Droit à l'oubli : Google interpelle l'opinion publique

Mickaël Bazoge |

Le droit à l’oubli reste en travers de la gorge de Google. Cette décision de la Cour de justice de l’Union européenne oblige le moteur de recherche à supprimer les liens concernant un habitant de l’UE, sur sa demande. Google a mis en place un formulaire spécifique et a débuté fin juin les premières opérations de nettoyage. Mais l’entreprise de Mountain View n’est pas spécialement satisfaite de la façon dont les choses se sont décidées. Larry Page, à l’occasion de Google I/O, a ainsi évoqué la nécessité de mettre au point une solution plus pratique qu’une décision de justice, tout en rappelant qu’il suffit d’utiliser une version du moteur autre que celle d’un pays européen pour retrouver tous les résultats d’une recherche (lire : Larry Page : « Google facilitera la vie des utilisateurs »).

Si Google n’a pas d’autres choix que d’obéir à la Cour de justice, la société passe aussi à l’offensive pour démontrer l’inanité de cette disposition européenne. Il est impossible d’affirmer avec certitude que Google a fait pression pour faire connaître certaines demandes de droit à l’oubli, comme celle émanant de Stanley O'Neal, ancien patron de la banque Merryll Lynch qui a voulu supprimer les liens vers des articles concernant sa gestion calamiteuse avant et pendant la crise des subprimes. L’histoire de cet arbitre écossais qui désirait faire retirer les liens revenant sur son aveu de mensonge à propos d’un penalty a également fait la une de la presse. Ces deux cas ont été très médiatisés (surtout dans les pays anglo-saxons, Grande-Bretagne en tête), et ça n’est sans doute pas un hasard puisque ces histoires montrent le pire du droit à l’oubli : blanchir le CV de gens peu recommandables en cachant aux yeux du monde (enfin, des internautes européens) quelques faits peu reluisants. Difficile de croire que ces exemples n’ont pas été dument sélectionnés par Google et livrés tout cru à la presse.

David Drummond

Le moteur de recherche a cependant décidé de ne plus avancer masqué. David Drummond, le grand patron du service juridique de Google, a signé une opinion dans le quotidien anglais The Guardian, dans lequel il veut ouvrir le débat sur l’équilibre entre la liberté d’information et le respect de la vie privée. Pour expliquer son point de vue, Drummond sort l’artillerie lourde, à savoir la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’article 19 statue que « tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression »; or, la décision de la Cour européenne de justice estime que les individus ont le droit de demander le retrait d’informations « inadéquates, non pertinentes ou qui ne sont plus pertinentes, ou excessives ». Des notions « très vagues et subjectives » qui placent le moteur de recherche dans une situation périlleuse, même s’il ne s’agit ici que de liens, et pas des articles en question (Google prévient systématiquement l’auteur d’un article dont il s’apprête à retirer le lien). Une tâche « gigantesque » : depuis le mois de mai, Google a reçu 70 000 requêtes de retrait de liens, couvrant 250 000 pages web. Une équipe est en charge de soupeser chaque demande individuelle, et d’agir le cas échéant, avec « des informations limitées et pratiquement sans contexte ».

Ce travail mène d’ailleurs à des erreurs : plusieurs liens retirés ont été remis en ligne depuis la semaine dernière. Afin d’améliorer le processus, Google va mettre en place un conseil d’experts dont les membres (académiques, de la société civile, des médias, des spécialistes de la confidentialité des données) seront annoncés sous peu. Il s’agit de trouver un équilibre entre les droits d’une personne à la vie privée avec le droit de savoir. Des réunions publiques se tiendront cet automne à travers le vieux continent afin de débattre du sujet : les condamnations criminelles doivent-elles être effacées ? Quelles sont les implications de la décision de la Cour de justice ? Quelles retombées pour les éditeurs et les sites web ? Comment améliorer la transparence ?

