Electronic Arts. Ce nom est bien connu pour des licences légendaires : les Sims, Sim City, Battlefield, Mass Effect, mais aussi en sport avec EA Sports FC anciennement FIFA, ou encore Need For Speed pour les fous du volant. Mais aussi pour des pratiques commerciales relativement douteuses, comme les DLC (contenus additionnels) à n’en plus finir, les protections anti-copie agaçantes ou encore une censure prononcée sur les Sims. C’est tout ce pan de l’histoire du jeu vidéo que vient de s’offrir un regroupement de fonds d’investissement pour la coquette somme de 55 milliards de dollars, comme rapporté par TheVerge.

Un peu d’histoire
C’est un peu passé à l’oubli, mais Electronic Arts a un lien étroit avec Apple à sa naissance : son fondateur n’est autre que Trip Hawkins, qui avant de s’intéresser au jeu vidéo était directeur marketing à Cupertino. Arrivé dans l’entreprise en 1978, soit à peine deux ans après sa création, il l’a quittée en 1982 pour fonder Electronic Arts, pour laquelle il avait de grandes ambitions : donner aux créateurs de jeux vidéos la même visibilité que les artistes musicaux.
Dès 1983 EA édite ses premiers jeux, et en 1987 sort son premier titre développé entièrement en interne : Skate or Die!. Suite aux succès à la fois dans son rôle de simple éditeur et dans celui de studio, Electronic Arts acquiert d’autres studios, et collabore avec ceux qu’elle ne peut pas acheter. Sentant le bon filon, EA fait aussi sa réputation sur des licences de sport avec la FIFA, la Madden NFL, la NBA ou encore la NHL. L’entreprise a même édité pendant un temps quelques simulateurs de Formule Un officiels, notamment F1 2000.

L’éditeur s’ouvre à de nombreuses plateformes au fil du temps, dont la MegaDrive et la Super Nintendo, et finit par devenir l’éditeur n°1 aux USA, devant l’historique Activision. Et Trip ? Il quitta l’entreprise en 1990 pour aller fonder... 3DO. Ceux qui connaissent l’histoire de cette autre entreprise savent qu’il n’a pas misé sur le bon cheval.
Au final, Electronic Arts est devenu tellement gros que son chiffre d’affaires est de 7,1 milliards d’euros en 2025, notamment grâce aux succès des Sims, de Battlefield ou encore Apex Legends. Les seuls rivaux à un tel niveau sont des géants comme Microsoft avec Activision-Blizzard, Tencent, Sony ou encore Nintendo.
De la bourse à l’entreprise privée
Pour absorber un tel mastodonte, et débourser 55 milliards de dollars, il fallait avoir les reins solides : trois fonds d’investissements s’y sont attelés. Ainsi sont arrivés Silver Lake, un fonds spécialisé dans les entreprises de la tech, le Saudi Arabia’s Public Investment Fund, qui comme son nom l’indique est le fonds public d’investissement appartenant à l’Arabie Saoudite, et Affinity Partners, fonds américain appartenant à Jared Kushner.
Les trois mis ensemble, ils n’ont pu rassembler que 36 milliards de dollars. Il en manque donc 20, qui seront financés sous forme d’emprunts par le trio auprès de JPMorgan Chase. Si l’entreprise, actuellement cotée en bourse va donc devenir entièrement privée, les acheteurs indiquent que le siège restera à Redwood City, et que l’actuel CEO, Andrew Wilson, gardera son poste.
Quels intérêts et risques pour les joueurs ?
Le plus gros souci de cette acquisition tient dans le fait qu’il est constitué quasiment à 40 % d’emprunts : généralement, chez les entreprises, c’est signe d’un futur basé sur les acquis, sur les éléments dont on a la certitude d’un gros retour sur investissement... donc d’un ralentissement de l’innovation et des prises de risque. Pour une entreprise spécialisée dans le jeu vidéo, c’est la probabilité de voir s’enchaîner les suites de suites de suites à n’en plus finir, d’essorer les licences jusqu’à la moindre goutte, et l’exploitation à l’envie des DLC... au final, la routine habituelle non ?
C’est surtout pour les petits titres appartenant à EA que les choses pourraient se corser : pour récupérer rapidement leur mise, et rembourser leurs créditeurs, les nouveaux propriétaires pourraient être tentés de faire comme Microsoft lors de son achat d’Activision-Blizzard, ne gardant que les projets les plus prometteurs ou sûrs, et coupant massivement dans les effectifs. Et ce ne serait pas une première pour EA : l’éditeur est déjà connu pour une certaine brutalité dans les décisions, avec récemment l’annulation du projet de jeu sur Black Panther, et la liquidation du studio assigné par la même occasion.
À plus long terme, cependant, de nombreuses voies sont ouvertes, et les choses sont bien plus floues. Tout dépendra énormément de ce que décideront les trois investisseurs d’origine : gérer en bon père de famille, y aller à l’économie, ou investir massivement dans l’avenir ? Tout est possible, le meilleur... comme le pire.