Eddy Cue et Craig Federighi bêta-testeurs comme tout le monde

Nicolas Furno |

Tim et moi, on est allé au Super Bowl ensemble. C’est vraiment un grand fan des Broncos. Quand ils ont gagné, on était super content, on a fait des high five, on est allé sur le terrain et Tim a pris une photo. Il était si content, il a voulu les féliciter et il a publié la photo.

Le lendemain, je me réveille et je vois tous les messages, les tweets et tout le reste et je me suis dit que c’était génial. Ça montre que Tim est comme vous et moi, un grand fan de sport, il a adoré le match et que son équipe gagne le Super Bowl.

C’est en revenant sur la fameuse photo floue de Tim Cook que Eddy Cue, SVP en charge des services en ligne chez Apple et Craig Federighi, SVP en charge d’iOS et d’OS X, ont commencé leur discussion avec le blogueur et podcasteur John Gruber. L’épisode 146 de The Talk Show a été publié vendredi en fin de journée et nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer les nouveaux chiffres divulgués ici ou là par les deux responsables d’Apple, ainsi que les principales annonces.

Eddy Cue et Craig Federighi, devant LA photo.
Eddy Cue et Craig Federighi, devant LA photo.

Néanmoins, l’échange d’une heure environ a aussi été l’occasion d'aborder d’autres sujets. Certains sont anecdotiques (sauf si vous vous intéressez aux sports américains), mais d’autres sont révélateurs de la stratégie actuelle d’Apple. Malheureusement, ils n’ont pas dit pourquoi cette fameuse photo avait été supprimée de Twitter, mais on fait le point sur tout le reste !

Les employés d’Apple sont les premiers testeurs

Je vais vous dire à quel point on peut être dingues à ce sujet, Craig et moi. J’étais en train d’installer une nouvelle version d’OS X sur mon iMac, une non disponible au public, il y a quelques jours. J’ai eu un problème et je savais qu’il allait être difficile à reproduire. Il était alors 19h30 et je venais de rentrer à la maison pour faire cette mise à jour.

J'ai appelé Craig et je lui ai dit que j’avais un problème. Je devais partir le lendemain pour rencontrer des écoliers avec des iPad en Arizona et je lui ai dit qu’il fallait regarder ce bug, que c’était bizarre et que ça allait être difficile à reproduire. Il m’a dit pas de problème, donc j’ai pris l’iMac, je l’ai mis dans la voiture, je suis allé chez Craig, je lui ai donné l’iMac. Puis je suis rentré chez moi, je suis parti et pendant ce temps, Craig et son équipe ont identifié le bug et le lendemain, j'ai récupéré l’iMac.

Craig Federighi et Eddy Cue utilisent les produits Apple, c’est un message qu’ils n’ont cessé de marteler pendant toute l’interview. Au point qu’ils installent et achètent parfois eux-mêmes les produits, pour avoir la même expérience qu'un client lambda. Et quand ils tombent sur un bug, ils font tout pour le corriger, comme cette anecdote assez surréaliste le montre bien.

Autre exemple, encore une fois donné par Eddy Cue : alors qu’il teste l’Apple TV, il veut regarder un film et tombe sur un message qui lui demande s’il veut l’acheter à nouveau. Cette information n’a pas de sens (le contenu avait été téléchargé par un autre membre de sa famille dans le cadre du Partage familial), le film devrait se charger immédiatement, et il a demandé à son équipe de le corriger.

Pas sûr que Craig puisse réparer un iMac dans cet état… (Photo Brian Barnett CC BY-NC-ND 2.0)
Pas sûr que Craig puisse réparer un iMac dans cet état… (Photo Brian Barnett CC BY-NC-ND 2.0)

En sa qualité de SVP en charge du développement d’iOS et d’OS X, Craig Federighi installe toutes les bêtas… et bien plus encore. Outre les versions publiées pour les développeurs, il installe de nombreuses builds déployées uniquement en interne, si bien qu’il estime installer au moins 1000 versions d’iOS et OS X par an. Il faut dire qu’il a quatre Mac, quatre iPad et deux iPhone avec lesquels tester ces mises à jour, presque tous les jours… son estimation est ainsi probablement loin du compte.