Tout cela ressemble à une manière de faire pression sur les politiques afin qu’ils s’emparent de ce sujet délicat du droit à l’oubli. « C’est un problème complexe », conclut David Drummond, « et il n’y a pas de solutions évidentes ».

avatar Splinter | 

Votre analyse est très partiale. À la base, l'idée de demander au moteur de recherche de supprimer des liens vers des articles périmés voire erronés est tout à fait légitime. C'est l'application de la loi Informatique & Libertés (en fait la directive de 1995 au niveau communautaire). Google tente de prendre l'opinion à parti alors qu'elle a largement les moyens de mettre cette fonction en place. On ne va pas pleurer pour elle.

avatar Yohmi | 

Comme je l'avais écrit lors du dernier article, ce "droit à l'oubli" me surprend vraiment. Le nom en lui-même est surprenant. Un jour, tout sera merveilleux dans les livres d'histoire/géographie. Monsanto aura fait supprimer toute référence à son monopole dégueulasse, les descendants de dictateurs auront offert un nouveau passé à leurs géniteurs, les politiciens n'auront plus de casseroles…
Ah, le droit à l'oubli…

Si jamais trop de gens sont en désaccord avec ce texte, je le ferai oublier. Que vous le voulez ou non, vous l'oublierez ; c'est mon droit.

avatar iRobot 5S | 

@Yohmi :
C'est déjà le cas, l'histoire du monde la plus sale et la plus dégoûtante est caché aux yeux du monde, sauf quand il s'agit de ses ennemis.

avatar Yohmi | 

@iRobot 5S :
C'est-à-dire ?

avatar Fabeme | 

@Yohmi
C'est à dire que sur l'histoire récente par exemple, on occulte encore beaucoup certaines périodes peu glorieuses dans notre pays. Des choses sortent de plus en plus, mais tout de même. La colonisation de l'Afrique est un sujet non clos encore, ce qui s'est passé lors de la colonisation de l'Amérique contre les amérindiens aussi, certains moments de nos révolutions successives (la commune n'est pas encore correctement enseignée), puis les temps napoléoniens, la restauration, la 2e guerre mondiale, l'Algérie, et plein de choses encore plus récentes.

Enfin, quand quelqu'un meurt, un droit à l'oublie créé. Certains "grands hommes" sont aujourd'hui beaucoup plus reluisants qu'ils ne l'étaient durant leur vie.

avatar iRobot 5S | 

@Fabeme :
Exact !

avatar iRobot 5S | 

@Yohmi :
C'est à dire qu'on a de l'histoire que la version du vainqueur.

avatar Yanik | 

Il s'agit du droit à l'oubli SUR internet. Uniquement. On n'a pas besoin (et on n'a pas eu besoin) d'Internet pour savoir qu'Hitler était un monstre.
D'ailleurs les négationnistes, les antidarwiniens, ceux qui ne croient pas que l'homme soit allé sur la Lune, etc. font feu de tout bois sur internet.

avatar FreeDa | 

@Yanik :
Euh non, il s'agit du droit à l'oubli SUR Google, nuance...

avatar bibi81 | 

Sur Google Europe pour être plus précis.

avatar Lio70 | 

Il y a effectivement quelque chose de mal ficelé dans ce concept de "droit à l'oubli". Il faut revoir sa copie. Des articles de presse relatant les faits peu glorieux d'un individu, il y en aura toujours. Le problème majeur du net est ailleurs. Il faudrait plutôt attaquer le mal à la racine et, par la loi, rendre non viable ce modèle économique consistant à tirer ses revenus de l'exploitation des données privées de l'utilisateur.

Interdire ces bases de données relationnelles publiques que sont la mise en relation, la mise en "graphe social" (selon l'expression de Zuckerberg) des données de l'individu. Ou ils changent, ou c'est la sanction pénale de poids: interdiction de l'activité sur le territoire de l'Union Européenne. Mais de telles lois de passeront pas; trop de couillons sur les bancs du parlement. Il faut une nouvelle génération de pitbulls à la Thierry Jean-Pierre et Margaret Thatcher (par exemple)...

