Amazon : la décision de la justice française passe mal 🆕

Sabrina Fekih |

Mise à jour — Alors qu'ils devaient rouvrir demain, les entrepôts d'Amazon en France resteront fermés jusqu'au 5 mai. Les salariés sont invités à rester chez eux jusqu'à cette date (ils continueront de toucher l'intégralité de leur salaire). « Nos centres de distribution en france et partout dans le monde sont sûrs », explique l'entreprise dans un communiqué qui assure toujours les commandes et les livraisons de ses clients français, mais depuis ses entrepôts européens.

Article d'origine — Après le rejet de son appel à la fin de la semaine dernière, Amazon doit s'en tenir à la vente de produits essentiels, pendant l'évaluation des risques que fait peser le coronavirus dans ses centres de distribution français.

Ceux-ci doivent normalement rouvrir après le 28 avril. En cas d'infraction de cette décision « pour chaque réception, préparation et/ou expédition de produits non autorisés, et ce pendant une durée maximale d'un mois », l'astreinte s'élève à 100 000 euros, contre 1 million d'euros selon le premier jugement du tribunal judiciaire de Nanterre.

Image : Amazon

Du côté d'Amazon, cette décision ne manque pas d'étonner. Dans un communiqué, le site marchand la critique vivement et ajoute que celle-ci le « conforte dans l’idée que l’enjeu principal n’est pas tant la sécurité, que la volonté de certaines organisations syndicales de tirer parti d’un processus de consultation complexe avec les comités sociaux et économiques. »

Et pour cause, c'est un véritable bras de fer qui oppose Amazon aux différents syndicats. Ces derniers accusent la société d'avoir œuvré unilatéralement, mais surtout tardivement dans la mise en place de mesures de prévention.

Ce n'est qu'après une mise en demeure de l’inspection du travail début avril que la société a entrepris d'équiper ses salariés de masques ; d'instaurer la prise de température de chaque employé à son arrivée, de pratiquer une distanciation de deux mètres, etc. Mais des incohérences subsistent : « Il faut encore pousser la barre du tourniquet [d’entrée sur le site, NDLR] à la main », donne en exemple Christophe Bocquet, membre FO du CSE de l'entreprise (comité social et économique).

L'enseigne suggère également que cette condamnation met à mal des milliers de vendeurs tiers : « Nous ne pensons pas que cette décision soit dans le meilleur intérêt des Français, de nos collaborateurs et des milliers de TPE et de PME françaises qui comptent sur Amazon pour développer leurs activités ».

Depuis la fermeture des entrepôts d'Amazon le 16 avril, Yannick Jan, gérant d'une boutique en ligne d’imprimerie basée en région parisienne, doit organiser par ses propres moyens la livraison de 600 commandes chaque jour. « C’est l’horreur absolue », explique-t-il à Reuters. Contraint de faire appel à des transporteurs plus coûteux, dont les services de La Poste, ses marges sont désormais érodées par la flambée des coûts de livraison.

Image : Amazon

Pour l'heure en France, seul le groupe de Jeff Bezos est touché par ce type de décision judiciaire, qui intervient en réponse directe aux revendications de ses salariés. Lesquels se plaignaient également d’être trop nombreux dans les entrepôts pour que cela garantisse leur sécurité sanitaire.

Toutefois, au vu du caractère exceptionnel de cette pandémie et de l'organisation parfois en urgence de plusieurs sociétés, la condamnation d'Amazon pourrait ouvrir la porte à d'autres contentieux juridiques en direction d'autres groupes et entreprises — dont certains sont dans le même cadre d'activité qu'Amazon — et qui restent épargnés sur le front judiciaire.

« Ce n’est pas parce qu’on est un géant américain qu’on ne doit pas faire des efforts dans la période, personne n’est au-dessus des lois » a déclaré Laurent Degousee, de l'union syndicale Solidaires. Cette décision « est aussi un avertissement pour les autres entreprises », a-t-il ajouté. Une réunion entre les délégués syndicaux et la direction d'Amazon France est prévue ce lundi, afin d'amorcer des négociations.

Aux États-Unis, plus de 300 salariés du groupe s'étaient mis en grève pour exiger de meilleures conditions sanitaires dans les entrepôts face au coronavirus.

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