900 millions d’iPhone, 200 millions d’iPad, et 100 millions de Mac, la bonne santé de l’écosystème Apple

Anthony Nelzin-Santos |

Depuis le premier trimestre de l’année fiscale 2019, Apple ne publie plus les volumes de ventes de ses appareils. Il s’agit de mettre l’accent sur d’autres données, certes moins faciles à comparer d’un trimestre sur l’autre, mais jugées plus pertinentes par la direction d’Apple. Paradoxalement, la firme de Cupertino n’a jamais donné autant d’informations aux analystes et aux journalistes que ce trimestre.

Prenez cette phrase de Luca Maestri : « l’iPhone XR est l’iPhone le plus vendu, suivi par l’iPhone XS Max, puis l’iPhone XS. » Greg Joswiak, vice-président d’Apple responsable du marketing produit, avait déjà prononcé les premiers mots pour mettre fin à des rumeurs infondées. Mais les analystes attendaient ces précisions : ils savent désormais comment faire évoluer leurs modèles, estimer le panier moyen et donc les ventes.

L’iPhone XR, l’iPhone le plus vendu depuis le début du mois de novembre.

L’engouement pour l’iPhone XS Max « compense », au moins partiellement, l’effet du succès de l’iPhone XR sur le panier moyen. S’il s’est maintenu au niveau record de 796,42 dollars établi au T1 2018 et réitéré au T4 2018, alors Apple a vendu 65,2 millions d’iPhone. S’il s’est légèrement replié aux alentours de 780 dollars, alors ce sont 66,5 millions d’iPhone qui ont trouvé preneur pendant les fêtes.

Ces estimations au doigt mouillé seront affinées par les analystes, qui combinent les informations publiques avec leurs propres recherches, dans les semaines qui viennent. Mais elles ne sont probablement pas loin de la vérité : IDC estime qu’Apple a vendu 68,4 millions d’iPhone au quatrième trimestre calendaire de l’année 20181, contre 65,9 millions pour Strategy Analytics.

Une dizaine de millions de moins que l’an dernier, en somme, un ordre de grandeur qui fait consensus parmi les observateurs. Aux aléas trimestriels, Apple oppose la robustesse d’un écosystème construit sur la durée. Luca Maestri a ainsi annoncé — une première — que 900 millions d’iPhone étaient utilisés activement, un chiffre en progression dans les cinq zones géographiques couvertes par la firme à la pomme2.

Le chiffre d’affaires d’Apple, dont l’iPhone est responsables aux deux-tiers.

Le directeur financier d’Apple s’engage à fournir « périodiquement » cette information, qui permettra aux observateurs de glaner quelques informations précieuses sur la dynamique de la « base installée », et d’améliorer leur compréhension du marché de seconde main. En révélant que ce chiffre avait crû de 75 millions d’unités ces douze derniers mois, il annonce en pointillés que la barre du milliard sera bientôt franchie.

Puisque 1 400 millions d’« appareils Apple » sont en circulation, on peut déduire par une simple soustraction que 500 millions d’entre eux ne sont pas (croyez-le ou non) des iPhone. Tim Cook aime rassurer les utilisateurs de Mac : pas question d’abandonner une plateforme qui compte plus de 100 millions d’utilisateurs ! Restent donc 400 millions d’unités à mettre au compte de l’iPad, de l’Apple Watch, et des périphériques plus ou moins accessoires.

Comme de petits Poucets des finances, Tim Cook et Luca Maestri ont passé ces six derniers mois à jeter des miettes chiffrées, une base installée par-ci et des progressions par-là. On en déduit qu’un peu plus d’un milliard de personnes, autrement dit un humain sur sept, possède un appareil Apple. Au moins un tiers en possède plusieurs, ne serait-ce qu’un iPhone et une paire d’AirPods.

Le rêve d’Apple, qui n’est pas encore tout à fait réalité. Image Apple.

Différents appareils, différents clients et différentes manières d’acheter. « Le Mac et l’iPad ont fait de bons résultats dans nos boutiques en ligne et en brique », dit Luca Maestri, les boutiques sont « le premier » canal de distribution du Mac, ajoute Angela Ahrendts. Voilà qui explique que Tim Cook insiste particulièrement sur le repli des subventions opérateurs pour expliquer la baisse des ventes d’iPhone.

Mais à loucher sur les ventes d’iPhone comme sur l’arbre au milieu de la forêt, on ne voit pas que le Mac a tranquillement bouclé un trimestre record. Les nouveaux MacBook Air et Mac mini sont responsables d’un beau rebond des ventes, qui ont progressé d’un peu moins de 9 % en moyenne, et même de plus de 10 % aux États-Unis et en Europe. Selon toute vraisemblance, Apple a vendu plus de 5,3 millions de Mac pendant les fêtes, dont la moitié à d’anciens propriétaires de PC sous Windows.