Débat difficile puisque tout ceci ne serait pas arrivé sans l'aval des utilisateurs et leur besoin naïf d'étaler leur vie privée à tout bout de champ sur les réseaux sociaux et autres blogs. Rien n'a changé depuis l'antiquité dans les médiocres aspirations du citoyen: du pain et des jeux. Retirez-lui son Gmail gratuit et son Facebook gratuit et, au lieu de vous remercier de l'avoir soustrait aux pratiques illégales de ces entreprises et aux oreilles de la NSA, c'est vous qu'il traitera de méchant parce que vous l'avez privé de son jouet.

avatar sambucus | 

La stigmatisation définitive d'un délinquant entrave sa réhabilitation. Le système judiciaire des USA est fondé - si j'ai bien compris - en partie sur l'idée de vengeance et non sur le principe de réparation et de réhabilitation comme en Europe. Les processus et les résultats sont extrêmement différents. Le taux de violence aux USA est sans commune mesure avec celle du Vieux Continent. Même le Président Obama s'en émeut et interroge ses concitoyens au sujet du Deuxième Amendement. Leur exemple est-il désirable ?

L'idée de dérégulation maximisée (néolibéralisme, Reagan, Tatcher) a conduit à des excès si terribles que depuis 2007, l'économie mondiale peine à s'en remettre. Et ce n'est pas fini, car tout est toujours permis. Pour ce qui nous concerne, nombre de citoyens européens vivent dans la précarité. En découle des mouvements citoyens inquiétants, prônant le repli sur soi et l'autoritarisme comme moyen de contrer le désordre. Est-ce cela que nous voulons ? Notre histoire ne nous a-t-elle rien appris ?

De plus en plus, certains groupes économiques et industriels croient pouvoir dicter au monde leurs principes de la liberté d'entreprise. Celle-ci sert uniquement leurs intérêts et les placent au-dessus des pays. Nombre de nos concitoyens - et pire encore de nos enfants - se sont laissés abusés et ont cru et croient toujours pouvoir faire ce qu'ils veulent (par ex. : ces jeunes qui exposent leurs ébats sexuels, leur violence, etc.) à un âge où l'expérience de la vie leur fait encore défaut. Il est connu que les grands employeurs se renseignent sur le web et là encore les conséquences d'erreurs de jeunesse peuvent avoir des effets dévastateurs sur toute leur vie. Ont-ils le droit à l'oubli ?

Ces quelques exemples sont bruts et caricaturaux. Il faut nuancer. Cependant, Google (qui n'est pas le seul) s'est permis tout et n'importe quoi. Devenu hégémonique, il pense pouvoir imposer ses vues au monde. Il croit pouvoir tout monnayer, y compris l'intimité des petites et grandes personnes. Voulons-nous nous conformer à cette vision des relations entre personnes et nous soumettre ?

Il doit y avoir une différence entre le droit à l'information et le droit à l'intimité. Il doit y avoir une différence entre l'accession à l'information, à l'Histoire et le droit des personnes. La toute-puissance de grands groupes doit être contrôlée de sorte que le droit des plus faibles soit garanti. Il doit exister des différences entre les communautés qui ne veulent pas forcément partager le même modèle de société.

Google a péché pour des raisons de cupidité, alors qu'initialement le projet était d'apporter une plus-value à la recherche d'informations. Il n'a pas mis en place de gardes-fous et se retrouve devant un chantier colossal qui lui est imposé et qui va lui coûter d'importantes ressources. Il disposait pourtant de références éthiques, telles celles des journalistes et … des Conventions des droits de l'Homme et des Enfants, leur doctrine et leur jurisprudence. Des écrits de grandes consciences aussi.

Google et d'autres doivent rattraper leur retard. Ce qui ne doit pas nous empêcher d'affiner nos propres outils, nos propres gardes-fous.

Que souhaitons-nous ? Quelle vie en communauté voulons-nous sur cette Terre dont on sait qu'il s'agit d'un monde fini (au sens de limité).

