Twitter pourrait lâcher la bride des clients tiers

Anthony Nelzin-Santos |

Promis, juré, craché : cette fois, c’est sûr, Twitter va changer. Interrogé par Ben Smith, le rédacteur en chef de Buzzfeed, dans le cadre policé du Twitter News Summit, Jack Dorsey assure qu’il « faut décentraliser Twitter ». Le CEO de Twitter reconnait avoir « retiré trop de fonctions de l’API », et promet « changer cela dès maintenant ». Mais les promesses n’engagent que ceux qui les croient, et le CEO de Twitter est un spécialiste des annonces sans lendemain.

Jack Dorsey interrogé par Ben Smith, le 24 octobre 2019. Image Twitter/Casey Kelbaugh.

En octobre 2015 déjà, Jack Dorsey disait vouloir « avoir une bonne relation avec les développeurs, une relation honnête et ouverte ». Trois ans plus tôt, Twitter avait fortement restreint les possibilités de développement d’un écosystème autour du réseau social, en limitant strictement le nombre d’utilisateurs des clients tiers. Des clients aussi emblématiques que Twitterrific, qui a tout de même donné à Twitter son oiseau bleu, ont senti le tapis se dérober sous leurs pieds.

La « relation ouverte et honnête » s’est transformée en conflit larvé, qui a explosé trois ans plus tard, lorsque Twitter a fermé un peu plus les vannes. Depuis, les clients Twitter ne peuvent plus se rafraichir en temps réel, et ne peuvent plus créer de nouveaux usages sans violer les conditions d’utilisation de l’API du réseau social. Leur seul intérêt est d’afficher les tweets dans l’ordre de leur publication et sans publicités, contrairement au client officiel.

À l’occasion du Twitter News Summit, Jack Dorsey a vertement critiqué le discours de Mark Zuckerberg à l’université de Georgetown, où le CEO de Facebook a réécrit l’histoire en présentant la création de son réseau comme une réaction à la seconde guerre du Golfe. Alors que Facebook refuse d’interdire les publicités politiques, à l’approche de l’élection présidentielle américaine, Dorsey critique la conception de la liberté d’expression de Zuckerberg.

« Nous parlons beaucoup de discours et d’expression, mais nous ne parlons pas assez de portée, nous ne parlons pas d’amplification », explique-t-il, en faisant référence aux conséquences des algorithmes de suggestion. Et en oubliant le rôle joué par Twitter dans l’organisation des réseaux terroristes du fondamentalisme chrétien et dans le communication de Donald Trump, qui viole les conditions d’utilisation du réseau social plusieurs fois par jour, sans la moindre conséquence.

Kamala Harris, sénatrice de la Californie et prétendante à l’investiture démocrate, a interpelé directement le patron de Twitter sur le sujet. « Hey Jack, il est temps de faire quelque chose », disait l’ancienne procureure, en réponse à un tweet de Trump agitant la menace d’une guerre civile. « Aucun utilisateur, quels que soient son emploi, sa richesse ou sa stature, ne devrait être affranchi des conditions d’utilisation de Twitter », ajoutait-elle dans un courrier, « pas même le président des États-Unis ». Twitter continue de se réfugier derrière l’impératif d’« information » des citoyens.

Accédez aux commentaires de l'article