Taxe française sur les GAFA : les États-Unis grondent

Mickaël Bazoge |

La Maison Blanche voit d’un œil mauvais la taxe sur le numérique dévoilée par le gouvernement français il y a quelques jours (lire : La taxe GAFA amorcée en France). Chip Harter, le responsable du Trésor américain en charge des questions de fiscalité internationale, a déclaré que les États-Unis s’opposaient à « toute proposition de taxe sur les services numériques ».

L’officiel de l’administration Trump indique aussi que le projet français était « discriminatoire » et que les États-Unis se réservaient le droit de saisir l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce qui au passage ne manque pas de piquant, le pays cherchant à se délier de ses obligations multilatérales.

La taxe imaginée par Bercy vise à rééquilibrer quelque peu le niveau d’imposition des grands groupes du numérique, qui paient en moyenne 14 points d’impôts de moins que les PME européennes. Ces mastodontes maîtrisent comme personne les techniques d’optimisation fiscale, ce qui n’est d’ailleurs pas sans leur poser des petits soucis : Apple a dû régler 500 millions d’euros au fisc français pour solder dix années d’arriérés d’impôts en souffrance.

La taxe française va ponctionner, normalement à compter du 1er janvier 2019 (elle sera donc rétroactive), 3% du chiffre d’affaires des entreprises répondant à deux critères : qu’elles réalisent un chiffre d'affaires au moins 750 millions d’euros dans le monde, et 25 millions en France. Cette contribution, qui doit rapporter 650 millions d’euros à l’horizon 2022, sera en discussion à l’Assemblée nationale le 4 avril pour un vote qui devrait intervenir d’ici l’été.

Ce sont donc les entreprises américaines qui sont principalement visées, les fameux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Ce qui déplaît forcément aux États-Unis : Steve Mnuchin, le secrétaire au Trésor américain, avait déjà vilipendé la proposition française il y a deux semaines.

De son côté, Chip Harter estime que la base théorique des taxes sur les services numériques est mal conçue. Cela vaut d’ailleurs aussi bien pour la France que pour le Royaume-Uni, qui prépare sa propre taxe, à l’instar de l’Autriche et d’autres pays européens.

Le responsable du Trésor, qui est d’ailleurs à Paris pour des discussions au sein de l’OCDE, convient qu’il est approprié de taxer plus lourdement « diverses entreprises internationales ». Néanmoins, il pense que la base devrait s’élargir à d’autres secteurs d’activité que le seul numérique. C’est à l’OCDE que doit justement prendre forme un compromis pour la mise en place d’une taxe internationale. Mais plusieurs pays, dont la France, ont décidé d’aller de l’avant sans tarder.

La réponse de Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, n’a pas traîné : « La France est un Etat libre et souverain qui décide de sa taxation ». Difficile de faire plus clair.

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