoir être placée sur un compte spécifique. Si le point de vue du gouvernement irlandais prévaut, Apple pourra récupérer son argent… ou ce qu’il en reste. Les fluctuations du cours de l’euro ou les répercussions du Brexit pourraient affecter la valeur du fonds administré par l’Irlande, qui s’inquiète d’être tenu pour responsable des éventuelles pertes.

Dans son interview au Frankfurter Allgemeine, Paschal Donohoe redit d’ailleurs son attachement à une frontière ouverte entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, ainsi qu’à un accord général sur la lutte contre l’évasion fiscale. « Nous avons fait d’énormes progrès », explique le ministre irlandais des Finances, « mais la solution doit être cherchée au niveau mondial. »

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