En pleine gestation du DMA, Apple a doublé ses dépenses de lobbying en Europe

Stéphane Moussie |

« [Nous sommes] préoccupés par certaines dispositions [qui] créeront des vulnérabilités inutiles en matière de confidentialité et de sécurité pour nos utilisateurs, tandis que d’autres nous interdiront de faire payer la propriété intellectuelle dans laquelle nous investissons beaucoup. » C'est la réaction très amère d'Apple après l'accord de principe trouvé par les institutions européennes autour du Digital Markets Act (DMA) fin mars.

L'entreprise s'est pourtant donné du mal pour influer sur cette nouvelle réglementation qui va bouleverser sa gestion d'iOS ; elle a doublé ses dépenses de lobbying à la Commission européenne et au Parlement européen d'une année sur l'autre. Lors de l'exercice courant d'octobre 2019 à septembre 2020, ses dépenses de lobbying se situaient entre 3,5 et 3,7 millions d'euros. Pour le dernier exercice d'octobre 2020 à septembre 2021, elles atteignent entre 6,5 et 7 millions d'euros, d'après la déclaration de transparence d'Apple. La Pomme a considérablement renforcé son équipe d'influenceurs en mobilisant 21 lobbyistes (7,2 équivalent temps plein) contre 9 (4,5 équivalent temps plein) auparavant.

Thierry Breton, commissaire européen responsable du marché intérieur et un des architectes du DMA/DSA. Image Parlement européen (CC BY).

Recrutée par Apple en novembre 2021 en tant que directrice des affaires gouvernementales dans l'Union Européenne, Michelle O'Neill a remplacé Hendrik Bourgeois au poste de lobbyiste en chef. Parmi les huit employés accrédités pour accéder aux bâtiments du Parlement européen figure Sébastien Gros, un ancien haut fonctionnaire français qui avait commencé chez Apple comme responsable des affaires publiques pour la France (il avait répondu à une commission du Sénat en 2020).

Depuis octobre 2020, tout ce beau monde a rencontré à au moins cinq reprises Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur, ou des membres de son cabinet. Les rencontres ont été quasiment aussi nombreuses avec le cabinet de Margrethe Vestager, ou la vice-présidente de la Commission elle-même. La liste des réunions est téléchargeable à cette adresse. Il a été beaucoup question du DMA, la réglementation sur les pratiques commerciales des grandes plateformes numériques, mais aussi du Digital Services Act (DSA), un autre paquet de mesures visant à garantir un environnement en ligne « sûr et responsable ».

Apple n'est pas la seule entreprise à avoir tenté de peser sur le DMA et le DSA, Google a également fait feu de tout bois en dépensant 6 millions d'euros et en employant 8 lobbyistes. Le moteur de recherche n'a pas apprécié lui non plus l'accord trouvé fin mars, estimant qu'il crée « des risques potentiels pour l’innovation et la variété des choix offerts aux Européens. »

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