Tesla continue de faire des bénéfices grâce au retard des autres constructeurs

Nicolas Furno |

Tesla a annoncé ses résultats financiers pour le premier trimestre 2021 et ils sont très bons. C’est le meilleur premier trimestre de l’histoire du constructeur automobile exclusivement électrique, alors que c’est en général une période assez creuse après un quatrième trimestre toujours bien rempli. L’entreprise annonce ainsi avoir livré près de 185 000 voitures sur cette période, un record qui se traduit par un bénéfice de 438 millions de dollars.

Tesla génère des bénéfices depuis près de deux ans, mais pas uniquement grâce à ses propres ventes (graphique The Verge).

Cela semble positif, mais ces résultats ne sont pas uniquement liés aux chiffres de vente. Certes, Tesla n’a jamais produit et vendu autant de véhicules, mais l’entreprise n’aurait pas fait de bénéfices sur le trimestre si elle n’avait pas d’autres sources de revenu. L’essentiel des profits sur les trois premiers mois de l’année 2021 est lié à la revente de crédits carbone pour 518 millions de dollars, un record aussi, et non pas aux voitures vendues par le constructeur.

Pour le dire autrement, si Tesla ne profitait pas du retard de ses concurrents en matière d’électrification, l’entreprise n’aurait pas atteint un équilibre financier au premier trimestre 2021 malgré ces ventes record. C’est un signe inquiétant, car ces bénéfices liés aux crédits carbone sont forcément temporaires. Ils permettent aux constructeurs qui ne peuvent pas respecter les exigences de l’Europe de limiter leurs amendes, mais la progression de l’électrification dans toute l’industrie signifie que c’est une source de revenus qui disparaîtra à terme pour la firme californienne.

Est-ce pour cette raison que la firme a investi dans le Bitcoin en début d’année ? En tout cas, une partie des profits trimestriels sont aussi la conséquence de la revente pour 150 millions de dollars de la cryptomonnaie, désormais acceptée comme moyen de paiement aux États-Unis. Toutes ces solutions pour rester dans le vert devraient malgré tout rester temporaires et si Tesla a autant de mal à être rentable, c’est d’abord parce que l’entreprise investit massivement.

Gigafactory Berlin en construction (image Tesla).

Tesla construit actuellement deux nouvelles usines, l’une en Allemagne et l’autre au Texas, tout en agrandissant son usine en Chine. Ces nouvelles unités de production serviront à augmenter la cadence, à commencer par la Model Y, le SUV basé sur la Model 3, qui doit toujours sortir des chaînes de production allemandes à partir de la fin de l’année 2021. Avec l’usine texane, cela devrait permettre d’augmenter les cadences, un point essentiel puisque l’usine historique de Fremont, en Californie, est en passe d’atteindre son rythme de production maximal.

Depuis le départ, Elon Musk a de grandes ambitions pour la Model Y, qu’il considère comme le futur modèle le plus populaire chez Tesla. Lors des questions et réponses qui ont suivi la présentation des résultats financiers, le patron de Tesla est allé encore plus loin en envisageant qu’elle puisse devenir la voiture la plus populaire au monde. Cela pourrait être le cas basé sur les revenus dès 2022, mais il envisage même que ça le soit sur les volumes en 2023.

Les promesses d’Elon Musk n’engagent que ceux qui les croient encore, mais pour mettre en perspective la dernière d’entre elles, il faut savoir que la Toyota Corolla était la voiture la plus vendue au monde en 2019 avec 1,2 millions d’exemplaires. Ajoutez à cela que Tesla a produit 500 000 véhicules, tous modèles confondus, sur toute l’année 2020 et vous aurez une petite idée du miracle qu’il faudrait pour que la Model Y atteigne un tel niveau dans un an ou deux. Il faudrait que les deux nouvelles usines produisent chacune autour de 500 000 Model Y sur l’année 2022, alors même qu’elles ne seront pas opérationnelles avant la fin de l’année 2021… si tout va bien.

L’intérieur entièrement revu de la nouvelle Model S (image Tesla).

À plus court terme, les investisseurs vont certainement suivre de près la sortie des nouvelles Model S et Model X. Les deux véhicules historiques du constructeur ont reçu une mise à jour majeure en janvier dernier et les nouvelles versions devaient sortir en mars aux États-Unis. Sans surprise, il y a du retard, mais pire qu’on l’imaginait, puisque Tesla annonce n’avoir produit aucun exemplaire sur tout le trimestre. Elon Musk promet désormais un début de la production de la Model S « probablement le mois prochain » et pas avant le troisième trimestre pour la Model X.

On ne sait pas ce qui se passe exactement, mais le CEO a évoqué des problèmes à régler, notamment sur la sécurité de la nouvelle batterie utilisée dans ces voitures. Peut-être que le volant coupé en deux et l’absence complète de commodos, ou encore la sélection automatisée de la vitesse sont autant de changements qui ne fonctionnent pas aussi bien que prévu.

Quoi qu’il en soit, Tesla espère produire 2 000 Model S et Model X par semaine et ces véhicules vendus nettement plus cher seront aussi un atout pour un retour à la rentabilité sans passer par les béquilles habituelles. D’ailleurs, Elon Musk a souligné en passant que le coût de production sera inférieur aux anciens modèles, ce qui signifie que la marge devrait être encore supérieure pour le constructeur.

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