« Nous avons aussi de bons résultats pour l’iPad », dit un Luca Maestri tout en retenue. Il aurait pu dire « excellents » : on parle d’une progression de près de 17 %, qui confirme le retour de l’iPad au premier plan, après une séquence difficile entre 2014 et 2017. Alors qu’il mentionnait plus particulièrement l’iPad Pro ces derniers trimestres, le directeur financier a cette fois salué « les performances solides à la fois de l’iPad et de l’iPad Pro ».

Image Apple.

Si l’iPad Pro a redonné un sens à la gamme de tablettes d’Apple, l’iPad à 359 € connaît un succès certain, qui maintient le panier moyen sous les 500 dollars. Les trimestres à 20 millions d’unités sont loin, mais Apple n’a certainement pas vendu moins de 14 millions de tablettes pendant les fêtes. Ce n’est pas que l’iPad regagne des couleurs dans un marché des tablettes déprimé, c’est qu’elle est le marché des tablettes à plus de 300 €.

Vous voulez une preuve qu’Apple ne vend pas l’Apple TV à prix coûtant, ni le HomePod à perte ? Le chiffre d’affaires de leur catégorie « fourre-tout » a progressé de 33 %, avec une marge nette moyenne de plus de 30 %. D’accord, la moitié3 du chiffre d’affaires de 7,3 milliards de dollars provient de l’Apple Watch et des AirPods. Mais tout de même, on ne met pas 250 milliards de dollars en banque sans réaliser un minimum de profits. (Ou 20 milliards par trimestre.)

Et encore, cette catégorie ne tourne pas à plein régime. La disponibilité de l’Apple Watch et des AirPods a été fortement « contrainte » pendant les fêtes, et encore aujourd’hui, la production n’arrivant pas à suivre la demande. De la même manière, la marge de progression des services est énorme. Et la direction d’Apple l’assure : elle ne dépend pas, du moins pas uniquement, de la progression des ventes d’appareils.

Cela vous semble contre-intuitif ? C’est normal, d’autant plus maintenant que les coûts afférents au développement des systèmes d’exploitation et des logiciels ne sont plus reportés sur le chiffre d’affaires des appareils, mais comptabilisés parmi les services. Mais souvenez-vous : la base installée n’a gagné « que » 75 millions de membres ces douze derniers mois, une croissance annuelle de 9 % très largement inférieure à celle de 24 % des services.

Apple veut doubler la taille de son activité de services avant 2020. Image Léo Vallet.

Les services progressent moins parce que de nouveaux utilisateurs rejoignent l’écosystème Apple que parce que les utilisateurs actuels utilisent leurs appareils de plus en plus et de plus en plus longtemps. Les différents services d’Apple comptent plus de 360 millions d’abonnés, 120 millions de plus que l’an dernier. Avec le lancement d’une offre dans le domaine de la santé et très probablement d’un service de streaming vidéo, ce chiffre devrait atteindre le demi-milliard en 2020.

En plus de ses propres activités, Apple gagne aussi des centaines de millions de dollars en commissions sur les paiements mobiles et les abonnements des applications. « Plus de 30 000 abonnements » sont disponibles dans l’App Store, explique Luca Maestri, « et les plus populaires ne représentent que 0,3 % du chiffre d’affaires total de nos services. » L’intérêt financier d’Apple est évident : aucune autre ligne comptable n’est aussi lucrative.

Apple dégage une marge brute de 37,9 %, un chiffre qui tombe à 23,68 % après impôts et autres dépenses. Mais pour la première fois ce trimestre, Apple a détaillé la marge brute des appareils d’un côté et des services de l’autre. La conclusion ? Si elle réalise une marge brute moyenne déjà très confortable de 34 % sur le matériel, elle dégage 63 % de marge brute sur les services. S’il fallait encore justifier l’intérêt de Tim Cook pour les abonnements…


  1. Qui correspond peu ou prou au premier trimestre de l’année fiscale 2019 d’Apple. ↩︎
  2. Amériques, Europe–Moyen-Orient–Afrique, Grande Chine, Japon, Asie-Pacifique. ↩︎
  3. Puisqu’à eux seuls, les appareils « portables » « approchent la taille d’une société du Fortune 200 », le classement des 200 plus grandes entreprises américaines. Aramark, le numéro 200, réalise un chiffre d’affaires annuel de 14,6 milliards de dollars. ↩︎
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