Firefox s’en va-t-en guerre contre Chrome

Anthony Nelzin-Santos |

Firefox est-il en train de faire son grand retour ? Pour la première fois de l’année, le navigateur web de la fondation Mozilla est repassé au-dessus de la barre des 10 % de parts de marché, selon StatCounter. La lente hémorragie semble stabilisée, et Firefox repart à la conquête de nouveaux utilisateurs, bien servi par les polémiques qui touchent Chrome.

La plus saillante est sans doute celle autour de la publication d’une nouvelle version du Manifest, le document détaillant le fonctionnement des extensions, dont la V3 prévoit un nouveau système compliquant le blocage des contenus. Il n’en fallait pas moins pour provoquer la fronde des concepteurs de bloqueurs de pubs. Même si Google assure ne pas vouloir « empêcher le blocage de contenus », le créateur d’uBlock Origin est encore récemment monté au créneau pour dénoncer le double jeu de la firme de Mountain View :

Pour atteindre la part de marché qu’il possède aujourd’hui, Google Chrome devait prendre en charge les bloqueurs de contenu — ce sont les extensions les plus populaires, quel que soit le navigateur. La stratégie de Google a toujours consisté à trouver le point d’équilibre entre deux objectifs, celui de faire grossir la part de marché de Google Chrome et celui de prévenir les dommages des bloqueurs de contenu sur son modèle économique [NDR : la publicité représente plus de 85 % du chiffre d’affaires de Google].

Les capacités de blocage de l’API webRequest [NDR : qui sera dépréciée avec Manifest V3] ont forcé Google à concéder le contrôle du blocage des contenus aux bloqueurs de contenu. Maintenant que Google Chrome est le navigateur prépondérant, Google est dans une position qui lui permet de remettre en question l’équilibre entre ces deux objectifs, d’une manière qui favorise son activité principale.

La controverse est telle que les éditoriaux critiquant vertement Google — et présentant Firefox comme la seule alternative viable — se multiplient. Une tribune de Kate O’Flaherty, journaliste spécialisée dans la cybersécurité, argüant que Google avait donné « à deux-milliards d’utilisateurs de Chrome une raison de passer à Firefox », est même devenue « virale ». Or Mozilla vient tout juste de publier une page facilitant l’importation des données de Chrome dans Firefox.

De la même manière que la fronde d’une partie des utilisateurs professionnels de machines Apple favorise l’image de marque de Microsoft, le mouvement contre Google favorise Firefox. Soutenir Firefox, c’est lutter contre Google. C’est ainsi que l’on peut voir un ingénieur du projet WebKit, salarié d’Apple, porter un t-shirt aux couleurs du panda roux. Est-ce que cela suffit à séduire de nouveaux utilisateurs ? Rien n’est moins sûr. Firefox a repassé la barre des 10 % de parts de marché, mais on ne peut pas encore parler de comeback.

Accédez aux commentaires de l'article