Quatre freins à la redéfinition de Mac OS
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Le deuxième argument provient du marché, et du grand public d'abord, qui se rue sur les solutions nomades d'Apple depuis l'iPod et la disponibilité de contenus au travers d'iTunes. L'App Store n'a fait qu'amplifier la tendance. Au-delà, les marchés institutionnels s'intéressent de plus en plus aux solutions d'Apple : depuis maintenant quelques années, des grands clients d'Apple, comme certaines entreprises ou des administrations demandent des outils plus légers. Empêtrés dans un véritable mille-feuille de technologies, ces grands comptes se sont rapprochées des commerciaux de la firme, à l'affût d'une solution, surtout depuis la présentation de l'iPhone, et plus encore depuis l'arrivée de l'iPad. La théorie selon laquelle les entreprises et les institutions viennent peu à peu à Apple sous la pression de leurs propres employés se vérifie un peu plus chaque jour. C'est déjà le cas avec l'iPhone, qui a fait son trou dans l'entreprise, et c'est là qu'il faudra attendre les effets de l'iPad, qui peut parfois remplacer un ordinateur. Face à cette demande, le Mac est chaque jour un peu plus obsolète.
Le troisième argument est logiciel, et a trait à la programmation de Mac OS, qui se fait dans des langages informatiques dérivés du langage C, et auxquels il manque une composante de programmation moderne : la gestion automatique de la mémoire. Apple a bien intégré une « astuce » qui joue le rôle de gestionnaire automatique, la fonction de ramasse-miettes ou « garbage collection ». Disponible depuis Mac OS X 10.5, l'implémentation de cette fonction a deux effets pervers. D'abord, elle coupe le parc de Mac en deux, car les machines fonctionnant sur une version antérieure de Mac OS X ne peuvent faire tourner les programmes utilisant la fonction. Mais ce n'est pas le plus grave : cette fonction a surtout tendance à utiliser plus de mémoire qu'un programme à gestion de mémoire manuelle. Elle est donc adaptée à Mac OS, qui n'a besoin que d'une réactivité « faible » (tout est relatif), et facilite le travail des développeurs. Mais elle n'est pas adaptée à iOS, d'abord parce qu'il a besoin d'une réactivité « forte », que seule une gestion manuelle de la mémoire permet, mais aussi et surtout parce que la mémoire vive est rare sur les iPhone, iPad et autres iPod touch (256 à 512 Mo), et on ne peut donc s'encombrer d'un ramasse-miettes moins économe en mémoire.
L'augmentation de la mémoire dans de futures versions d'iPhone ne changera pas le problème : en ajoutant un ramasse-miettes à iOS, Apple prendra le risque de faire de l'iPhone un appareil moins rapide et moins réactif. Il s'agit donc bien d'un problème structurel : changer de langage de programmation ou ajouter à Objective-C un API destiné à la gestion automatique de la mémoire. Relevée par John Siracusa d'Ars Technica, l'absence de cette fonction pose la question d'une mise à niveau du langage Objective-C et donc de Mac OS. Mais elle implique aussi de séparer technologiquement iOS de Mac OS, et de diluer la capacité de travail apportée par les développeurs aux systèmes d'exploitation d'Apple. Pour disposer d'un point de vue plus technique sur la question, lisez également le blog de Robert Love, et l'analyse de David Quintana.
Enfin, le quatrième argument est commercial : si l'iPhone, l'iPad et iOS sont amenés à servir de fer de lance à la conquête d'un avenir nomade, Apple doit leur laisser le champ libre, et séparer plus drastiquement appareils iOS et Mac. L'augmentation du prix du Mac mini n'est peut-être pas autre chose, et il y a fort à parier qu'Apple appliquera une augmentation similaire à ses autres Mac dans les mois à venir, pour laisser plus de place aux différents modèles d'iPad. L'iMac pourrait être le prochain sur la liste.