avatar marc_os | 

Je ne comprends pas bien pourquoi c'est Google qui a été condamné et pas Facebook par exemple. Si j'ai bien compris, le problème c'est de pouvoir supprimer les données qu'on a pu y mettre soi même, ce qui ne serait pas vraiment possible.
Google, (on parle bien de l'activité moteur de recherche?), c'est la table des matières, l'index.
Le droit à l'oubli consisterait-il à arracher des pages de la table des matières ?
Ne devrait-il pas consister en l'assurance d'avoir la possibilité de supprimer les photos stupides qu'on a laissé trainer ?
S'il s'agit de commentaires laissés sur un forum par exemple, chacun devrait-il avoir la possibilité de les faire disparaître après coup ?
Devrai-je pouvoir demander à Google de déréférencer telle page de Macgéneration parce que j'ai écrit des conneries dans les commentaires il y a six mois, un an ? Pouvoir faire cela, cela ne risquerait-il pas de déresponsabiliser les gens et au contraire à les inciter à écrire n'importe quoi ? Et telle page se retrouverait exclue des moteurs de recherche parce que son contenu me concernant en partie ne plairait plus?
Ces questions ne sont-elles d'ailleurs pas déjà régies par les lois concernant la presse ? (droit de réponse, etc.)

avatar Dv@be | 

@marc_os

Je suis d'accord avec ton analyse. C'est la source qu'il faut -éventuellement - faire modifier/supprimer. Par le lien vers la source. C'est complètement idiot comme idée. Et si on passe par un autre moteur que Google , l'info serait quand même disponible

avatar béber1 | 

Mais pouvoir modifier/supprimer une source... on touche alors à la censure.

Il faudra alors définir au cas par cas les pages visées qui sont de l'ordre de la diffamation/désinformation/calomnie/propagande de celles qui sont de vraies infos et expressions pour le citoyen.

Qui serait en droit et légitime pour faire ce "tri"? Un comité de sages, une nouvelle haute autorité? Dirigés et nommés par qui?
Casse-tête là encore

avatar rikki finefleur | 

béber1
exactly. Béber toujours au top...

avatar Ultranova | 

Pourquoi ne pas réfléchir avant de poster ses turpitudes sur le Net ???

Il faut que l'information circule et que l'on soit au courant des faits et gestes des ordures en tout genre !!!

C'est pour cela que je rejoins un commentaire précédent : Pourquoi seulement Google et pas facebook, twitter, etc...

Finalement pour ceux qui veulent profiter de l'anonymat et de l'impunité TOR est votre ami !!!

avatar Leborde | 

La NSA, et c'est publique, est rentrée dans TOR il y a bien longtemps. Et en étant dans TOR, tu remontes dans la liste des suspects. En effet, si tu cherches à te cacher, c'est donc que tu as quelque chose à cacher !

avatar iRobot 5S | 

@Ultranova :
Hum concernant Tor, la NSA a la liste de tous les utilisateurs de Tor, même si elle ne sais pas ce qu'ils y font.

avatar Orus | 

Tout cela est tellement ridicule. Nous somme fichés de partout et de tout les cotés, et je ne parle même pas de tous ceux qui tiennent leur fiche de police à jour sur facebook.
Nul doute que les attaques dirigés contre Google sont orchestrée dans l'ombre par des sociétés concurrentes; tout ce buzz ne peut être innocent, rien n'arrive spontanément de nos jours, et surtout pas par des médias et des journalistes aux ordres.

avatar rikki finefleur | 

Orus
Pas un problème d’être fiché.
Mais quand ton employeur, tes voisins, ta famille cherchent à connaitre tes idées ou ta vie privée , là il y a problème.
Surtout quand celle ci est écrite par d'autres que toi , comme par exemple un article sur ta présence à une manifestation.
Il est vrai que google pose un problème que les amis politiciens n’ont pas voulu résoudre, celle de réécrire l'histoire. Alors que dans un journal, ce qui est écrit est écrit.

avatar pim | 

Y'a que moi pour trouver que l'émissaire de Google ressemble à O. J. Simpson ?! Lol !!!

avatar sambucus | 

@Orus @ultranova ont raison, j'aurai dû ne pas me focaliser seulement sur Google. Simplement l'entreprise est emblématique. Facebook, Twitter, etc. même combat.

