Apple et les développeurs : c'est compliqué !

Christophe Laporte |

Les développeurs indépendants gravitant autour de l'écosystème d'Apple doivent avoir la tête qui tourne. Ces dernières années, ils avaient déjà dû se dépasser avec la montée en puissance d'iOS. Proposer une application entièrement fonctionnelle sur iOS et OS X n'est pas de tout repos.

Ce qui est souvent présenté comme étant très simple par Apple est dans les faits beaucoup plus compliqué pour les développeurs. On l'a vu avec de nombreux éditeurs comme The Omni Group qui propose des apps de qualité sur chacune des plates-formes d’Apple, mais à qui il a fallu beaucoup de temps pour y arriver. Chaque plateforme a ses avantages, mais également ses spécificités et ses contraintes. De plus, le fait d’avoir une même app sur plusieurs plates-formes amène de nouvelles problématiques, dont celle de la communication entre elles. Il faut pouvoir passer d’un appareil à l’autre sans contrainte.

L'art est d'autant moins facile qu'iOS et OS X évoluent en permanence. Pour répondre aux attentes des utilisateurs, il faut donc à la fois faire évoluer son application pour qu'elle soit meilleure que ses concurrents directs, tout en exploitant au mieux les nouvelles fonctionnalités des systèmes d'exploitation d'Apple. Un marathon sans fin…

Les développeurs qui étaient déjà bien occupés viennent de voir apparaitre en l’espace de quelques mois deux nouvelles plates-formes estampillées Apple : watchOS pour l’Apple Watch et tvOS pour l’Apple TV. À cette liste, il faut également ajouter l’iPad Pro qui n’est pas un iPad comme les autres. Sur le papier, ces nouveaux produits leur offrent dans bien des cas de nouvelles opportunités, mais le jeu en vaut-il la chandelle ? La question mérite d’être posée.

Du point de vue d’Apple, les choses sont très simples. La firme de Cupertino compte plus que jamais sur ses développeurs pour rendre encore plus attractifs ses nouveaux produits. Avoir quelques killer-apps est une condition clé au succès de l’Apple Watch, l’Apple TV et l’iPad Pro.

Mais pourquoi les développeurs seraient-ils prudents ?

Lorsqu’Apple a lancé l’App Store, il y avait une sorte de ruée vers l’or. Pour le Mac App Store, le parc de Mac était déjà important et les portages aisés dans la plupart des cas. Enfin, l’iPad a été lancé dans un climat d’euphorie comme Apple en a peu connu dans son histoire. La marque à la pomme était véritablement à son apogée.

Comment pousser les développeurs à faire la killer-app pour l'Apple TV ou l'Apple Watch ? Sans parler d'étude de marché, il y a certains aspects qui sont difficiles à prendre en compte. Les développeurs ont une idée assez précise du parc installé de Mac, d'iPhone et d'iPad. Tout le monde en revanche connait le mutisme d'Apple vis-à-vis du nombre de montres qu'elle a vendues. Le « tout va bien » de Tim Cook ne suffira pas forcément à les convaincre à passer quelques mois à concevoir l’application qui pourrait tout changer.

Même chose pour l'Apple TV. D'ailleurs, c'est suffisamment rare pour être signalé, Apple a été très gentille avec les développeurs en leur permettant d'obtenir un exemplaire pour 1$ symbolique dans l'espoir de voir naître des vocations, le tout un mois avant son lancement.

Pour le moment, il n’y a pas de véritable dynamique autour de ces produits. Dans certains cas, on trouve même des développeurs qui préfèrent rester à l’écart. L’exemple le plus marquant est sans doute celui de Bohemian Coding avec l’iPad Pro.

Cet éditeur, à qui l’on doit Sketch, un éditeur de dessin vectoriel adulé (lire : Design : pas de portage de prévu sur iPad Pro), a préféré se tenir à l’écart de la nouvelle tablette d’Apple. La raison invoquée est l'impossibilité de proposer une démo pour un titre vendu 100 € :

Le plus gros problème est la plateforme. Les applications iOS sont généralement vendues à des prix faibles en raison de l'absence de version d'essai. Nous ne pouvons pas porter Sketch sur iPad si nous ne sommes pas sûrs du retour sur investissement.

Sketch sur iPad Pro serait très probablement un outil formidable, qui constituerait pour un nombre non négligeable d’utilisateurs un motif suffisant pour acquérir la grande tablette.

Apple et les développeurs : je t'aime, moi non plus !

Les relations entre les développeurs et la firme de Cupertino ne sont pas forcément au beau fixe. Il y a des points d'achoppements qui reviennent souvent sur le coin de la table. Le plus récurrent est sans doute qu'Apple ne leur permet pas de proposer des mises à jour payantes. On pense également à d'autres points comme les délais de validation, le système des commentaires sur l'App Store qui ne permet pas de dialoguer avec les utilisateurs confrontés à des bugs…

Mais le nerf de la guerre, comme le montre l’exemple de Sketch, est souvent d’ordre financier… Comment s’y retrouver avec une application vendue une poignée d’euros ? L’argument est souvent mis en avant par les développeurs.

