Une critique souvent lue après les annonces Apple de ce 25 mars fut celle de la non disponibilité immédiate des services annoncés, du flou quant à leur sortie en Europe (sans parler des tarifs largement passés sous silence).
En l'état, seule l'Amérique du Nord a été gâtée, avec le lancement immédiat d'Apple News+ (lire aussi It's show time : quels services seront disponibles en France ? et Premier coup d'œil sur Apple News+).
On oublie peut-être bien vite que l'on parle de services, et qu'en la matière il y a toujours eu, ou presque, un déploiement progressif à travers le monde. Un délai de quelques semaines, de mois… voire de plusieurs années. Et ce n'est pas spécifique à Apple. Google Pay, créé en 2015, n'est arrivé dans l'hexagone qu'en décembre 2018, deux ans après Apple Pay.

Et encore, 2016 pour avoir Apple Pay en France, on peut s'estimer chanceux. Demandez aux belges ou aux allemands s'ils n'ont pas trouvé le temps long, eux qui ne l'ont eu qu'en novembre et décembre. Deux ans après la France, quatre ans après les États-Unis — une éternité !
Qui dit services, dit contenus ou prestations fournis par des tiers avec qui il faut négocier, parfois pays par pays (ce fut le cas pour la musique). Un exemple plus récent : Apple Pay Cash, le service de transfert d'argent via Messages est apparu aux États-Unis à la fin 2017. Il a tout les attributs d'un produit Apple, sauf qu'en coulisses le service est fourni par Green Dot Bank. Si Apple veut exporter cette fonction, il lui faut trouver des partenaires locaux.

On peut reconnaître un talent et une force à Apple, c'est que lorsqu'elle annonce un nouveau matériel il est disponible simultanément partout dans le monde. Il y a des exceptions qui restent néanmoins anecdotiques, comme le HomePod. Et à l'inverse de parfaites illustrations comme les iPhone, iPad et Mac ou des accessoires comme les AirPods.
Pour les services en revanche, attente et patience restent de mise, comme le montrent ces quelques exemples passés :
iTunes Music Store : USA en avril 2003 et juin 2004 pour la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne.
iTunes Store : films, séries et clips : USA en octobre 2005. Grosse attente ensuite puisqu'en France ce fut en mai 2008 pour les premières émissions de télé et séries, puis avril 2010 pour les films. Cinq ans de décalage !
App Store : juillet 2008 dans 62 pays, mais Apple était dans une position privilégiée : elle fournissait la plate-forme, l'outil de création des apps et vendait l'iPhone, seul apte à les faire fonctionner.
iBookstore sur iPad : USA en avril 2010 et dès le mois de mai en France avec des 10 000 ouvrages du projet Gutenberg (750 en langue française) et les premiers éditeurs commerciaux (Eyrolles, Albin Michel, Hachette). Flammarion ne signera qu'en octobre 2011, avec Amazon en plus d'Apple.

Apple Pay : USA en octobre 2014 et juillet 2016 en France (et encore, de grandes banques résistent toujours).
Apple Pay Cash : décembre 2017 aux États-Unis, aucun autre pays depuis.
On parle ici de disponibilités de services et on pourrait ajouter ceux qui freinent l'arrivée de matériels. Le HomePod en est un bon exemple, à cause de Siri. L'enceinte qui est sortie en février 2018 n'est disponible que dans les principaux pays anglophones, la France, l'Espagne, le Mexique, l'Allemagne et la Chine. Cela fait beaucoup de grands marchés mais aussi une multitude de pays de toutes tailles encore absents.
Lorsqu'Apple est à la manœuvre de bout en bout, les choses vont plus vite. Ce sera le cas pour Apple TV+ et Apple Arcade où elle pilote la mise en œuvre et où quasiment tout le monde les aura cet automne. Pour Apple Card, Apple TV Channels et Apple News+, il y a d'autres intervenants et autant de variables.
Apple aurait-elle dû garder ces annonces sous le coude pour ne les révéler qu'à la rentrée et s'épargner cette frustration ? Commercialement parlant, que ces services ne soient pas disponibles dès maintenant ne freinera aucune vente de ses autres produits déjà existants, il n'y a pas d'impact négatif sur ce point.
Elle s'épargne aussi une accumulation de fuites dans la presse, des confidences qui s'étaient déjà bien multipliées. Au bout d'un moment Apple doit redevenir maître de sa communication. Accessoirement, l'été et l'automne vont être fournis en annonces et lancements. Sans même parler des iPhone et Apple Watch, du copieux s'annonce pour la WWDC, sur l'évolution des plateformes système, on attend aussi le nouveau Mac Pro et du neuf dans les portables.
Reste que le keynote d'hier a ouvert de multiples sujets de discussion et amené de nouvelles questions, ne serait-ce que sur l'aspect financier de tous ces services.