@rikki finefleur 1

avatar samshit | 

Je ne comprends pas ce que l'on reproche a Google, elle ne fait que referencer des liens qui ont un rapport avec ce que l'on recherche, qui d'ailleurs n'est pas creer/heberger par Google.
Mais par des tiers, google fait toujours ces traveaux de referencement Web, et il existe des outils pour ne pas être referencé.
Et puis pourquoi supprimer le referencement et non pas le contenu directement, ?

avatar marenostrum | 

t'as rien compris toi.
sur le net il suffit une rumeur (écrit par un con, qui n'est au courant de rien, ou qui veut faire mal ou juste faire le buzz ou des clics) pour que ça devienne la seule source d'une information fausse, grâce au moteur de recherche mais pas seulement.
et ça peut faire mal toi ou ta famille si par hasard t'es concerné un jour.

avatar iRobot 5S | 

Monsieur Bismuth a-t'il utilisé ce droit à l'oubli ? Je serais curieux de le savoir.

avatar Fabeme | 

Je rejoins tout à fait @Sambucus dans son commentaire.

Distinguons bien 2 choses. Facebook, Twitter, les blogs, forums, etc, c'est nous qui mettons l'info que l'on veut.

Le monde, Le times, Libé, Les quotidiens régionaux, etc, et tous ces blogs de journalistes ou citoyens, nous n'avons pas prise.

Pour moi ce droit à l'oubli est l'essentiel dans notre société. En acceptant qu'un condamné puisse purger sa peine et ensuite sortir de cette épreuve pour démarrer une nouvelle vie, nous avons une belle vision en Europe. Maintenant, si votre employeur, 25 ans après les faits, vous emploi et un jour tape votre nom dans Bing ou Google et tombe sur un article de la Dépêche du Midi relatant ce cambriolage que vous aviez exécuté avec vos complices en 1989, peut-on vraiment imaginer une réhabilitation ? C'est impossible. Doit on payer cela toute sa vie ? Je ne crois pas. Bien heureux sont ceux qui n'ont pas connu la misère ou les soucis psychologiques et qui peuvent venir donner des leçons de bien portants.

Donc 2 visions, qui ne sont pas Europe contre USA d'ailleurs puisque beaucoup ici pensent (certains commentaires le montrent) que l'on doit payer à vie une faute : un condamné peut-il se racheter ou pas ?

Je pense que oui, et le droit à l'oubli est nécessaire.
Ca ne plait pas à Google ? ben tant qu'on est pas sous une vrai gouvernance mondiale, il faut se plier aux marchés sur lesquels il s'installe.

avatar rikki finefleur | 

Donc tu veux blanchir l'histoire.
Ce qui est drôle avec le numérique c'est cette manière d'effacer très rapidement l'histoire.
Ainsi il est déjà difficile de retrouver des vieux sites, de vieux forums, puisque ceux ci n'existent plus.
Comme tout devient numérique, la presse, les revues..Que va -t-on laisser à nos enfants comme histoire ?
Google news pour n'être que dans l'actualité ?
Car l'histoire elle sera bien blanchie...

On ne pourra plus parler des attentas en corse (par exemple) ou des méfaits en irak ou de l'affaire Dominici....ni des turpitudes de madoff.. ni de ces boites high tech qui rappelez vous en 2014 utilisaient massivement des paradis fiscaux..

avatar Fabeme | 

@rikki finefleur
L'art de la retenue et de la nuance hein...

Google n'est pas l'histoire et n'est pas le réceptacle de toute l'activité du Web. C'est un moteur de recherche qui se veut le reflet de ce qui est disponible en ce moment (avec un hiatus de quelques semaines en raison du cache) sur le Web.

L'histoire jusqu'à maintenant n'a pas tenu grâce à Google, mais grâce aux archives qui sont devenues historiques. Il s'agit d'ailleurs d'une version de la réalité du temps, que d'autres éléments (le contexte historique) doivent toujours venir tempérer que l'historien se penche dessus pour l'analyser. Il s'agit d'ailleurs alors d'une analyse où la subjectivité intervient encore... Bref, l'histoire n'est pas ce que nous relate les archives, l'histoire est une adaptation moderne de ce que nous relatent les archives. De plus l'on ne peut être sûr d'avoir l'intégralité des documents historiques à portée pour correctement analyser les choses. Les vainqueurs ont la fâcheuse tendance à faire disparaitre pas mal d'éléments compromettants pour eux ou leur réécriture historique. Les civilisations et sociétés se construisent aussi un mythe, une histoire commune, qui n'est pas forcement raccord avec la réalité.

