Nouvelle purge chez Microsoft : l'activité smartphone menacée

Mickaël Bazoge |

La purge se poursuit chez Microsoft. Et une fois de plus, c’est la division mobile, issue de l’acquisition des activités mobiles de Nokia l’an dernier, qui est dans le collimateur. La dernière réorganisation du groupe, qui date du 17 juin, avait déjà poussé Stephen Elop (l’ancien PDG de Nokia) vers la sortie (lire : Remaniement : Microsoft se sépare de Stephen Elop, l'ancien patron de Nokia). L’été dernier, pratiquement jour pour jour, Satya Nadella annonçait la suppression de 18 000 emplois, la plupart au sein de la division mobile.

La famille de smartphones Lumia a-t-elle encore un avenir ?

La nouvelle charrette d’emplois annoncée aujourd’hui frappe une fois de plus durement les actifs de Nokia au sein de Microsoft. Ce sont en effet 7 800 départs supplémentaires qui sont programmés, la vaste majorité touchant la branche hardware de l’entreprise et notamment tout ce qui a trait aux smartphones. De plus, Microsoft déprécie les 7,6 milliards de dollars qu’avait coûté l’achat des activités mobiles de Nokia ; l’actif que représentait cette activité ne vaut basiquement plus un clou désormais ! De plus, la société va devoir provisionner entre 750 et 850 millions de dollars pour la gestion des licenciements.

Satya Nadella a eu l’opportunité de préparer les esprits à cette énième mauvaise nouvelle le mois dernier. Dans ce mémo expliquant la réorganisation de l’équipe dirigeante du groupe, le CEO de Microsoft expliquait que la société allait faire face à des « choix difficiles dans des secteurs qui ne fonctionnent pas ». L’éditeur de Windows s’est ainsi séparé de son activité de régie publicitaire, vendue à AOL, alors qu’il nourrissait de grandes ambitions dans ce domaine.

Malgré un lourd investissement, aussi bien en termes de développement logiciel qu’en marketing, l’activité mobile de Microsoft n’a pas réellement décollé. En dehors de l’entrée de gamme où les Lumia les moins chers réussissent à tirer leur épingle du jeu, la part de marché des smartphones de Redmond se traîne loin derrière celle des mobiles Android et de l’iPhone. Quant à la plateforme Windows Phone, elle n’a pas attiré la foule des constructeurs tiers.

Windows 10 sortira le 29 juillet.

Pourtant, IDC a estimé que pour cette année, Apple allait connaitre une croissance de 23% de ses livraisons d’iPhone, contre 8,5% pour la plateforme Android et… 34,1% pour Windows Phone. Le nombre de smartphones utilisant l’OS mobile de Microsoft pourrait doubler pour atteindre les 103,5 millions d’unités. Le problème, c’est que Windows Phone démarre loin derrière avec une part de marché de 3,2% (16,4% pour iOS et 79,4% pour Android). Les projections pour 2019 parlent d’une part de 5,4% pour Windows Phone, contre 14,2% pour iOS et 79% pour Android. Le jeu en vaut-il la chandelle, sachant que Microsoft se bat sur un secteur, l’entrée de gamme, où les marges sont particulièrement faibles ?

Les derniers résultats trimestriels de Microsoft faisaient mention de charges (190 millions de dollars) imputables à l’intégration des activités mobiles ainsi qu’au plan de restructuration de l’été dernier. Ces sommes s’ajoutent aux pertes (4 millions de dollars) provenant des ventes de Lumia : il s’en est certes écoulé 8,4 millions durant le dernier trimestre, mais malgré un chiffre d’affaires de 1,4 milliard de dollars, la branche n’a généré aucun profit.

Ces nouveaux départs jettent une ombre sérieuse sur l’avenir des smartphones Lumia et au delà, de Windows 10 Mobile. Microsoft est le principal (et pratiquement unique) constructeur de terminaux compatibles avec la plateforme mobile. Si demain Redmond devait fortement réduire cette activité (ce qui, au vu des licenciements programmés, est le cas dans les faits), on peut s’interroger sur le crédit de Windows 10 Mobile. Dans le mémo de Satya Nadella, le CEO explique que l’entreprise continue de s’investir dans le smartphone à court terme, tout en poursuivant l’innovation : « Nous passons d’une stratégie de croissance d’un business autonome dans le mobile, à la création d’un écosystème Windows qui inclut notre famille d’appareils ».

Au delà de la plateforme matérielle et logicielle, l’inquiétude est aussi de mise pour les autres activités hardware du groupe. Les tablettes Surface ont commencé à décoller gentiment (713 millions de dollars, soit une croissance de 44% au dernier trimestre). Quant au marché de la console de jeu, la Playstation 4 du rival Sony affiche une part de marché oscillant entre 70% et 90% (!) en Europe. Dans le monde, la PS4 s’est vendue à 22,3 millions d’unités (50,7% du marché), contre un peu plus de 13 millions pour la Xbox One (28%).

Au Japon, il se vend 108 Playstation 4 pour 1 Xbox One. Heureusement, la console de Microsoft se vend sur les marchés « qui comptent » : aux États-Unis, elle est régulièrement à la première place des classements.

La stratégie initiée par Steve Ballmer, le prédécesseur de Satya Nadella, rapprochant de fait l’éditeur d’un modèle intégré à la Apple, aurait-elle déjà vécu ? Le CEO de l’entreprise poursuit en tout cas la réorganisation à marche forcée de Microsoft, en jetant toutes ses forces d’abord sur le cloud, les logiciels sur abonnement ainsi que sur les services aux entreprises.

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