Pourquoi Apple n'achètera pas Tesla

Mickaël Bazoge |

Apple et Tesla partagent bien des points communs : même sens de l'innovation, même volonté de bousculer des marchés, des leaders charismatiques… Tesla n'hésite pas à puiser dans le vivier d'Apple pour garnir ses équipes (lire : Tesla débauche à la tête de l'équipe Mac), tandis qu'Apple, partie à la chasse aux nouveaux secteurs d'activité, s'intéresse à l'automobile — CarPlay l'a encore démontré en début d'année.

Il n'en fallait guère plus pour que la rumeur d'un rapprochement entre les constructeurs automobile et informatique fasse entendre sa petite musique. De fait, en février, Elon Musk le patron de Tesla avait confirmé avoir discuté avec Apple, sans s'avancer. Un travail en commun, voire l'acquisition pure et simple de Tesla par la Pomme a du sens d'un point de vue technologique — tandis que Google a une longueur d'avance avec son véhicule autonome (lire : Google a créé sa première voiture autonome).

Apple a prouvé qu'elle pouvait aussi jouer du carnet de chèques pour s'offrir des entreprises plus importantes que les petites start-up habituelles, comme elle l'a démontré avec Beats. Cela ne manquera pas de relancer les spéculations sur d'autres acquisitions de grande ampleur, comme plusieurs analystes et investisseurs le souhaitent : il y a un an, Carl Icahn, l'« investisseur activiste » détenteur d'une part de plus en plus importante d'Apple, avait conseillé au constructeur de Cupertino d'envisager d'avaler Tesla.

Elon Musk, est aussi le patron de SpaceX (transport spatial). Il a inspiré le personnage de Tony Stark dans les films Iron Man…

Mais une décision récente d'Elon Musk montre que l'affaire est bien loin d'être faite. En annonçant la semaine dernière que toutes les innovations brevetées de Tesla sont désormais disponibles gratuitement et sans contrainte à tous ceux qui le souhaitent (concurrence y compris), Musk a automatiquement dévalué la valeur de son entreprise. Avec une propriété intellectuelle de Tesla ne valant plus « rien », cela rend la société certes plus facile à racheter puisque moins chère. Or, ce sont les innovations exclusives qui permettent à Apple de proposer des produits premium, et l'histoire récente a prouvé à de nombreuses reprises que la Pomme entend défendre vigoureusement ses brevets. Ces deux philosophies auront bien du mal à cohabiter si d'aventure Apple achetait Tesla.

Cependant, le marché de l'automobile est bien différent de celui des produits informatiques. Il nécessite des investissements massifs qui vont bien au-delà de la recherche & développement; même en mettant à profit les brevets de Tesla, il restera aux constructeurs concurrents le financement du développement, de la production, de la distribution, du marketing et de la vente de voitures… et dans ce secteur, les marges sont bien plus faibles que les quelques 40% d'Apple. Elon Musk n'ayant pas fait mystère de sa volonté de concevoir et vendre des véhicules électriques plus abordables, Apple nourrit-t-elle réellement l'envie de financer une telle aventure ?

Les véhicules de Tesla intègrent un écran tactile (17 pouces sur la Model S) qui fait office de tableau de bord et de système de divertissement.

Enfin, les lancements de CarPlay et de HomeKit ont prouvé qu'Apple n'avait pas toujours l'ambition de lancer des produits concurrents à ceux déjà existants : ces deux plateformes dédiées à l'automobile et à la domotique ont pour vocation de lier les produits concernés avec l'écosystème iOS. Le fantasme d'une iCar a-t-il vécu ?

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