Face à ce problème, des solutions existent pourtant. Il y a ceux à l’image de The Omni Group qui n’hésitent pas à garder une tarification élevée. Son gestionnaire de tâches, OmniFocus 2, coûte 39,99 € sur l’App Store. L’éditeur qui jouit d'une excellente réputation parvient à maintenir des prix de cet ordre sur tous ses logiciels.

Il y a également la voie du freemium qui est de plus en plus utilisée. C’est très facile à mettre en oeuvre dans certaines applications, notamment dans les logiciels graphiques où l’éditeur peut réserver certains outils aux utilisateurs payants. Enfin, il y a la voie de l’abonnement qui est de plus en plus prisée. Les deux cas les plus symboliques sont Adobe et Microsoft.

Cercle vertueux ou cercle vicieux ?

Avec l’App Store et l’iPhone (puis l’iPad), Apple est parvenue à créer un cercle vertueux. Avec l’Apple TV, l’Apple Watch et l’iPad Pro, la tâche s’annonce plus ardue.

Ces produits sont des promesses et sont amenés, au moins à court terme, à vivre dans l’ombre de l’iPhone, qui plus que jamais constitue le centre de gravité d’Apple et des développeurs. Le Mac App Store en sait quelque chose (lire : Le Mac App Store est-il un échec ?), alors même qu’il bénéficie d’un parc d’ordinateurs installé important. Mais il y a une vie après l’iPhone, et c’est sans doute aussi pour cela qu’Apple s'attache à ouvrir tant de nouveaux marchés.

avatar Un Type Vrai | 

C'est quoi au fait ta définition de cercle vertueux ?

Ca signifie que :
L'amélioration de l'un implique l'amélioration de l'autre.

Ca ne signifie pas :
Quoi qu'il arrive, l'amélioration grandira pour l'un et l'autre jusqu'à l'infini et au dela...

Merci d'avoir détaillé la définition implicite dans mon message.

avatar fousfous | 

@Domsware :
Pour l'interface ce n'est pas le plus compliqué pourtant, ce n'est que du placement de bouton, c'est superficielle et dans la journée ça peut déjà être bien dégrossi.
Et pour les bugs du nouvel OS pourquoi vous croyez qu'apple laisse 3 mois avec un accès au beta? On dirait que pleins de devs ne sont pas au courants et s'étonnent quand leur app bug une fois que la MAJ est arrivé. Donc y a quand même une grande part de responsabilité des devs qui préfèrent jouer les Calimero et rejeter la faute sur Apple...

avatar BeePotato | 

@ fousfous : « Pour l'interface ce n'est pas le plus compliqué pourtant, ce n'est que du placement de bouton, c'est superficielle et dans la journée ça peut déjà être bien dégrossi. »

Ben voyons…

C’est pourtant bien vrai que la seule et unique différence entre l’interface d’une application pour Mac, d’une appli pour iPhone, d’une appli pour iPad, d’une appli pour Apple Watch et d’une appli pour Apple TV, c’est la position de deux ou trois boutons, c’est bien connu. Bon sang, c’est pourtant simple ! Pourquoi ces incapables de développeurs ne sont-ils même pas capables de s’en rendre compte ?

On se demande d’ailleurs pourquoi Apple a fait l’effort de produire des API différentes pour toutes ces plateformes, au lieu d’avoir un truc unique et magique qui s’adapte à tout avec un simple réglage de « placement de bouton »… ;-)

avatar Un Type Vrai | 

"Pour l'interface ce n'est pas le plus compliqué pourtant, ce n'est que du placement de bouton, "

Oui, comme un photographe ne fait qu'appuyer sur un bouton, un controleur aérien ne fait que lire un écran, un traducteur ne fait qu'écrire du texte, un homme politique ne fait que parler...

Dis moi ton métier, ej t'explique ce que tu fais en 3 mots.

Par contre un changement de paradigme, même sur un site internet avec peu de spécifité métier peu entrainer des boulversements.

avatar Ast2001 | 

Franchement, tes commentaires sur le ton de c'est facile le développement, on pourrait s'en passer. Il n'y a rien de plus complexe que de concevoir une interface et ce n'est certainement pas en posant un bouton ici et une zone d'édition là avec un quelconque builder que cela se passe.

Si tu n'es pas professionnel dans ce domaine, je pense qu'il vaut mieux ne rien dire.

