Apple v Samsung : la peur d'Android

Mickaël Bazoge |

Le procès entre Apple et Samsung se poursuit à San José, en Californie. Apple réclame 2 milliards de dollars à son concurrent, accusé d'avoir enfreint cinq brevets dans des smartphones et tablettes Galaxy récents. Samsung n'est pas en reste, puisqu'il maintient qu'Apple a enfreint deux brevets (mais la marque ne réclame que 6,9 millions de dollars, lire : Apple v Samsung : quand Jobs appelait à la Guerre sainte contre Google).

L'inquiétude de Phil Schiller

Lors de la présentation succincte de son argumentaire devant le jury nouvellement formé, Samsung avait annoncé qu'il produirait des documents prouvant la grande nervosité d'Apple face aux produits Android et Galaxy qui inondaient le marché. Phil Schiller, qui témoignait de nouveau hier, est passé sur le grill des questions des avocats de Samsung - le vice-président en charge du marketing a ainsi fait part de son inquiétude concernant la campagne de pub « The Next Big Thing » qui caricaturait les fans d'Apple dans les files d'attente de ses boutiques. Dans un courriel qui pointait vers un article du Wall Street Journal de janvier 2013 (« Apple a t-elle perdu son "cool" en faveur de Samsung ? »), Phil Schiller s'interrogeait : « Nous avons beaucoup de travail pour renverser la situation ». Schiller a aussi demandé à Tim Cook d'envisager de changer d'agence de pub.

Après avoir vu le spot de Samsung diffusé durant le SuperBowl (vidéo ci-dessus), Schiller a estimé que la pub était plutôt bonne. « Je ne peux pas m'empêcher de penser que "ces gars le sentent bien" (comme un athlète qui ne peut rien manquer parce qu'il est dans la "zone") »; le VP rajoute que du côté d'Apple, on rencontre des difficultés pour positionner l'iPhone. « Quelque chose de drastique doit être changé. Et rapidement », s'inquiète t-il. Quelques mois plus tard, Apple lançait une campagne d'image « Designed by Apple in California », qui n'a pas eu le même impact que celle de Samsung.

Devant la charge de Samsung, Phil Schiller s'est défendu en expliquant que sa frustration était le fait d'un tout, pas d'une campagne de pub en particulier. Et en ce qui concerne le courriel du Wall Street Journal, son commentaire se destinait surtout au… journaliste.

Android : des dépenses marketing « obscènes »

Samsung a également produit des discussions provenant de l'équipe des ventes d'Apple. Dans un de ses e-mails destinés à préparer une réunion autour des résultats de l'année fiscale 2014, on peut lire : « Les concurrents ont considérablement amélioré leur matériel et dans certains cas, leurs écosystèmes ». Ce document contenait aussi des chiffres sur la croissance dans le secteur de la téléphonie, où ce sont les terminaux à large écran ou les mobiles à moins de 300$ qui connaissent la plus forte croissance - deux segments où l'iPhone est notablement absent.

Certains membres de ces équipes déplorent également les dépenses marketing des constructeurs de smartphones Android « obscènes », et les opérateurs qui ont tout intérêt à limiter les ventes d'iPhone à cause, entre autres, des fortes subventions sur le terminal. Phil Schiller a assuré de son désaccord avec la grande partie de ce document présenté en cour, qui ne représente pas la politique d'Apple, rapporte Re/code.

La simplicité, c'est difficile

Greg Christie, un des ingénieurs en charge du logiciel pour iPhone, a également témoigné hier. Il a notamment détaillé la fonction « Glisser pour déverrouiller », qu'Apple accuse Samsung d'avoir copié. Apple souhaitait que l'écran de l'iPhone soit toujours allumé, ce qui s'est vite révélé impossible, à moins de sacrifier l'autonomie. C'est ce qui a poussé le constructeur à développer cette fameuse réglette de déverrouillage - un élément d'importance puisque c'est la fonction qu'un utilisateur d'iPhone voit le plus souvent.

Plus généralement, le développement de la partie logicielle de l'iPhone a été douloureux : il fallait que l'utilisation de l'appareil soit le plus simple possible. Apple garde continuellement à l'esprit que « les gens normaux -les gens qui ont mieux à faire de leur vie que d'apprendre comment un ordinateur peut fonctionner- utilisent le produit aussi bien que nous ». Et cela nécessite un énorme travail, que Samsung n'a pas eu à faire étant donné sa tendance à la copie, a accusé celui qui a commencé à bûcher sur le sujet dès 2004 avec Scott Forstall. Le développement de l'iPhone a duré des années et nécessité un lourd investissement de la part d'Apple - un investissement dont Samsung se serait affranchi.

Greg Christie a récemment partagé avec le Wall Street Journal quelques anecdotes sur la création de l'iPhone originel (lire : Des anecdotes sur la création du premier iPhone).

Accédez aux commentaires de l'article