Travailler pour Apple : passion, secrets, et frustration

Anthony Nelzin-Santos |
On parle souvent de la culture de l'entreprise Apple à partir de bribes glanées çà et là. Les témoignages de Chad Little de Facebook et Justin Maxwell de Mint, deux anciens employés d'Apple qui se sont confiés à Quora, aident à mieux saisir ce que signifie travailler pour Apple.

« Si vous êtes sur un projet sur lequel ne travaille pas Steve [Jobs], la moindre avancée va prendre des mois de réunions. Mais si Steve veut qu'il soit bouclé, alors le projet va être bouclé plus vite que ce tout le monde pense être humainement possible. La meilleure façon de mener à bien un projet mobilisant plusieurs départements est de dire que c'est pour Steve, et vous l'aurez le jour même », explique ainsi Little.

S'il peut donc être frustrant de travailler pour Apple, travailler sur un projet considéré comme prioritaire est par contre intense : « Apple est une de ces sociétés dans lesquelles les gens travaillent avec un niveau quasi-religieux d'investissement ». Il poursuit en expliquant que les employés Apple « pensent vraiment qu'ils changent le monde avec ce qu'ils font ».

Cette implication totale se retrouve dans la culture du secret d'Apple : « ce ne sont pas que des règles, c'est le travail lui-même », explique Maxwell, signifiant par là que pour les employés Apple, ce secret devient une seconde nature. « Les mesures prises par Apple pour protéger son environnement intellectuel et créatif sont sans précédent dans la Silicon Valley […] elles s'étendent aux blogs, aux conversations, à ce que l'on raconte à nos épouses. La plupart des gens comprennent et respectent [cette culture du secret] ».

Il poursuit : « si j'étais encore chez Apple, je ne répondrais pas à cette question, et je ne me sentirais pas frustré de ne pas pouvoir le faire… L'idée générale est la suivante : vous êtes partie prenante de quelque chose de plus grand que vous. Les idées que vous échangez dans le couloir, l'astuce que vous trouvez en CSS, la technique de fabrication unibody, sont une partie de votre travail ». Un travail que l'on fait certes pour avoir sa paye, mais aussi « pour le succès d'Apple, pas pour satisfaire son ego sur un blog ». Bref : parce que les employés d'Apple sont sous le coup du champ de distorsion de la réalité (et quand même parce que leur travail doit être sacrément prenant), ils respectent la culture du secret comme un credo.

Un article du New York Times était revenu sur les conditions de travail des employés Apple tenus à respecter ce secret, avec au menu voiles noirs sur les produits et lumières rouges dans les couloirs (lire : Apple et le culte du secret). Un article qui allait peut-être peu loin, selon un ancien ingénieur d'Apple qui nous avait expliqué que le secret était total, mais ne virait pas non plus à la folie (lire : À propos des lumières rouges des labos d'Apple).

L'aboutissement logique de ce travail est la sortie du produit, souvent lors de présentations publiques, qui procurent « certainement le sentiment le plus puissant que l'on peut avoir en travaillant chez Apple ». Mais les bénéfices associés sont parfois maigres : la cafétéria comme la salle de gym du campus de Cupertino sont payantes. À un employé qui le lui faisait remarquer, Steve Jobs aurait simplement répondu : « c'est mon boulot de faire en sorte que vos stock-options prennent de la valeur pour que vous puissiez vous payer ce genre de choses ».
Accédez aux commentaires de l'article