Fin de la neutralité du net aux États-Unis : quel impact en France et en Europe ?

Mickaël Bazoge |

La neutralité du net est enterrée aux États-Unis. La FCC (Federal Communications Commission) présidée par Ajit Pai a voté par 3 voix pour et 2 voix contre l'enterrement du principe qui garantit un même traitement à toutes les données qui transitent dans les tuyaux des fournisseurs d'accès.

Ajit Pai a été mis en place par l'administration Trump.

L'Open Internet Order avait été mis en place par Barack Obama en 2015. Dans son entreprise de détricotage des législations mises en place par l'administration précédente, le nouveau président américain a donc obtenu ce qu'il voulait. Même si de nombreuses entreprises comme Twitter, Netflix et Apple ont publiquement appelé à la défense de la neutralité du net (lire : Apple défend la neutralité du net).

Qu'est-ce que cela signifie ? Que les fournisseurs d'accès américains n'auront plus les mains liées et qu'ils pourront mettre en place des « voies rapides » qui favoriseront tel ou tel contenu. Beaucoup craignent par exemple que certains services créés par les opérateurs soient favorisés par rapport à d'autres qui n'ont pas le soutien des FAI. Ou pas suffisamment de moyens pour se tailler une plus grosse place dans leurs tuyaux.

Ajit Pai dans ses œuvres : le patron de la FCC a tourné cette vidéo qui liste plusieurs choses que l'on pourra continuer à faire après la fin de la neutralité du net. Une manière de neutraliser le débat par l'humour peu appréciée par ses détracteurs.

Les nouveaux acteurs qui voudraient se lancer à l'assaut de citadelles bien installées n'ont donc plus les mêmes armes pour les concurrencer. Une autre crainte ici est de voir l'innovation américaine se réduire drastiquement. Le président du FCC a avancé qu'après 2015 et l'adoption de la neutralité du net aux États-Unis, l'investissement des FAI avait reculé de 3%. Un chiffre étonnant quand on sait que depuis 2014, les investissements ont bondi de 25% en trois ans en France, un pays pourtant soumis à la neutralité du net.

Sébastien Soriano, le président de l'Arcep, a expliqué dans Le Monde qu'il n'y a aucun lien de causalité entre la neutralité du net et les investissements. En Europe et en France, le principe de la neutralité du net est moins soumis aux politiques partisanes. Le patron de l'Arcep assure d'ailleurs que la décision de la FCC n'aura pas d'impact direct pour le vieux continent. « La neutralité du Net est un régime d’obligations qui s’impose aux fournisseurs d’accès à Internet, qui sont soumis à une régulation nationale et européenne », explique-t-il.

Le patron du régulateur français des télécoms prévient tout de même : « on peut s’attendre à ce que cette décision alimente le discours des opérateurs télécoms européens et français en faveur de la suppression de cette législation ». Avant même le vote de la FCC, le PDG d'Orange a fait entendre sa petite musique : il veut des réseaux différents, des « internets », pour servir des besoins différents.

Voici à quoi pourra ressembler l'internet aux États-Unis si les FAI faisaient n'importe quoi. Cliquer pour agrandir

« Il faudra qu’on soit capables de proposer à l’industrie et aux services des internets avec des fonctionnalités et des puissances différentes, donc des internets avec des qualités de service différentes », a récemment expliqué Stéphane Richard. L'automobile ou les petits objets connectés de la maison n'ont pas besoin du même niveau de qualité, décrivait-il.

Un point de vue qui n'est pas spécialement partagé par Sébastien Soriano qui, toujours dans Le Monde, vilipende certaines pratiques des opérateurs, ceux « qui empêchaient d’utiliser Skype ou le pair-à-pair, qui bloquaient la fonction modem des téléphones ». L'Arcep a d'ailleurs dû remettre des opérateurs à leur place. Globalement, il estime toutefois qu'il n'y a pas de « distorsion majeure de la neutralité du net en France. On est dans un pays dans lequel les opérateurs se sont bien comportés ».

En Europe, des règles concernant la neutralité du net ont été mises en œuvre fin avril 2016 dans le cadre du marché unique numérique.

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