De son côté, Eddy Cue a l’habitude d’installer les dernières bêtas pendant les réunions, pour tester en direct les nouveautés et donner son avis. Et ce n’est pas, à les croire, un comportement isolé : à tous les niveaux chez Apple, on remonte régulièrement des bugs à corriger. Et la famille de Craig Federighi s’y colle aussi : apparemment, ses enfants utilisent les bêtas et servent de bêta-testeurs.

C’est une bonne chose, mais tout le monde ne peut pas déposer son Mac en panne chez un SVP d’Apple pour signaler le moindre problème rencontré. Cette problématique a été débattue et le responsable d’OS X et iOS a reconnu volontiers que Radar, l’interface qui permet aux développeurs de remonter à Apple les bugs croisés, n’était pas parfaite. Elle est apparemment beaucoup plus efficace en interne — le SVP parle d’élément vital à l’organisation —, mais nécessite un travail d’adaptation pour l’extérieur.

Pour le grand public, Apple a mis en place un meilleur outil avec l’Assistant d’évaluation, un logiciel intégré aux bêtas publiques d’OS X et d’iOS et qui permet de signaler un problème plus simplement.
Pour le grand public, Apple a mis en place un meilleur outil avec l’Assistant d’évaluation, un logiciel intégré aux bêtas publiques d’OS X et d’iOS et qui permet de signaler un problème plus simplement.

Les mises à jour annuelles pour les développeurs, les intermédiaires pour les utilisateurs

Quand est-ce que les développeurs auront un nouveau Radar ? Pas de réponse claire, d’autant qu’Apple ne sait pas encore comment répondre aux développeurs, tout en gérant son propre calendrier de mises à jour. Ce n’est pas, assure Craig Federighi, que l’information n’arrive pas : à l’en croire, tous les rapports de bugs sont consignés et traités par Apple et ils ont tous un impact sur le développement.

En revanche, il reconnaît qu’il n’y a en général pas de réponses, ce qui est souvent la source de frustrations de la part des développeurs… qui arrêtent alors parfois d’envoyer les rapports. Le problème, c’est de savoir comment communiquer avec les développeurs, comment leur signaler que le bug a été corrigé, sans dévoiler la stratégie de l’entreprise. En fonction des cas, la correction peut être glissée dans une version mineure, ou attendre une mise à jour annuelle majeure.

Tout n’est pas parfait du côté de la communication, mais le patron d’OS X et d’iOS a donné quelques clés pour comprendre la stratégie actuelle de l’entreprise concernant les mises à jour. Avec iOS 9.3, Apple met à disposition des nouveautés importantes sans attendre le cycle annuel des versions majeures. Cette fois, on a le mode nuit, les notes protégées par mot de passe, le partage d’iPad en milieu scolaire, des ajouts dans Santé, des raccourcis 3D Touch en plus, la synchronisation des livres avec iCloud…

Bref, iOS 9.3 fait le plein de nouveautés, mais Craig Federighi fait remarquer qu’elles ne concernent pas les développeurs — même si ces derniers sont également gâtés. C’est d’ailleurs pour cette raison que cette version n’a pas attendu la WWDC (qui devrait avoir lieu en juin) et qu’elle bénéficie d’une page dédiée sur le site d’Apple. Et à l’avenir, l’entreprise devrait généraliser cette idée et proposer des nouvelles fonctions tout au long de l’année.

En revanche, les nouveautés qui concernent les plateformes, autrement dit celles qui demandent aux développeurs de modifier leurs apps, ne seront pas délivrées en continu. Dans ce cas de figure, Apple s’en tient au schéma traditionnel : une conférence par an pour présenter ces nouveautés et pour permettre à tout le monde d’avancer au même rythme, en tenant compte des changements apportés.

En clair, Apple devient plus transparente sur les petits ajouts que l’on ne qualifierait pas de mineurs, mais qui sont plutôt des fonctions à petite échelle. Par contre, les nouveautés les plus significatives qui impliquent les développeurs, comme le partage d’écran d’iOS 9 sur iPad, resteront secrètes jusqu’au mois de juin qui précède le lancement officiel. Ce qui explique que, dans ce cas de figure, les développeurs qui envoient des rapports de bugs ne recevront pas nécessairement de réponses pour le moment, même si le constructeur entend améliorer ce point.