Ai-je dis que je souhaitais que les journaux effacent les archives sur un condamné, un élément de l'histoire ? Je me suis bien gardé de cela. L'historien de formation que je suis n'oserai imaginer telle chose car je m'inscrit dans la transmission de notre état actuel (nos archives futures).

Google est-il l'archive du monde numérique ? c'est un débat intéressant, et posée sous cet angle la question est passionnante. Pour ma part je répond non. 3 raisons.

1/ Google n'est pas autorisé dans tous les pays, des réseaux lui sont fermés. De fait il ne peut prétendre à l'universalité. (c'est un point qui est contestable cela dit, cela dépend que quelques axiomes idéologiques et éthiques)
2/ Google accepte de ne pas archiver des données avec le fichier robot.txt, de fait il accepte déjà une forme de censure, il ne peut prétendre à l'universalité là encore.
3/ Google ne garde un cache que de quelques semaines et ne stock pas ce qui a été supprimé à la source. Il n'a pas vocation d'archive.

Dès lors ton argumentation et ton attaque sur "tu veux blanchir l'histoire" (assez ridicule si tu me le permet si tu relis mon propos initial, et c'est une accusation que je goute peu) vole en éclat, ne serait-ce qu'avec le point 2 et surtout 3.

C'est aux journaux et autres d'assurer la pérennité des informations et leur transmission. Le fait qu'elles soient numériques pose autant de problèmes et de risques de pertes que de garder des archives papier.

La tentative de transmission et de centralisation des données a souvent été tentée dans notre histoire assez courte. La plus célèbre est surement à Alexandrie, avec une centralisation excessive des données en un lieu. Un grand pan de l'histoire de ce que nous appelons l'antiquité méridionale et peut-être au delà, dans un seul lieu. C'est un colosse aux pieds d'argiles comme l'histoire l'a montré.

Constantinople tenta la même chose, les guerres d'inquisition firent le tri dans ce que l'histoire devait retenir ou pas (c'est à dire la sélection par les croisés de certaines oeuvres, et la fuite de savants vers l'Europe avec des documents précieux mais sélectionnés en fonction de leur importance toute relative bien sûr)

Et nos archives modernes ? Elles s'abîment, sont parfois perdues, abîmées, détruites par des catastrophes, et cela continuera.

J'ai fais une grosse parenthèse mais tout ça pour dire que Google n'est pas le centre de transmission de notre histoire. C'est aux acteurs du monde numérique de faire cela. Archivons le web quelque part. Sur la lune pourquoi pas comme le projet est évoqué. Et puis ? quand un rayonnement particulier venant du soleil ou je ne sais quel astéroïde ou je ne sais quoi auquel on aura pas pensé viendra abîmer, détruire ou je ne sais quoi d'autre ces données, nous ferrons quoi ?

Mon propos était simplement sur le fait que le droit à l'oubli doit s'appliquer. L'on ne doit pouvoir trouver facilement dans un moteur de recherche les faits pour lesquels une personne a payé sa dette. Sinon il faut rétablir la peine de mort et l'appliquer à chaque méfait assez important car le but recherché est alors de faire payer une personne tout une vie. Et c'est injuste dans ma vision personnelle de l'humanité.
Sans internet il fallait faire des recherches sur quelqu'un, aller dans les archives des maisons d'édition, etc, pour trouver des choses. On ne le faisait pas, et c'était une bonne chose. Aujourd'hui en quelques clics c'est possible, et c'est une mauvaise chose.

J'aurai par contre trouvé intéressant que le législateur impose aux producteurs de l'information (journaux, blogs, etc.) de mettre eux même une balise no-follow sur des contenus qui ne doivent plus apparaitre en raison de ce droit. Cela aurait surement été un casse tête juridique et technique pour beaucoup, et posé quelques problèmes de droit à l'international cela dit, mais la solution aurait été plutôt élégante, mais tellement contournable...

Donc non, je ne blanchi pas l'histoire, je souhaite simplement qu'un être humain qui a payé par la prison ou autre, puisse se réinsérer et/ou se réhabiliter sans avoir à payer toute sa vie. La faute est souvent assez lourde à porter seul, inutile d'être en plus au ban de la société.

Et merci de ne pas blanchir ou réécrire mes propos

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