Tim Cook affirme que l'expansion d'Apple est contrôlée

Stéphane Moussie |

Lors de son voyage en France, Tim Cook n’a pas seulement rencontré des développeurs et fait des selfies avec les fans (mais pas de slofies à l’horizon), il a aussi répondu aux questions de journalistes. Il s’est notamment entretenu avec Les Échos de nombreux sujets, avec en toile de fond l’expansion d’Apple à de nouveaux domaines.

Donald Trump

« C’est quelqu’un avec qui on peut discuter, qui répond au téléphone et qui accepte le fait que l’on ne soit pas toujours d’accord », déclare Tim Cook au sujet de Donald Trump. Pour lui, le président américain « soulève de vraies questions » sur la Chine, son accès au marché, la protection de la propriété intellectuelle et les déséquilibres commerciaux.

Alors que Donald Trump souffle le chaud et le froid depuis plusieurs mois sur un accord commercial avec la Chine, le CEO d’Apple espère que chaque pays renoncera à une hausse des droits de douane. Dans la situation actuelle, il est prévu qu’une partie de ses produits soit surtaxée, ce qui ne fait évidemment pas ses affaires.

Impôts

Critiquée, comme d’autres, pour ses pratiques d’optimisation fiscale, « Apple a toujours payé des impôts là où nous créons de la valeur », soutient Tim Cook. « La question qui nous est posée, à nous les multinationales, est de savoir si nous payons nos impôts au bon endroit. Nous pensons que oui. » Apple a réglé cette année deux ardoises fiscales en France : l’une de 576 millions d’euros, l’autre de 11,9 millions.

Le dirigeant en appelle à un régime global au sein de l’OCDE, un sujet sur la table depuis des années dans l’organisation internationale qui pourrait finalement déboucher sur un accord en 2020.

Concurrence

Aux journalistes des Échos qui font remarquer que les GAFA sont perçus comme arrogants et abusant de leur position dominante, Tim Cook répond que « certains ont sans doute été arrogants, c’est vrai. » Par contre, il défend bec et ongles son entreprise contre les accusations d’abus de position dominante : « Regardez nos parts de marché. Il est difficile de dire que nous pourrions éventuellement tendre vers un monopole ! »

Apple va néanmoins faire un petit geste en faveur des applications tierces en leur permettant de devenir la solution par défaut pour envoyer des messages ou passer des appels par le biais de Siri.

Finance

Bien qu’Apple observe les cryptomonnaies, de l’aveu même de la responsable d’Apple Pay, et y voit un « potentiel à long terme », il n’est pas question qu’Apple crée la sienne, répète Tim Cook, qui détaille sa pensée :

La monnaie, comme la Défense, doit rester dans les mains des États, c’est au coeur de leur mission. Nous élisons nos représentants pour assumer des responsabilités de gouvernement. Les entreprises ne sont pas élues, elles n’ont pas à aller sur ce terrain.

Ce n’est pas l’avis de Facebook qui s’est entouré d’une trentaine d’entreprises (Iliad, PayPal, Spotify, Mastercard, Coinbase…) pour créer sa propre cryptomonnaie, la Libra.

Par contre, Apple compte bien développer l’Apple Card dans plusieurs pays. Tim Cook tient encore à rassurer ceux qui trouvent que l’emprise des GAFA devient trop importante en précisant qu’Apple n’a pas l’intention de devenir une banque. Aux États-Unis, l’Apple Card est née d’un partenariat avec Goldman Sachs.

« En France, il faut que nous trouvions une banque de détail qui soit particulièrement agile, déclare le CEO. Le monde n’a pas besoin d’une nouvelle carte de crédit. Il a besoin que l’on repense la carte de crédit. »

Produits matériels

Alors que la Pomme a mis l’emphase sur les services cette année, avec le lancement d’Apple Arcade, Apple News+ et Apple TV+, les produits matériels restent toujours capitaux pour elle, et leurs ventes « se portent bien », indique Tim Cook. « L’iPad est en pleine renaissance », déclare-t-il même. Il est vrai qu’après plusieurs années moroses, les ventes de tablettes sont globalement reparties à la hausse.

Le dirigeant insiste aussi sur l’Apple Watch, qui fait partie d’un marché qui n’en est qu’à ses « tout débuts », et réitère sa conviction sur la plus importante contribution d’Apple : « Je pense qu’un jour pas si lointain, on dira que la plus grande réalisation d’Apple se trouve dans la santé. » 

Quant à l’iPhone, la baisse des ventes ne l’inquiète absolument pas, assure-t-il. Selon lui, le marché des smartphones n’a pas encore atteint son sommet. Bien que les ventes globales reculent actuellement, il s’attend à une nouvelle hausse à l’avenir. Cette hausse pourrait venir de l’Inde, notamment, où les trois quarts de la population ne sont pas encore équipés de smartphones, mais on connait toutes les peines d’Apple pour se faire une place dans le pays.

Services

N’attendant pas un éventuel rebond des ventes d’iPhone, Apple se lance donc à fond dans les services. En fixant le prix d’Apple Arcade à 4,99 €/mois, Tim Cook a l’intention de « toucher beaucoup de gens ». Selon lui, la proposition de Cupertino en matière de jeu vidéo est unique, elle n’entre pas en compétition directe avec les autres acteurs du secteur.

Il en va de même pour Apple TV+, qui sera disponible à partir du 1er novembre au même prix (et sera même offert pendant un an aux acheteurs de nouveaux produits Apple). « Je ne pense pas que l’on assiste à une guerre du streaming [vidéo] », indique Tim Cook aux Échos. Ou en tout cas, il n’est pas dans l’intérêt d’Apple qu’il y ait de « guerre » entre les services.

D’après lui, il y a de la place pour plusieurs acteurs : « Demain, les consommateurs vont avoir le choix entre plusieurs types de services de SVoD et ce qu’Apple veut, c’est compter parmi eux. »

Tim Cook reconnaît qu’Apple n’est qu’un outsider sur ce marché et ne va pas effacer Netflix. D’où la stratégie de se poser comme service complémentaire. À « l’énorme catalogue » de Netflix, Tim Cook oppose « une expérience de curation, [des] contenus originaux, exclusifs et de très haute qualité » sur Apple TV+. Les deux, quantité et qualité, ne sont pourtant pas antinomiques. C’est pour cela que faute de gros catalogue, Apple actionne le levier du prix, même si Tim Cook n’aborde pas ce point.

Est-ce qu’Apple TV+ pourrait accueillir un jour du sport, à l’instar d’Amazon Prime Video, qui va diffuser une petite partie de Roland-Garros ? Alors qu’Eddy Cue avait fermé la porte au début de l’année, Tim Cook la rentrouvre. Il n’y a rien de concret pour le moment, mais le CEO y réfléchit et pense que cela peut avoir un sens pour Apple.

« Dans ce domaine, les contenus deviennent hors de prix. Mais je sais combien les gens aiment regarder du sport », conclut-il. Au vu des milliards de dollars dépensés dans les films et séries d’Apple TV+, l’argent n’est pas un problème.

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