Intel devra payer l'amende de 1,06 milliard d'euros infligée par la Commission européenne en 2009. Le fondeur avait fait appel de cette décision, mais ses arguments ont été tous retoqués par un tribunal de la Cour de Justice de l'Union européenne [PDF]. Entre 2007 et 2008, la Commission européenne avait enquêté sur des pratiques commerciales d'Intel visant à écarter du marché son principal concurrent AMD. Fort d'une position dominante avec 70% du marché européen, mais avide d'en obtenir plus encore, Intel avait usé de tactiques anticoncurrentielles auprès de fabricants de PC et d'un revendeur.

Pendant 5 ans, entre 2002 et 2007, Intel a consenti des rabais à Lenovo, Dell, HP et NEC à la condition qu'ils s'approvisionnent exclusivement chez lui, mettant de facto AMD hors jeu. Non seulement AMD devait redoubler d'efforts financiers et technologiques pour se poser en alternative à un concurrent puissant, mais ce dernier profitait de sa stature pour tordre le bras de la concurrence et dénaturer cette compétition.
Mieux encore, Intel avait payé HP, Acer et Lenovo afin qu'ils annulent ou retardent des lancements de PC équipés AMD, ou qu'ils rendent plus difficiles leur distribution. Le fondeur payait aussi la grande chaine de distribution Media-Saturn-Holding pour qu'elle ne vende que des PC sur ses puces.
Un comportement crapoteux fustigé par le tribunal qui a donné raison aux conclusions de Bruxelles :
Selon la Commission, ces rabais et paiements ont assuré la fidélité des quatre fabricants précités et de Media-Saturn et ont ainsi sensiblement réduit la capacité des concurrents d’Intel à se livrer à une concurrence fondée sur les mérites de leurs processeurs x86. Le comportement anticoncurrentiel d’Intel a ainsi contribué à réduire le choix offert aux consommateurs ainsi que les incitations à l’innovation.
Intel, dans sa liste de doléances, se plaignait du montant de l'amende, le jugeant « disproportionné ». Là aussi, tacle du tribunal qui juge que la Commission aurait pu avoir la main bien plus lourde. Ce milliard correspond à 4,15% du CA d'Intel de 2008, et le plafond maximal - mais théorique dans les faits - que s'autorise Bruxelles est de 10%. Ensuite, la proportion des ventes de processeurs utilisée pour le calcul de cette amende a été six fois inférieure au maximum possible. Difficile en l'état pour le fondeur de trouver l'amende trop salée.
Fin 2009, Intel et AMD avaient signé la paix avec le versement par le premier au second de 1,25 milliard de dollars (848 millions à l'époque) pour mettre un terme à toutes les procédures en justice. Des accords de licences croisées étaient également conclus pour 5 ans.
Intel, à ce moment-là, avait été inquiété aux États-Unis pour les mêmes raisons qu'en Europe. Un échange d'email de 2005 produit par le Wall Street Journal montrait que les dirigeants d'Intel, Paul Otellini l'avant-dernier PDG et Craig Barrett le président, discutaient avec leurs homologues chez les fabricants de PC pour tenter d'éviter un exode massif vers AMD.
AMD, comme le faisait remarquer Michael Dell dans ces échanges, proposait des puces bien plus performantes et les clients les préféraient à celles d'Intel. Mais en alternant menaces et soutiens financiers, Intel parvint en 2006 à faire rentrer dans le rang ces constructeurs indisciplinés (lire La FTC attaque Intel pour abus de monopole). En août 2010, Intel est parvenu à un accord avec la Federal Trade Commission américaine pour éviter un procès en échange d'un abandon de ces pratiques. La Commission européenne pour sa part a mené les choses à son terme, avec cette amende — représentant 1,4 milliard de dollars — aujourd'hui confirmée. L'année dernière, Intel a dégagé un chiffre d'affaires annuel de 52,7 milliards de dollars et un bénéfice de 9,6 milliards.