« Apple Prime » : pourquoi pas un abonnement à tout l'écosystème Apple

Florian Innocente |

On connaît Amazon Prime, pourquoi n'y aurait-il pas dans les prochaines années un "Apple Prime" : une formule comprenant matériels et services obtenus et renouvelés à échéances régulières moyennant un abonnement ? C'est l'idée avancée dans le Wall Street Journal par l'analyste Horace Dediu, observateur pointilleux des faits et gestes d'Apple.

« Nous sommes en bonne voie pour atteindre notre objectif de doubler, d'ici 2020, le chiffre d'affaires de 2016 de la branche Services », déclarait Tim Cook ce 1er février, en détaillant les derniers résultats de son entreprise.

Traduit en chiffres, cet objectif reviendrait à générer un CA annuel d'un peu plus de 43 milliards de dollars (35 milliards d'euros) pour ce qui n'est encore qu'une fraction de l'activité d'Apple. Malgré l'importance de la somme, en 2017, ces services n'ont en effet représenté que 13 % de son CA (30 milliards de dollars sur un total de 229 milliards).

Dans le tiroir de ses "services", la Pomme range des choses aussi différentes que la part des 30 % qu'elle prélève sur la vente d'applications et d'In-Apps, la vente des livres, des films et séries, de la musique sur iTunes, les abonnements Apple Music, sa part des paiements faits avec Apple Pay, les contrats AppleCare ou encore les formules payantes d'iCloud.

Cela fait deux ans maintenant qu'il ne se passe pas un trimestre sans que Tim Cook n'en souligne leur importance et leur croissance. Parfois c'est toute la communication du trimestre fiscal qui se voit résumée à l'aune des progressions record de ce pan d'activité.

Ces services profitent à plein de l'augmentation régulière du nombre d'utilisateurs des produits Apple à travers le monde. Il y a un an, Tim Cook annonçait 150 millions de clients facturés pour des formules d'abonnement. Il s'agissait aussi bien d'offres Apple que celles de tierces parties dont elle tire un bénéfice par ricochet, en prélevant sa dîme. Fin janvier, le compteur a bondi à 250 millions de souscripteurs : 100 millions de mieux en seulement un an, ce serait déjà joli pour un service gratuit mais on parle de prestations payantes…

Mieux, la marge de progression est confortable si l'on considère que Tim Cook donnait aussi le chiffre de 1,3 milliard d'appareils Apple en service dans le monde (« 30 % de mieux en deux ans »). Chaque jour apporte son renfort de nouveaux clients : ainsi 60 % des Mac écoulés au précédent trimestre l'ont été à des nouveaux venus (un ratio porté à 90 % en Chine). Des débutants qui seront naturellement en demande de services et de contenus (dans le même temps, Apple continue d'étendre son programme AppleCare+ pour le Mac, comme elle le fait déjà pour les iPhone/iPad).

Les AirPods et le HomePod, pour ne citer que ces produits récents, servent la cause des plateformes de contenus d'Apple. L'un comme l'autre sont utilisables avec des services musicaux concurrents mais l'enceinte conduira plus naturellement son propriétaire vers un abonnement Apple Music (et inversement, un abonnement Apple Music facilitera le choix d'un HomePod). C'est toute la beauté de la chose, ces services n'existent que par la grâce des matériels et logiciels de la Pomme et plus elle ouvre l'éventail de ses produits plus elle renforce l'attrait pour tout ce qui peut les remplir et les accompagner.

Pour résumer : les services ne sont plus une distraction dans la comptabilité d'Apple, ils lui permettent de compenser la saisonnalité des ventes de matériels et la tendance de certains clients à ne plus changer aussi souvent, qui sa tablette, qui son téléphone, qui son ordinateur. Une rétention qui risque d'aller en augmentant si les prix poursuivent leur ascension comme ce fut le cas cette année avec les iPhone.

Apple, d'ailleurs, n'administre pas cette potion de l'abonnement à elle seule. Lorsque des éditeurs sur l'App Store lui ont réclamé un système de mises à jour payantes pour leurs apps, Apple a fini par leur répondre, à l'été 2016, mais en les poussant vers le principe de formules d'abonnement.

La raison est évidente : l'abonnement est synonyme de récurrence dans les rentrées d'argent et il assure une certaine visibilité sur le moyen/long-terme. Microsoft avec Office 365 et Adobe avec son Creative Cloud ne diront pas le contraire, surtout le second qui n'a guère donné le choix à ses clients et ne s'en porte pas plus mal depuis.

Ce qui amène Horace Dediu à la suggestion d'un abonnement géant — un "Apple Prime" (en référence à Amazon Prime aux États-Unis) — dans lequel Apple glisserait du Mac, de l'iPhone, de l'iPad, de l'Apple Watch, des abonnements audio et vidéo, de l'AppleCare et ainsi de suite. "Apple Prime" donnerait accès à des contenus et les matériels pourraient être renouvelés au bout d'un temps donné, sans frais conséquents.

Apple possède déjà un embryon d'une telle offre avec son iPhone Upgrade Program aux États-Unis. Cela ne concerne toutefois que le téléphone et sa garantie AppleCare+. On paye tous les mois pendant deux ans (avec un taux à 0%) pour un nouvel iPhone accompagné d'une assurance. Au bout de l'équivalent de 12 mois de paiements on peut échanger cet iPhone contre le nouveau modèle du moment et repartir pour un tour (pour la bonne bouche on rappellera cette offre éphémère d'Orange en 2006, avec la location d'un MacBook adossée à un abonnement haut débit et un iPod shuffle en cadeau bonus).

Quoi mettre dans cette hypothétique formule d'abonnement ? Combien la facturer ? Et pourquoi une seule et pas plusieurs avec des profils selon qu'on est plutôt Mac, plutôt iPad… Est-ce seulement faisable ? C'est un autre débat.

Une chose au moins est certaine, Apple a constitué un écosystème mondial, volumineux par sa taille et riche par ce qu'il concentre de matériels, de logiciels, de plateformes et de prestations (en ligne comme en boutiques) qui s'épaulent les uns les autres. Apple peut s'appuyer en outre sur la fidélité d'une clientèle qui renouvelle ses équipements ou en ajoute de nouveaux, petits ou gros, à intervalles réguliers.

Que l'on veuille travailler avec un ordinateur, ou sur une tablette, écouter de la musique, jouer, lire, travailler, regarder un film ou acheter une app d'un autre éditeur… Apple peut répondre présent et son tiroir-caisse se remplir. Elle a toujours quelque chose à vendre et, demain, pourquoi pas à louer aussi aux clients les plus enracinés dans son univers.

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