Je suis responsable d'une petite équipe de développement (web) d'une quinzaine de personnes et je peux t'assurer que je suis tout à fait respectueux et admiratif de leur travail quel que soir leur domaine. Il y a aujourd'hui tellement de normes, de méthodes, de frameworks, d'outils, de langages à maîtriser que c'est vraiment super compliqué.

avatar byte_order | 

Sa position c'est en gros "C'est plus pas facile que compliqué".
;-)

avatar Gandalf | 

Un développeur ne peut il pas proposer une application avec un temps limité d.utilisation et débloquer l'utilisation illimité par un achat inApp. Ce serait un moyen pour essayer une application avant achat.
Créer un abonnement permettrait aussi de générer des revenus continu pour l'utilisation et la mise à jour d'une application. c'est très utilisé dans le milieu professionnel par le biais de contrats de maintenance.

avatar Un Type Vrai | 

Je crois que c'est justement ce qui est impossible.

avatar byte_order | 

Si si, il suffit juste d'attendre qu'Apple oublie de renouveler un certificat de sécurité et toutes les applications ont une durée d'utilisation limitée dans le temps.

Magic !

avatar Domsware | 

@fousfous :
Ton commentaire laissé supposer que tu n'y connais pas grand chose dans le domaine. Alors comme l'on dit : cordonnier pas plus haut que la chaussure.

Non une interface utilisateur, plutôt une expérience utilisateur ce n'est pas que le placement de boutons. Par exemple sur un écran de plus grande taille plus d'informations peuvent être affichées et donc il faut repenser cet affichage : quoi, comment, où...

Ensuite les versions des OS sont effectivement disponibles quelques mois en avance. Mais dans quel état ? Et dans quel état est Xcode ? Même une fois sorti sofficiellement l'OS et Xcode comportent des bugs. Et selon la partie sur laquelle un développeur est cela peut être tout simplement bloquant.

avatar Un Type Vrai | 

"Pour mémoire, Steve Jobs ne voulait pas d'App Store au début"
Pour mémoire, ceci est une légende urbaine.

Il est impossible de sortir une API à tout à chacun pendant qu'on la finalise.
Il faut avoir un contact avec tous les développeurs pour s'assurer que les changements (signatures de fonctions, nouveux objetcs etc...) sont suivit de près et testé dans la foulée.

Sinon Apple en serait encore à avancer sur son API avec un cycle de dépréciation de 3 ou 4 ans et donc un iOS 9 ayant le code d'iOS 7 et iOS 8.

Il fallait faire un truc propre, complet et cohérent, ce qui ne rime pas avec open bar...

Evidement, les webapp étaient possibles et Apple poussaient les coussin péteur à être écrit en javascript plutôt qu'Objective-C...

avatar webHAL1 | 

Je trouve toujours particulièrement amusant, sur les articles de ce genre, les réactions qui se résument à "sales développeurs fainéants, vous n'avez qu'à vous adapter et être satisfaits de votre sort !".

Sauf que dans la vraie vie, ce n'est pas exactement comme ça que ça marche. Si aujourd'hui il y a une grande communauté de développeurs pour la plate-forme iOS (et, dans une moindre mesure, Mac), ce n'est pas parce que "Apple, c'est cool !" ou bien "Yeah, we think different!", mais du fait de l'aspect incontournable de l'environnement mobile de la Pomme. Il y a de l'argent à se faire, bien plus que sur les smartphone Windows ou BlackBerry par exemple. Or, pour ce qui est de l'Apple Watch ou de l'Apple TV, ce constat est beaucoup moins évident. Par exemple, la montre connectée d'Apple est disponible depuis plusieurs mois et s'est déjà vendue à des millions d'exemplaires, mais - sauf erreur de ma part - aucun développeur n'a annoncé avoir explosé son chiffre d'affaire grâce à son application watchOS (comme on peut en trouver ici : http://www.slideshare.net/impigermobile/7-iphone-app-millionaires).

Apple devra donc peut-être revenir sur sa décision de ne pas communiquer les chiffres de vente de l'Apple Watch, pour démontrer que son succès n'est pas éphémère, et accéder à certaines requêtes de longue date des développeurs (par exemple, pouvoir mieux cerner les acheteurs de leurs applications) si elle souhaite que ceux-ci la suive sur ces nouveaux marchés.

Cordialement,

HAL1

avatar Sostène Cambrut | 

@webHAL1

Le truc c'est surtout qu'il n'y a pas de store spécifique pour l'Apple Watch. L'Apple Watch n'est pas envisagé comme un produit autonome mais plutôt comme une extension de l'iPhone. Ça veut dire que pour être sur l'Apple Watch, un développeur doit obligatoirement être sur l'iPhone. Il n'y aura pas de millionnaire sur l'Apple Watch tant qu'elle n'aura pas son propre store, mais je ne crois pas que ça arrivera un jour.

Par contre, les développeurs de jeux peuvent espérer faire quelques cartons sur l'AppleTV.

avatar TmrFromNO | 

Qu'es-ce qui n'est pas compliqué en même temps lorsqu'on bosse avec ou pour la société Apple.

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