Pour la justice américaine, CarPlay prouve les pratiques anticoncurrentielles d’Apple

Félix Cattafesta |

Ça chauffe pour Apple, attaquée en justice pour pratiques anticoncurrentielles par le gouvernement américain. Dans le document détaillant l’action en justice, différents exemples sont évoqués pour appuyer les accusations : Apple bloque le jeu en streaming sur l’App Store, complique l’utilisation d’une montre connectée tierce, se réserve la puce NFC de l’iPhone… Au milieu de tout cela se trouvent deux accusations liées au domaine de l’automobile. Elles concernent CarPlay ainsi que la fonction « Clé de voiture », qui permet d’ouvrir son véhicule via l’app Cartes.

Pour le département de la Justice des États-Unis, les systèmes de divertissement des véhicules sont un nouveau terrain où Apple étend ses comportements anticoncurrentiels. Le document cite l’arrivée du CarPlay nouvelle génération annoncé en 2022 et qui pourra notamment gérer la climatisation, la position des sièges ou encore les ouvertures du véhicule. Or, il semblerait que le régulateur ne saisisse pas tous les tenants et aboutissants de la technologie d’Apple. Extrait :

Après avoir tiré parti de sa position dominante sur le marché des smartphones pour l'appliquer aux systèmes d'infodivertissement des voitures, Apple a annoncé aux constructeurs automobiles que la prochaine génération d'Apple CarPlay prendra en charge tous les écrans, capteurs et jauges d'une voiture, obligeant ainsi les utilisateurs à vivre une conduite comme une expérience centrée sur l'iPhone s'ils veulent utiliser l'une des fonctions fournies par CarPlay.

Ici aussi, Apple s'appuie sur sa base d'utilisateurs d'iPhone pour exercer un pouvoir accru sur ses partenaires commerciaux, y compris les constructeurs automobiles américains, en matière d'innovation future. En appliquant les mêmes restrictions à CarPlay, Apple verrouille encore davantage le pouvoir de l'iPhone en empêchant le développement d'autres technologies de désintermédiation qui interagissent avec le téléphone, mais qui résident en dehors de l'appareil.

La déclaration est surprenante : jamais un utilisateur n’est obligé d’utiliser CarPlay. The Verge a interrogé Sam Abuelsamid, un expert en logiciels de véhicule qui estime l’argument « trompeur ». En effet, les fabricants ne sont pas obligés de laisser la main à Apple sur chaque écran de leurs autos : ils peuvent limiter l’interface aux écrans qu’ils souhaitent. L’expert rappelle qu’une voiture doit avoir un système standard pour les conducteurs sans smartphone, et qu’il est possible de passer à tout moment sur Android Auto (et vice versa).

Nilay Patel de The Verge estime que l’argument du régulateur est différent. La théorie serait qu’Apple pourrait menacer les fabricants de ne plus proposer CarPlay s’ils n’acceptent pas la version « complète », laissant la main sur les différents aspects du véhicule. L’argument pourrait se valoir, mais encore faudrait-il que le gouvernement américain puisse prouver ce qu’il avance. Récemment, le géant américain GM a décidé d'abandonner CarPlay pour se concentrer sur ses propres services, ce qui met du plomb dans l'aile à la théorie.

GM prétend abandonner CarPlay pour la sécurité de ses clients

Le département de la Justice des États-Unis mentionne également la fonction « Clé de voiture », en développement depuis des années et qui est compatible avec un faible nombre de véhicules. Elle se base sur la puce NFC de l’iPhone et sur la technologie UWB en option. Le régulateur y voit une tentative d'emprisonner l’utilisateur :

Apple a également tenté de saper les technologies multiplateformes, telles que les clés de voiture numériques, d'une manière qui profite à Apple mais qui nuit aux consommateurs. Par exemple, Apple a exigé des développeurs d'ajouter les clés numériques développées pour leurs propres applications à Apple Cartes. Le statut par défaut d'Apple Cartes dirige les utilisateurs vers Apple Cartes plutôt que de permettre à des tiers de présenter des clés de voiture numériques uniquement dans leurs propres applications multiplateformes, ce qui accroît la dépendance à l'égard d'Apple et de l'iPhone chaque fois qu'ils utilisent leur voiture.

La technologie d’Apple repose sur un standard qui n'est pas propriétaire établi par un consortium de fabricants et d’entreprises de la tech. Les marques ont le choix de refuser cette technologie, et l’utilisateur n’a pas le couteau sous la gorge. Il est en revanche vrai que le client doit passer par l’app Cartes, ce qui est peut-être dû à des questions d’infrastructure logicielle (la puce NFC est réservée à Cartes). Les constructeurs automobiles n'ont pas la possibilité d'activer la fonction dans leur propre application en refusant l'app d'Apple. L’argument est plutôt valable tant cette obligation force la main des fabricants tout comme des clients, contraints d’avoir une clé dans Cartes.

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