App Store : Apple fait sa petite révolution

Christophe Laporte |

L’App Store est sans doute l’une des « inventions » les plus importantes d’Apple ces dernières années. Toutefois, la plateforme de distribution d'applications n’a pas que des bons côtés : délais et politique aléatoire de validation, absence de certaines fonctions (pas de mises à jour payantes, pas de versions de démonstration)…

Face à un marché toujours plus concurrentiel, certains développeurs Mac avaient fini par lâcher l’affaire et revenir à « l’ancien modèle ». Le cas le plus célèbre est sans doute Sketch (lire : L’éditeur vectoriel Sketch quitte le Mac App Store). Sur iOS, c’est la question de la rentabilité qui est de plus en plus problématique, notamment pour les développeurs indépendants. Enfin, des éditeurs rechignent à porter leurs apps sur iPad, de peur de ne pas obtenir de volumes suffisants pour rentabiliser leurs investissements.

Voilà les principales problématiques que Phil Schiller a dû prendre en compte lorsqu'il a repris sous son aile, en collaboration avec Eddy Cue, la direction des App Store en décembre dernier. Certains changements avaient commencé à se dessiner ces dernières semaines comme des délais de validation de plus en plus courts.

On se doutait bien qu’on allait avoir le droit à une salve d’annonces à l’occasion de la WWDC qui débute la semaine prochaine. Le responsable marketing d’Apple a surpris tout le monde en faisant ces annonces aujourd’hui ! Alors que nous promet cet App Store 2.0 ? Des délais de validation plus courts, un modèle économique entièrement revu pour l’abonnement et une nouvelle gestion éditoriale.

Des validations sous 24 à 48 heures la plupart du temps

Une validation sur l’App Store sera désormais aussi rapide qu’une commande sur Amazon (ou la Redoute pour les anciens). Phil Schiller a expliqué que l’équipe de validation traite 100 000 applications par semaine. Un chiffre considérable !

Le directeur marketing d’Apple a expliqué ensuite qu’il était attaché au principe de validation. Il est hors de question d'adopter une validation plus souple comme le fait Google. Mais en même temps, les délais importants sont souvent un problème pour les développeurs qui vivent de leurs apps et ont besoin parfois d'expédier rapidement un correctif.

Les équipes d’Apple ont énormément travaillé ces dernières semaines à réduire les délais. Et cela commence à porter ses fruits. Selon Phil Schiller, 50 % des applications sont examinées dans les 24 heures qui suivent leur soumission. Ce chiffre monte à 90 % au bout de 48 heures.

L’abonnement : le business model du futur ?

C’est une tendance de fond dans l’industrie du logiciel : l’abonnement est à la mode. De grands noms s’y sont mis comme Microsoft avec Office 365, Adobe avec Creative Cloud ou encore, plus récemment, Autodesk. Si le changement de modèle économique est parfois difficile, il s’avère être très rentable lorsqu'il est achevé. Il suffit de voir la santé rayonnante d’Adobe pour s’en convaincre.

Si l’App Store autorisait jusqu’à présent les abonnements, son fonctionnement était très encadré. Et surtout, il refroidissait de nombreux éditeurs qui estimaient que la commission d’Apple était trop importante dans ce cas de figure.

À partir de cet automne, les développeurs pourront utiliser dans leurs applications un nouveau type d’abonnement. La grande nouveauté est d’ordre pécuniaire. Sur une souscription, Apple continuera à prélever une commission de 30 %, mais seulement la première année. Ensuite, la commission passera à 15 % sur les abonnements que leurs utilisateurs ont renouvelés.

Les développeurs auront également une certaine flexibilité sur le prix. Ils auront accès à plus de 200 paliers tarifaires. Si le prix d’un abonnement est revu à la hausse, l’abonné sera prévenu et pourra accepter ou refuser, comme ce qui se pratique aujourd'hui : « L'App Store aura une nouvelle interface qui rendra plus simple encore pour les utilisateurs la gestion de leurs abonnements en cours ». Les développeurs auront également la possibilité de modifier le prix de leurs abonnements aux nouveaux clients.

