Google, Apple, Facebook, Amazon : vers une taxe à la bande passante ?

Anthony Nelzin-Santos |

Difficile à mettre en place, le projet d'une taxe sur les données personnelles aurait fait long feu. Pour « rétablir l’égalité devant l’impôt » dans le domaine de l’économie numérique — autrement dit pour taxer les géants américains du web —, Fleur Pellerin évoque maintenant la piste d’une taxe au clic ou d’une taxe sur la bande passante.



L’idée d’une taxe sur les données personnelles ne manquait pas d’intérêt : elle permettait de créer de nouvelles ressources fiscales tout en incitant les géants du web à être plus responsables dans leurs pratiques de collecte des données. Le rapport Collin et Colin sur la fiscalité du numérique ne prévoyait néanmoins pas de solutions pour la mettre en place — ou plutôt il ne prévoyait pas de solutions réalistes, la mise en place d’une procédure de deep paquet inspection pour analyser le contenu des communications étant parfaitement invraisemblable.



En lieu et place, donc, la ministre déléguée à l’Économique numérique explore d’autres pistes. Une éventuelle taxe au clic créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait, par exemple en pesant sur les revenus publicitaires des éditeurs de presse… que l’on a « sauvé » en renforçant leur dépendance à ces revenus. Selon Numerama, une taxe sur la bande passante serait envisagée de manière plus sérieuse, d'autant qu'elle aurait le soutien de certains opérateurs comme Orange et Free.



En apparence, une telle taxe permettrait de régler élégamment la question des accords de peering : tous les échanges de trafic seraient taxés et l’État pourrait intervenir pour rééquilibrer la forte dissymétrie entre les géants du web exploitant des contenus créés par des tiers et les FAI. Autrement dit, le produit de la taxation de la bande passante consommée par YouTube ou l’App Store pourrait être attribué à un fonds d’investissement dédié aux FAI.



Dans le détail néanmoins, un tel mécanisme rappellerait furieusement le fonctionnement du Minitel. En absorbant le coût de la connexion des utilisateurs à leurs services gratuits, Google, Apple, Facebook et les autres deviendraient de nouveaux 3613. On imagine mal les FAI ne pas reporter le coût de la taxe des échanges entre opérateurs sur leurs clients : ils deviendraient ainsi de nouveaux 3614, l’utilisateur finissant par payer un peu à chaque connexion. Le prix d’entrée sur le marché sera mécaniquement relevé et un acteur établi comme Wikipedia pourrait voir ses frais d’hébergement exploser.



Fleur Pellerin assure ne pas vouloir « pénaliser l’économique numérique », c’est pourtant ce que promettent de telles propositions.

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