La croisée des chemins
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Première voie : la firme poursuit sur sa lancée sans mettre à jour ou sans remplacer le langage Objective-C de programmation de Mac OS… car « le Mac est mort ». La croissance de l'iPad semble accréditer cette thèse : dans 2 ans, les ventes d'iPad pourraient avoir cannibalisé celles des ordinateurs conventionnels, à condition qu'Apple maintienne voire augmente la cadence de production. Selon les analystes, les netbooks pourraient bien être les premières victimes (lire : L'iPad et les tablettes : plus fort que les netbooks ? et : Les tablettes font vraiment mal aux netbooks).
Deuxième voie, la firme met à jour Mac OS et divise ses ressources en termes de développements. Apple entraînerait alors ses développeurs à faire un choix : soit sa plate-forme mobile iOS, soit une nouvelle plate-forme Mac OS. De quoi perdre les synergies patiemment construites qui permettent à Apple depuis 2008 d'attirer de plus en plus de développeurs, de bénéficier du lancement ou du portage de plus en plus d'applications (même sur Mac) et de l'attention de plus en plus de clients.
La firme de Cupertino peut-elle s'engager sur une troisième voie ? Les rumeurs d'une nouvelle dénomination de Mac OS qui deviendrait iOS Desktop et iOS Server peuvent le faire croire (lire : Mac OS renommé iOS Desktop ?). Elles parient sur une transition du système d'exploitation de bureau vers une interface tactile introduite sur le système d'exploitation mobile. Il s'agirait d'une solution intermédiaire, qui aboutirait au « recyclage » de Mac OS par la révision de son interface graphique, le transformant en un système de nouvelle génération se débarrassant des traditionnels périphériques d'entrée et des dispositifs de pointage en les remplaçant par d'autres technologies.
Vers un iOS Desktop en guise de Mac OS XI ?
Écartons les deux premiers scénarios pour retenir le troisième, celui d'un hypothétique iOS. Quel paradigme celui-ci est-il susceptible de représenter, s'il ne fait pas évoluer Mac OS dans les profondeurs de son langage de programmation ?
On pense immédiatement à l'interface homme-machine. Trois innovations pourraient alors intervenir : la première concernant le Finder, métaphore du bureau qui n'a pas réellement changé depuis le premier Macintosh en 1984. S'il s'agit de modifier les périphériques d'entrée et de pointage, une transformation de l'interface de Mac OS impose un nouveau Finder, adapté à ces nouvelles méthodes d’entrées.
La deuxième innovation concerne donc l'entrée d'informations et le pointage : le passage à l'écran tactile paraît alors évident. Il a l'avantage de régler le problème de l'ergonomie des claviers, une difficulté récurrente qui avait été à l'origine du rachat par Apple de la société Fingerworks, et qui a permis l'introduction des écrans tactiles multipoints dans les produits d'Apple. Sur un Mac, l'utilisation d'un écran tactile conjointement avec un Finder et une interface revisitée est susceptible d'être adoptée facilement par un public plus large : la courbe d'apprentissage de l'utilisation des Mac en serait raccourcie.
La troisième innovation pourrait aller chercher du côté de la commande vocale et de l'utilisation de l'intelligence artificielle. Face à un ordinateur sans clavier ni souris, l'utilisation de la voix pour demander à la machine d'accélérer certaines tâches semble évidente. Cela tombe bien, Apple a justement racheté Siri, une start-up spécialisée dans l'intelligence artificielle il y a quelques mois (Apple rachète l'application de recherche Siri). Il y a fort à parier que cette acquisition n'est pas uniquement destinée à fournir de l'intelligence au seul iOS mobile. Les avancées de Siri trouveraient parfaitement leur place dans un iOS Desktop.
La quasi-absence de sessions Mac OS à la WWDC indique qu'Apple travaille d'arrache-pied sur son nouveau système, et n'a rien à montrer pour le moment. Les rumeurs du lancement d'un iMac tactile dès cet été semblent trop précoces : Apple n'a certainement pas eu le temps d'intégrer autant d'innovations, et d'aussi profondes, dans un Mac OS revisité. Il faudra vraisemblablement patienter encore de longs mois avant de voir un hypothétique iOS Desktop. Mais face à l'iPhone et surtout l'iPad, qui passera à l'iOS 4 cet automne, cela en vaudra-t-il encore vraiment la peine ?