Plutôt que de faire des mises à jour payantes, Apple opte donc pour la formule de l’abonnement qui semble plus simple à mettre en oeuvre et à présenter aux consommateurs. La firme de Cupertino cherche ainsi à pousser les développeurs à améliorer en permanence leurs apps. Et peut-être à moins se disperser en sortant des apps jetables pour générer des revenus à court terme. C'est aussi un bon calcul pour Apple qui peut tirer profit de revenus devenus plus récurrents.

Un réseau publicitaire pour l’App Store

Phil Schiller l’avait déjà dit : il veut que les utilisateurs des produits Apple aient chaque jour une bonne raison d’aller sur ses plateformes de téléchargement. Les boutiques doivent, selon lui, se montrer plus intelligentes et offrir plus de contenus pour que les utilisateurs trouvent plus facilement des apps qui leur conviennent.

Outre un contenu éditorial plus riche, Apple a décidé également d’être plus finaude. Ainsi, les rubriques À la une des App Store n’afficheront plus les applications qui sont déjà installées sur vos terminaux. Ce changement avait été découvert récemment par un éditeur sur tvOS (lire : tvOS : Apple supprime des classements les apps déjà téléchargées).

Autres améliorations prévues : le retour de la section catégories des apps et l'utilisation de 3D Touch sur une icône pour partager un lien vers l'app auprès de ses amis.

Mais la plus grosse nouveauté pour Apple, c’est l’arrivée de la publicité sur l’App Store. C’est une grande première. La marque à la pomme s’était toujours refusée à insérer des annonces sur ses plateformes, malgré les demandes répétées des maisons de disques par exemple, avec l’iTunes Music Store.

Lorsque vous ferez une recherche sur l’App Store, vous pourrez voir une publicité pour une app. Sur le principe, le fonctionnement est assez similaire aux Adwords lorsqu'on fait une recherche sur Google. L’idée par exemple est d’avoir une application de photos présentée lorsque vous êtes à la recherche d’une app dans ce domaine.

La publicité pour une app prendra la forme d'un bandeau avec un fond bleu et avec une petite étiquette "Pub" sous le nom du logiciel. Il n'y aura qu'une seule pub à la fois à l'écran (ou même aucune).

La pub en haut dans un cadre bleu

Le programme Search Ads débutera lundi prochain en bêta et sera finalisé à l'automne, certainement avec iOS 10, mais il sera limité à l’App Store US dans un premier temps. Apple explique que plus de 65% des téléchargements proviennent directement de recherches sur l’App Store. Schiller a assuré que ce système de pub serait « juste bien pour les développeurs et bien aussi pour les développeurs indépendants ». L'idée n'étant pas de donner un avantage insurmontable aux éditeurs aux poches pleines.

Apple insiste ensuite sur le fait que sa régie publicitaire est soucieuse de la vie privée de ses utilisateurs. Elle marche uniquement par contexte, ne traquera pas les utilisateurs et ne remontera aucune donnée personnelle à l’annonceur. De plus, l’application apparaissant dans le bandeau sera mise en avant de manière différente des autres apps pour bien montrer à l’utilisateur que c’est de la publicité. Enfin, aucune publicité ne sera affichée auprès des jeunes utilisateurs (les moins de 13 ans). Son portail développeurs entre en détails dans ce qui va arriver.

Reste à savoir comment ces changements seront accueillis par les développeurs et les utilisateurs. Ce qui est certain, c’est que si Apple commence à faire des annonces comme celles-ci avant la WWDC, c’est qu’elle en a un bon paquet d'autres dans les tuyaux ! C'est ce que Phil Schiller a assez clairement laissé entendre.

D’autre part, on notera que la notion d’abonnement est de plus en plus prégnante chez Apple. Avant, elle se limitait à iCloud (ou à MobileMe). Cette philosophie se généralise petit à petit. L’abonnement a déjà fait son apparition en force dans la musique avec Apple Music. Et on dit qu’Apple, à terme, souhaite faire de même pour la télévision aux Etats-Unis…

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