Apple et Samsung bataillent sur la 3G

Florian Innocente |
Apple et Samsung se sont retrouvés toute la journée d'hier devant une cour des Pays-Bas. Le groupe coréen demandait que soient interdits dans le pays l'import et la vente d'iPhone et d'iPad en version 3G. En cause, l'utilisation par Apple d'émetteurs-récepteurs 3G sans versement de royalties. Ces composants contenant des technologies de Samsung. Une procédure similaire est en cours en France depuis le 8 juillet, sur des brevets relatifs aussi à la 3G, ainsi qu'aux États-Unis. Le coeur des débats a toutefois porté sur des questions de licences de technologies Samsung à Apple. Le premier accusant le second de les utiliser indûment et sans contreparties.

À un moment du débat, l'avocat d'Apple a laissé échapper une information confidentielle. Samsung exige pour chacun des quatre brevets incriminés, des royalties à hauteur de 2,4% du prix du composant concerné. Apple devrait donc payer 9,6% de royalties en plus du coût de ces puces, et ce pour chaque iPhone et iPad 3G vendu. Elle juge la note salée et que ce total ne devrait pas dépasser les 5%. D'après des estimations d'iSuppli reprises par le Wall Street Journal, Intel qui fabrique ces puces sous licence les vend pour environ 12$ à Apple.

Pourcentage trop élevé
Entre ce pourcentage demandé par Samsung qui s'élèverait à 1,15$ par unité, les quelque 80 millions d'iPhone attendus en 2011 et les iPad 3G (Apple ne donne par de chiffres de ventes spécifiques à ce modèle), Samsung percevrait pas loin de 100 millions de dollars de royalties (73 millions d'euros). Ceci en plus de ce qu'il vend déjà à Apple, par exemple la mémoire flash et ce qui a trait au processeur principal.

L'avocat d'Apple a estimé que l'exigence de Samsung était tout “ simplement excessive » et que le coréen abusait de sa contribution à la définition du standard 3G. Apple a sorti la carte des conditions FRAND (fair, reasonable et non-discriminatory / équitables, raisonnables et non discriminatoires), qui permettent aux acteurs d'une industrie d'obtenir une licence à des tarifs justes de technologies incluses dans un standard. Apple estime que Samsung ne peut d'un côté contribuer au pot commun d'un standard et plus tard chercher à en retirer d'importants bénéfices.

Apple a parlé « d'hold-up » et plus tard d'une politique « d'embuscade sur les brevets ». Samsung est accusé d'avoir activement participé à la définition du standard UMTS tout en dissimulant le fait qu'il avait breveté les technologies proposées. Aujourd'hui, alors qu'elles sont devenues essentielles, il chercherait à obtenir de fortes royalties. Apple a cité en exemple le cas de Rambus qui avait utilisé cette tactique dans les années 90, sur le marché de la mémoire. Cela s'était terminé par un arrangement avec la Commission européenne qui avait imposé à Rambus de revoir ses conditions de licence. Pour Apple la demande de Samsung d'interdire ses matériels est la manifestation d'un abus de pouvoir et est illégale.

Samsung a contesté cette interprétation, expliquant que ses brevets étaient parfaitement connus en 2008, date à laquelle l'iPhone a pris son envol aux Pays-Bas. Qu'il aurait également proposé à Apple de prendre une licence de ses technologies, soit en totalité soit les brevets essentiels, à des coûts raisonnables. Ce à quoi Apple a rétorqué qu'ils n'étaient ni amicaux ni raisonnables.

Le cas des fournisseurs

Autre point soulevé, Apple a expliqué qu'elle achetait ses composants chez Intel et Infineon (devenu propriété du premier en janvier dernier) et qu'en l'occurrence elle n'avait pas à payer de licences puisqu'Intel le faisait déjà. Ce qui peut expliquer aujourd'hui, rappelle 9to5Mac, pourquoi Steve Jobs s'était déclaré « heureux » de cette opération (lire Infineon : le patron d'Intel aurait consulté Steve Jobs).

Samsung a rétorqué qu'avant ce rachat les puces d'Infineon n'incluaient pas de licence pour ses brevets. Apple les aurait donc utilisées dans ses iPhone vendus aux Pays-Bas sans licence. Apple aurait également une dizaine de fournisseurs et elle se garderait de donner leurs noms pour ne pas soulever d'autres questions autour de ces licences.

Apple a démenti, réaffirmant qu'elle ne s'approvisionnait que chez Intel, et ajouté que Samsung n'avait pas amené sur la table cette question des licences avant 2010, car le Californien était un très important client. D'après le Guardian Apple aurait pesé en 2010 pour 4% des ventes de composants de Samsung.

Apple a également affirmé que le groupe coréen avait modifié ses contrats avec Qualcomm de manière à ce que les puces (dans les iPhone et iPad CDMA distribués par l'opérateur Verizon) vendues à Apple ne soient pas couvertes par les licences de brevets Samsung. Une démarche interdite selon les conditions FRAND. La décision du juge face à ces questions de licences sera donnée le 14 octobre.

Ajustements d'interface

En parallèle, Samsung a corrigé quelques éléments d'interface sur trois téléphones menacés d'une interdiction de ventes aux Pays-Bas à partir de la mi-octobre. Le journaliste Andreas Udo de Haes qui suit l'affaire à La Haye et qui a twitté l'essentiel des débats d'hier, a appris d'un représentant de Samsung qu'une mise à jour dans l'interface des téléphones Samsung était en train d'être déployée. Samsung a retiré l'effet de rebond que l'on a sur iOS lorsqu'on arrive au début ou à la fin d'une liste. Android ne la propose pas par défaut, lui préférant un effet de halo, mais Samsung l'avait repris d'Apple et glissé dans ses terminaux.

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