Des logiciels en progrès constants selon Apple

Si les deux vice-présidents senior d’Apple sont venus discuter avec John Gruber, c’était d’abord en réaction aux dernières critiques contre les produits de l’entreprise. C’est une idée qui revient régulièrement dans l’actualité et sa dernière incarnation provient de Walt Mossberg. Ce journaliste suit Apple depuis des années et il a même été, à une époque, plutôt proche de Steve Jobs.

Walt Mossberg (gauche), avec Steve Jobs, lors d’une conférence en 2007. Photo Joi Ito (CC BY 2.0)
Walt Mossberg (gauche), avec Steve Jobs, lors d’une conférence en 2007. Photo Joi Ito (CC BY 2.0)

Comme d’autres, il est devenu plus critique ces derniers temps. Son article pointait du doigt la qualité des logiciels d’Apple qui manqueraient, d’après le journaliste, de finition. Et de pointer du doigt quelques défauts, dans Mail, Photos ou encore iTunes. Eddy Cue a répondu pour ce dernier et promis une nouvelle version, mieux adaptée à Apple Music. Mais ils ont aussi évoqué de manière plus générale la qualité du logiciel chez Apple.

Et le constat dressé par les deux SVP est sans appel : la qualité des applications et des systèmes est en progrès constant et elle a augmenté de manière significative ces dernières années. Craig Federighi a donné un exemple très concret et plutôt convaincant : les applications Apple plantent moins sous iOS 9.0 que sous iOS 8.3. Il insiste pour rappeler que ce n’est pas la seule chose qui est mesurée, néanmoins, le nombre de crashs est un facteur déterminant et il est souvent élevé avec les premières versions. Sauf que cette année, iOS 9.0 a fait mieux sur ce point que la version précédente, améliorée depuis un an.

Mais, reconnaît Craig Federighi, le niveau d'exigence a aussi augmenté au fil du temps et la barre est toujours plus élevée. Ce qui fonctionnait bien l’an dernier ne suffit plus aujourd’hui et Apple doit constamment améliorer ses produits. Avant l’iPhone, on utilisait la technologie beaucoup plus simplement et dans un cadre plus fermé. Le nombre d’appareils et leur importance dans nos vies a augmenté considérablement ces dernières années. Nous sommes plus exigeants, puisque l’on dépend beaucoup plus du matériel et du logiciel qui le fait tourner, et les bugs qui étaient auparavant anodins deviennent une vraie gêne.

Sans compter que le constructeur doit gérer toujours plus de situations : plus de pays, de langues, d’applications tierces, et évidemment, plus d’utilisateurs. Autre argument avancé dans la discussion : les utilisateurs mettent beaucoup plus rapidement leurs terminaux à jour, et se retrouvent donc nez à nez pour la plupart avec une version x.0. Alors que, rappelle Craig Federighi, Snow Leopard n’a été populaire qu’à partir de plusieurs mises à jour mineures qui corrigeaient les premiers bugs.

Je me souviens de la sortie de Snow Leopard. Combien de personnes avaient installé 10.6.0 ? Approximativement personne ! On se disait alors que le rythme de mises à jour se calerait sur celui du renouvellement des Mac. On ne mettait pas à jour, ou alors on attendait 10.6.5…

Mac OS X Snow Leopard, que l’on ne téléchargeait pas à l’époque… (photo MacGeneration)
Mac OS X Snow Leopard, que l’on ne téléchargeait pas à l’époque… (photo MacGeneration)

Il oublie de préciser que les mises à jour majeures étaient alors payantes et qu’on ne pouvait pas les obtenir immédiatement en téléchargement. Il est indéniable que l’installation d’un nouvel iOS ou d’un nouvel OS X est plus rapide aujourd’hui. Ce qui explique aussi qu’un plus grand nombre d’utilisateurs exploite des versions moins stables en moyenne. C’est la même chose avec les services en ligne, qui doivent encaisser très rapidement plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs.

