L’iMac Pro est-il cher ?

Anthony Nelzin-Santos |

Oui, l’iMac Pro est cher. Mais est-il « trop » cher, comme certains l’affirment d’une manière outrageusement péremptoire ? Sans aller jusqu’à convoquer des notions comme la rentabilité ou l’amortissement, incompatibles avec les réactions épidermiques, il faut simplement comparer l’iMac Pro avec les stations de travail équivalentes. Les choses sont alors beaucoup moins évidentes qu’il n’y paraît.

L’iMac Pro. Image Apple.

Pour faciliter les comparaisons, certains modèles n’étant pas (encore) disponibles en Europe, nous nous baserons sur le prix hors taxe en dollars. Partons de la configuration de l’iMac Pro envoyée aux premiers testeurs, dotée :

  • d’un écran Retina 5K de 27 pouces ;
  • d’un processeur Intel Xeon W-2150B décacœur à 3 GHz ;
  • de 128 Go de RAM DDR4 ECC à 2 666 MHz ;
  • d’une carte graphique AMD Radeon Pro Vega 64 avec 16 Go de mémoire HBM2 ;
  • d’un SSD NVMe de 2 To ;
  • et de quatre ports USB 3, quatre ports Thunderbolt 3, ainsi qu’un port Ethernet 10 Gb.

Cette configuration frôle la barre des 10 000 $ sans la franchir, à 9 599 $. Avant d’entamer les comparaisons, deux précisions sont utiles :

  • le processeur Xeon W-2150B ne figure pas au catalogue public d’Intel, mais semble être une déclinaison sous-cadencée du Xeon W-2155 décacœur à 3,3 GHz ;
  • la carte AMD Radeon Pro Vega 64 intégrée à l’iMac Pro est une déclinaison sous-cadencée du modèle de référence.

Autrement dit : à références égales, et sans doute pour des raisons de gestion thermique, l’iMac Pro sera moins performant que des stations de travail construites autour de composants off the shelf. Comment quantifier cette différence ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais c’est un point qu’il faut garder à l’esprit.

Parmi les principaux fabricants, seul Dell propose une station de travail dotée de processeurs Intel Xeon W. HP et Lenovo utilisent soit des processeurs « grand public » Core, ceux de l’iMac, soit des processeurs « de classe serveur » Xeon Scalable, sans doute ceux du futur Mac Pro, et ne commercialiseront pas de machines à processeurs Xeon W avant plusieurs mois.

Après une longue configuration sur le site de Dell, la tour Precision 5820 coûte 8 054,38 $ :

  • processeur Intel Xeon W-2155 décacœur à 3,3 GHz ;
  • 128 Go de RAM DDR4 ECC à 2 666 MHz ;
  • une carte graphique Nvidia Quadro P4000 à 8 Go de mémoire GDDR5 ;
  • et deux SSD PCIe NVMe de 1 To.

Le prix inclut la licence de Windows 10 Pro « pour station de travail à plus de quatre cœurs », car une telle licence existe, ainsi que quelques suppléments :

  • l’alimentation de 950 W nécessaire à la carte graphique ;
  • le contrôleur Intel pour les disques NVMe ;
  • un clavier et une souris sans-fil.
Dell Precision 5820. Image Dell.

Il n’inclut pas le prix de la carte Ethernet 10 GbE, 314,30 $, car elle possède deux ports. Le Precision 5820 ne possède pas de ports Thunderbolt 3, mais il est doté de huit ports USB-A et deux ports USB-C, ainsi que de ports PS/2 et série. À défaut d’un écran 5K, on choisira un écran 4K de 27 pouces dans la gamme professionnelle Dell UltraSharp, et on ajoutera donc 1 399 $ à la facture.

Le total s’établit donc à 9 453 $, pour une machine dont les performances devraient être légèrement supérieures à celles de l’iMac Pro à 9 599 $, puisque son processeur et sa carte graphique ne sont pas sous-cadencés. Ce qu’elle possède en possibilités d’évolution interne fait face à ce qu’elle ne possède pas en possibilité d’évolution externe, et l’iMac Pro conserve l’avantage de son SSD ultra-rapide et de son excellent écran Retina 5K.

« Mais on ne peut pas changer la carte graphique de l’iMac Pro ! » Les composants de l’iMac Pro sont inaccessibles, c’est vrai, mais ils sont amovibles et pourront être remplacés par Apple en cas de panne. Le principe de la station de travail tout-en-un n’en demeure pas moins pertinent : tous les « pros » ne se ressemblent pas, et beaucoup utilisent déjà des iMac… ou des stations de travail tout-en-un sous Windows.

Car elles existent : HP comme Dell ont été inspirés par le succès de l’iMac chez les prosumers et professionnels, sans parler de Microsoft avec le Surface Studio. Selon leur configuration, le HP Z1 et le Dell Precision 5720 peuvent être des machines à 1 200 $ avec des composants largement obsolètes comme des machines à 5 000 $ au niveau du plus puissant des iMac Retina 5K. À l’heure actuelle toutefois, elles ne sont pas disponibles avec des composants similaires à ceux de l’iMac Pro.

Microsoft Surface Studio. Image Microsoft.

Il est donc difficile de juger l’iMac Pro par rapport à des machines directement équivalentes, mais face à des stations de travail plus conventionnelles, son prix semble juste. Mais ce prix n’évoluera pas avant une éventuelle révision matérielle, alors que Dell propose déjà des ristournes sur la tour Precision 5820. Si vous avez déjà fréquenté la Briefing Room de votre boutique Apple, vous savez que vous pouvez négocier, mais vous savez aussi que la marge de manœuvre de vos interlocuteurs est limitée.

Et le prix à l’achat ne dit rien du coût à l’usage. La question de la fiabilité plane comme une ombre sur cette machine : l’iMac Pro tiendra-t-il de l’iMac ou plutôt du Mac Pro ? Dans ce dernier cas, il faudra non seulement prendre en compte le coût des réparations, mais aussi intégrer les pertes de productivité le temps du passage obligé chez le réparateur (ou le prix de l’AppleCare pour la réparation sur site).

À long terme, ces éléments désavantagent Apple, alors que les fabricants de PC proposent généralement des garanties plus solides et des contrats de maintenance plus complets. C’est aussi sur ce point de la prise en charge des besoins des professionnels non pas seulement lors de l’achat, mais pendant toute la durée de vie du produit, qu’Apple doit travailler si elle veut regagner durablement la confiance de cette clientèle si particulière.

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