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La culture du design d'Apple racontée par un ancien

Florian Innocente

vendredi 23 mai 2014 à 14:24 • 50

AAPL

Ancien designer d'interfaces chez Apple, Mark Kawano a démythifié au travers d'un article de Co.Design, quelques croyances bien ancrées autour de son ancien employeur. Il a quitté Apple en 2012 pour créer l'application et le service StoreHouse (lire Storehouse met en scène vos images sur l'iPad).

Entre 2006 et 2012 il a travaillé sur les interface d'Aperture et d'iPhoto. Puis durant deux ans il a occupé l'un des postes d'évangélistes sur le sujet de l'expérience utilisateur dans les applications OS X et iOS. Une activité de conseil auprès de développeurs et d'autres designers, par exemple ceux travaillant au sein de grandes entreprises qui sollicitaient l'aide d'Apple. Ce qui lui a donné l'occasion de confronter les méthodes de réalisation de produits chez Apple avec les pratiques de ces entreprises.

Première idée erronée, celle selon laquelle la qualité des produits d'Apple est simplement due à la présence de designers à tous points exceptionnels ou d'une organisation parfaitement huilée. La réalité, explique Mark Kawano, tient avant tout à une certaine culture diffusée à tous les échelons.

« C'est à la fois une culture qui existe chez les ingénieurs et une manière dont est structurée l'organisation, elles sont conçues pour encourager le design. Tout le monde garde à l'esprit les questions de l'expérience utilisateur et du design, ce n'est pas seulement propre aux designers. C'est ça qui permet au produit d'être vraiment meilleur… bien plus qu'un designer en particulier ou telle équipe. »

Ce souci de penser au design d'un produit ne se traduit pas par des consignes venues d'en haut, même si Steve Jobs pouvait agir comme un moteur, mais d'une prise de conscience et d'un effort collectif.

« Vous avez maintenant une organisation où vous pouvez consacrer votre temps à la conception de produits, au lieu d'avoir à se battre pour garder sa place ou être frustré de voir qu'un meilleur design est mis de côté par un responsable de l'ingénierie qui vise juste à l'optimiser pour la correction de bugs. Ce sont toutes ces choses auxquelles sont confrontés les concepteurs de produits dans les entreprises et qui leur prennent énormément de leur temps. Chez Apple, on attend de vous que vous accordiez de l'importance à l'expérience utilisateur. »

Les embauches prennent en compte ce critère. Tout le monde, des ingénieurs aux gens du marketing, ont à l'esprit cette préoccupation du design à des degrés divers et ils en tiennent compte dans leurs décisions. L'effort doit être partagé à tous les niveaux. C'est bien d'avoir embauché d'anciens employés d'Apple pour faire de belles interfaces, poursuit Kawano, mais s'il n'y a pas une réflexion du même niveau pour le marketing, la distribution, le commercial et la communication ça ne sert pas à grand chose. La réflexion doit être globale.

Autre mythe qu'il relativise, celui qu'Apple aurait vraiment beaucoup de designer à sa disposition. Rien à voir avec les centaines voire le millier chez Facebook et Google, tempère l'ancien évangéliste. Chez Apple, à son époque, il y avait environ 100 personnes « Je les connaissais tous de vue et par leur nom ».

Il n'y a pas non plus de spécialisations chez les gens, on peut un jour dessiner une icône, un autre travailler sur une interface logicielle. L'appétence pour les belles choses chez les ingénieurs fait que les designers peuvent s'appuyer sur des bases assez avancées lorsqu'ils entrent en scène, au lieu d'avoir à imaginer leurs propres maquettes de zéro.

Peut-être que les choses ont évolué aujourd'hui avec les nouvelles fonctions de Jonathan Ive. Il a été dit par exemple au moment du lancement d'iOS 7 qu'il avait fait travailler des gens du marketing sur le dessin des icônes, une approche assez inédite qui a surpris.

Il parle ensuite de ce souci du détail que l'on attribue à Apple en prenant l'exemple de la fenêtre de saisie de mot de passe. Celle qui s'agite lors d'une entrée erronée (sur OS X) plutôt qu'un banal message d'erreur (comme le fait par contre iOS). Il ne s'agit pas de chercher à tout prix à faire des petites choses sympas lorsqu'on est en pleine conception d'un produit, mais de les inclure lorsqu'elles sont pertinentes « Il est quasiment impossible de proposer des choses innovantes lorsque vous êtes tenu par un délai ou un planning » dit-il.

Chez Apple, les designers et ingénieurs ont souvent sous le coude des idées originales, comme des animations, des effets simulant des principes physiques qu'ils ont bricolées sur leur temps libre et qu'ils mettront de côté jusqu'au jour où elles se révéleront parfaitement adaptées à un projet.

Il n'y a bien sûr pas d'armoire secrète dans laquelle sont conservées ces petites idées et où l'on irait piocher lorsque nécessaire « On est plutôt dans le cadre d'une relation de confiance et de partage au sein d'une petite équipe, où tout le monde se connaît ».

Enfin, il y a la croyance solidement ancrée selon laquelle tout le monde était effrayé par Jobs, une idée illustrée par un conseil que se donnaient les designers. Il valait mieux prendre l'escalier que l'ascenseur, au moins on limitait les risques de tomber sur le grand patron. Lequel, n'aurait pas manqué de vous demander sur quoi vous travailliez. Et là, soit il détestait et vous étiez grillé, soit il adorait et vous pouviez dire au revoir à vos week-end et congés.

« La réalité c'est que les gens qui ont eu du succès chez Apple sont ceux qui ont eu ce désir et cette passion d'apprendre de leur collaboration avec Steve, et qui étaient tout entier tournés vers le client et le produit. Ils étaient prêts à renoncer à leurs week-ends et aux vacances. Et beaucoup de ceux qui se sont plaints que c'était injuste, ne faisaient pas la part des choses en acceptant de sacrifier tout cela afin de réaliser les meilleurs produits pour les clients. »

Steve Jobs s'imposait des exigences élevées et elles valaient pour tous ceux qui étaient supposés travailler pour lui. Il ne comprenait pas pourquoi certains pouvaient refuser de produire des efforts aussi importants. Aussi exigeant qu'il pouvait être avec les autres, il demandait aussi à être traité comme tout le monde, souligne Kawano. Amusé, il conclut sur la seule fois où Steve Jobs lui a adressé un compliment, et ce n'était pas pour son travail : « À la cafétéria dans la file d'attente, il a trouvé que mon saumon avait l'air pas mal et il m'a dit qu'il allait prendre le même ».

Source : Illustration : Introducing iOS 7 GUI PSD d'Applidium

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