ARM v9 : coup d'envoi des processeurs des dix prochaines années

Nicolas Furno |

Ce n’est pas tous les jours qu’ARM présente une nouvelle version de son architecture processeur, qui est utilisée par toutes les puces mobiles, mais aussi par de plus en plus d'ordinateurs. De fait, l’actuelle ARMv8 fêtera son dixième anniversaire à l’automne, puisqu’elle avait été présentée officiellement en octobre 2011. Dix ans plus tard, place à ARMv9, une évolution majeure qui doit servir pour la décennie à venir et qui devrait commencer à être utilisée dans des produits dès le début de l’année prochaine.

Image ARM.

La grosse nouveauté d’ARMv8 était le passage au 64 bits et c’était un changement significatif et profond. Il n’y a rien d’aussi spectaculaire pour ARMv9, mais l’entreprise s’est concentrée sur plusieurs axes de travail et en particulier la sécurité et l’intelligence artificielle. Commençons par la sécurité, qui est devenue un enjeu essentiel pour les processeurs depuis la découverte des failles Spectre et Meltdown découvertes il y a plus de trois ans désormais.

Pour rappel, ces failles touchaient principalement les processeurs Intel, mais plusieurs concepts exploités par les chercheurs en sécurité sont applicables à tous les processeurs, y compris ceux qui reposent sur l’architecture ARM. Ces attaques permettent, pour faire simple, d’accéder à des informations qui sont traitées par le processeur et qui ne devraient pas être accessibles par une app malveillante. Même si les processeurs ARM sont moins touchés dans les faits, ils restent en théorie des cibles potentielles.

Pour contrecarrer ce type d’attaques, l’entreprise a imaginé un nouveau dispositif nommé CCA, pour Confidential Compute Architecture. L’idée est d’isoler dans des conteneurs fermés, nommés « realms » (royaumes) par ARM, une app ou une partie d’une app. L’un des domaines d’application ne concerne pas les smartphones, mais les serveurs qui ont eux aussi commencé à adopter ARM. Les serveurs sont souvent utilisés pour faire tourner plusieurs sites ou services en parallèle avec un système de virtualisation. Grâce à CCA, chaque machine virtuelle pourrait être mieux sécurisée dans son royaume séparé des autres.

Illustration de l’un des bénéfices du CCA par ARM : ici, chaque machine virtuelle pourrait être isolée dans son royaume. La couche de virtualisation représentée aujourd’hui par l’Hypervisor serait gérée par le processeur lui-même (image ARM).

ARM doit encore détailler le fonctionnement précis de cette nouvelle architecture, mais c’est un projet ambitieux pour limiter les nouvelles attaques qui se sont multipliées ces dernières années. Cela limiterait aussi l’impact du système d’exploitation, puisqu’un royaume sécurisé serait suffisamment isolé de l’OS pour ne pas souffrir d’une faille à ce niveau. Sur le papier, c’est une idée séduisante qui intéressera probablement Apple, même si la fonction a clairement été pensée avec les conteneurs des serveurs en tête.

L’intelligence artificielle est aussi devenu un domaine essentiel ces dernières années et les systèmes sur puce d’Apple et de ses concurrents misent toujours davantage dessus. ARM suit la tendance avec plusieurs nouveautés en la matière, la plus importante étant l’introduction de SVE2, la deuxième génération de sa technologie Scalable Vector Extension. Les détails techniques seront vite incompréhensibles pour la majorité d’entre nous et je vous renvoie à l’analyse d’AnandTech si vous voulez le détail. Pour simplifier, ce changement devrait permettre d’accélérer considérablement les performances en matière d’IA.

SVE a été créé par ARM en partenariat avec Fujitsu pour les besoins spécifiques des supercalculateurs. Le Fukagu, supercalculateur japonais le plus puissant au monde, tourne d’ailleurs toujours sur ces processeurs ARM à 48 cœurs, mais c’est toujours le seul cas. D’autres processeurs ARM avec SVE doivent arriver cette année, mais là encore destinés aux serveurs et non aux smartphones. Le choix de SVE2 pour ARMv9 est un signe fort que c’est l’avenir de l’intelligence artificielle dans toutes les puces ARM.

Image ARM.

L’intelligence artificielle est partout… tout comme les processeurs ARM d’ailleurs. Avec sa neuvième génération d’architecture, l’entreprise veut répondre à tous les besoins, de la conduite autonome à la réalité virtuelle ou augmentée, en passant même par la 5G, même si le lien avec l’IA est moins évident. ARM promet aussi des optimisations pour les processus d’apprentissage automatisé (machine-learning) et aussi pour les traitements de signal (DSP) utilisés notamment pour la photographie. Sur tous ces besoins, l’entreprise reste toutefois encore très vague.

Outre la présentation de cette nouvelle architecture, ARM a aussi levé le voile sur les CPU et GPU maison de ces prochaines années. Il faut savoir en effet que l’on peut acquérir une licence et créer son propre processeur comme le fait Apple, mais qu’il est aussi possible d’utiliser un design de référence fourni par ARM. D’ici à deux ans, l’entreprise envisage des performances en hausse de 30 %, soit environ 15 % par génération. C’est assez faible par rapport à ce que l’on a connu ces dernières années et il faudra vérifier si c’est un mouvement général ou si Apple, ou un autre, pourra faire mieux.

ARM a aussi brièvement évoqué les GPU Mali créés en interne. L’information la plus importante dans ce domaine est l’arrivée du ray-tracing, le rendu de la lumière réaliste en temps réel. C’est une nouveauté majeure dans les cartes graphiques dédiées récentes, mais qui est restée jusque-là discrète sur mobile. Cela pourrait changer à terme, mais l’entreprise n’a donné absolument aucun détail et encore moins de date.

Les progrès de performance des CPU ARM seront permis par des améliorations à tous les niveaux : réduction des latences, augmentation des fréquences, de la bande-passante et de la quantité de cache processeur (image ARM).

Apple crée ses propres processeurs pour tous ses produits désormais. L’entreprise utilise ses designs plutôt que ceux fournis clés en mains par ARM, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne bénéficie pas des travaux réalisés par le créateur de l’architecture. On peut ainsi imaginer que la prochaine génération de puces Apple, ou la suivante, adopte l’architecture ARMv9 et bénéficie de ses avantages.

On peut aussi penser que la firme de Cupertino sera en avance sur l’industrie, comme elle l’a été avec ARMv8 et le 64 bits. Quand l’Apple A7 des iPhone 5S a été présenté en octobre 2013, c’était le premier processeur mobile à adopter cette nouvelle architecture et même si d’aucuns ont jugé que c’était un « gadget », tout le monde a suivi aussi vite que possible. Est-ce que l’histoire va se répéter avec cette nouvelle génération ? Réponse peut-être dès cet automne !

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