Au fil de la discussion, Craig Federighi souligne aussi que les utilisateurs de produits Apple peuvent être très bruyants quand ils rencontrent un problème. Non sans glisser que parfois, le problème n’est pas aussi important qu’on pourrait le croire ou bien qu’il s’agit parfois d’une résistance au changement. Il évoquait en particulier l’absence de compatibilité avec les claviers Bluetooth sur la nouvelle Apple TV : c’est quelque chose qui était connu en interne, mais qui n’était pas prioritaire. Pourquoi ?

Les utilisateurs d’Apple TV qui exploitaient un clavier Bluetooth étaient peu nombreux, et surtout « on a remarqué que le nombre d’utilisateurs avec claviers Bluetooth tombait quasiment à zéro pendant la WWDC », c’est-à-dire pendant la conférence dédiée aux développeurs. Une manière de dire que, parfois, les problèmes des développeurs ne sont pas ceux du grand public, et donc, peut-être, qu’ils ne sont pas aussi graves qu’ils n’en ont l’air.

Reste à savoir si cela s’applique aussi aux journalistes…

Image de une : mihimaru CC BY-ND

avatar bertrandserra | 

@françois bayrou : xD je comprends mieux

avatar e2x | 

C'est bien, ils font eux même, et leur famille, les beta testeurs etc...
Mais qui s'occupent donc des softwares pro qu'ils ns vendent ou présentent comme incontournables ?
J'voient que tt le monde parle de finder, d'apercu, photos et consorts...mais on dirait que ya personne qui teste Logic X, Final Cut, les suites bureautik ...
Apple a tellement simplifié l'accès à certaines fctionalités que des trucs pros st devenus des bidules grand public.
Ex: Logic s'est amélioré avec le X certes mais n'a fait qu'intégrer un paquet de plugs et sounds pour faire de la musique urbaine, style Trap ! Pendant que la bibliothèque a fait disparaitre les collections biens précises d'instruments de musique classic, world music, violons, cuivres etc...qu'on avait avec Logic 9.
Big fatigue pour les pros !
Que les enfants de Cue et Greg s'mettent là-dessus alors !

avatar e2x | 

Mince ! J'aime pas râler mais pfff... On dirait trop qu'on vit pas dans le même monde !
D'ailleurs P.S: qu'ils s'mettent aussi au débit web de pays comme le mien au lieu de balancer tout via un Cloud !

avatar Jef-67 | 

La blague du siècle ... des logiciels en progrès constants ... Ils utilisent Windows 10 chez Apple ?
Grève de plaisanterie, franchement, ces mecs sont juste bons à faire du marketing ...
Je suis en train de me prendre le chou avec les problèmes Spotlight, sans parler de l'Application Server ...

avatar Bruno de Malaisie | 

Je me souviens en voyant le disque de Moutain Lion qu'il était dans la boîte de mon MBP Lorsque DHL me l'avait livré.
Et, tellement excité, je l'avais installé directement. Je faisais partie de ces peu nombreux inconscients....
Pas de souvenir de tant de bugs que cela néanmoins...

avatar Emile Schwarz | 

Combien de temps pour installer une mise à jour ?

entre 30 minutes à une heure…

Alors si Craig en installe autant, où trouve-t-il le temps de les tester, de faire son travail de base…

Et puis, quel dommage que je n'habite pas dans la vallée (comme déjà dit par beaucoup ici): j'aurai montré quelques bugs (du Finder et de la gestion de ses préférences…, du montage / démontage des volumes externes, etc.) que je traine comme des boulets depuis OS X 10.3 !
Certains ne sont apparus que dans Mavericks (je crois), et pas corrigés dans EC.4pb4…

avatar jmtweb | 

Quelle esbroufe si ce n'est OSX snow léopard qui lui est la référence absolue. Le reste... circulez, y a rien à voir.

avatar Emile Schwarz | 

Ce n’est pas vrai, mais si tu es satisfait avec Snow Leopard: RESPECT, et qui suis-je pour te contredire ?

Je dois aussi dire que je ne me souviens pas de Snow Leopard (à cause de ma mémoire et probablement parce que je ne l’ai pas utilisé longtemps…).

avatar Joe 92 | 

Ce serait bien qu'Eddy Cue teste Apple Music.

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