iOS, macOS, watchOS, tvOS, iCloud : où en est Apple ?

Christophe Laporte |

La grande fournée 2016 est arrivée il y a quelques jours. La première remarque que l'on peut faire avant d'évoquer dans le désordre iOS, macOS, watchOS et tvOS ainsi que les deux plates-formes associées que sont iCloud et Siri, c'est qu'Apple est parvenue à tout sortir en temps et en heure sans accroc majeur.

Certes, il y a des bogues ici ou là, mais ce sont des défauts de jeunesse qui seront réglés dans de prochaines mises à jour. Apple a même fait preuve d'une grande réactivité dans le cas d'iOS, dont la version 10.0.2 règle les problèmes les plus enquiquinants de l'iPhone 7.

Chaque plate-forme d'Apple en est à des stades de développement très différents. Les deux extrêmes sont macOS et watchOS. Le premier a peut-être bien l'essentiel de sa carrière derrière lui alors que le deuxième n'en est qu'à ses balbutiements.

watchOS : la maturité ?

Lorsque l'on qualifie un système d'exploitation, le mot maturité est souvent un mot un peu bateau utilisé à tort et à travers. À vrai dire, on ne sait pas si watchOS est totalement arrivé à maturité. Peut-être le sera-t-il lorsque l'Apple Watch aura totalement pris son indépendance de l'iPhone.

Quoi qu'il en soit, on l'a déjà dit, mais il faut vraiment souligner, en un an, Apple a corrigé l'essentiel des reproches que l'on pouvait faire à son système d'exploitation pour sa gamme de montres. Et ce n'était pas une mince affaire.

Le slogan dit tout !

D'ailleurs, si l'Apple Watch est de manière générale en net progrès, on n'est pas loin de penser qu'elle le doit plus aux évolutions logicielles qu'aux avancées matérielles (même si certaines sont très intéressantes) de l'Apple Watch Series 2 (lire notre test de la nouvelle génération).

Alors, beaucoup ont tendance à dire que watchOS 3.0 est la version qu'Apple aurait dû sortir dès le début. À tous ceux là, on rappellera que Rome ne s'est pas faite en un jour et que les grands frères que sont iOS et OS X ont mis beaucoup plus de temps à atteindre ce niveau de raffinement.

Le travail d'Apple derrière watchOS est sans doute sous-estimé. C'est un des plus gros chantiers auquel Apple ait eu affaire depuis les débuts d'iOS. Non seulement les ingénieurs de Cupertino ont dû adapter le système aux fortes contraintes matérielles de l'Apple Watch, mais il a fallu aussi concevoir une interface, un système d'interaction et une logique à un tout nouveau type d'appareil. Faire un système d'exploitation pour un écran de 3,5 pouces n'est déjà pas chose aisée, alors quand celui-ci fait la taille d'un timbre poste...

Si Apple avait bien fait maigrir iOS qui avait servi de base de travail, il y avait encore trop de complexité entre les cadrans, les coups d'œil et l'écran d'applications de watchOS. D'autre part, certains concepts comme Digital Touch étaient probablement trop mis en avant.

En faisant le ménage, en ressuscitant un bon vieux concept de macOS qu'est le Dock, en s'appuyant davantage sur certaines idées propres à watchOS comme les complications, Apple est arrivé à quelque chose de beaucoup plus cohérent et de moins déroutant pour les utilisateurs.

Maintenant, il sera intéressant de voir comment Apple va faire évoluer ce système dans les années à venir. Il pourrait d'ailleurs ne pas se limiter à l'Apple Watch, il se murmure que la firme de Cupertino travaille sur un tracker d'activité.

iOS : vous avez un message

L'informatique est en train de changer à une vitesse fascinante. L'une des nouveautés de watchOS est une application vous invitant à respirer afin d'améliorer votre karma et de rester en bonne santé. Respirer un bon coup, cela fait toujours du bien, après, on pourra s'interroger sur le monde dans lequel on vit, où il faut une application pour vous le rappeler...

Cette mutation de l'outil informatique, on la voit également avec iOS où le gros des nouveautés se concentre autour d'iMessage. Rappelons-le, Apple a toujours eu un savoir-faire dans ce domaine. L'envoi de messages brefs ne date pas d'hier, les utilisateurs d'iChat peuvent en témoigner.

Très rapidement, l'échange de messages a pris une place prépondérante au sein de nos smartphones. On est à la fois très proche de nos bons vieux SMS que l'on envoyait avec parcimonie avant l'avènement des smartphones, mais aussi très loin avec de nouveaux usages qui ont émergé (autocollants, mini apps, bots...).

Conséquence de tout cela, la messagerie instantanée est devenue un enjeu majeur pour les grands acteurs de la high-tech. Pour s'en convaincre, il suffit de voir la somme qu'a mise Facebook sur la table pour acquérir WhatsApp, 16 milliards de dollars. Et dire qu'il y a quelques années, le chèque de 8,56 milliards de dollars de Microsoft pour s'emparer de Skype paraissait démesuré.

Au passage, notez que Redmond qui avait une fois encore toutes les cartes en main (MSN et Skype) pour jouer un rôle majeur dans cet univers apparaît aujourd'hui comme un acteur de seconde zone.

Mais revenons-en à Messages, dont les fonctions et les effets sont tellement riches qu'ils permettent de vider la batterie à vitesse grand V. Peu avant la WWDC, on prêtait à Apple la volonté de porter sa messagerie sur Android. Finalement, elle a fait tout le contraire en la sophistiquant à outrance.

Messages est plus que jamais une application à plusieurs niveaux. Il y a ceux qui s'en serviront comme une bête application permettant d'envoyer des SMS, et ceux qui mèneront des discussions multimédias. Cela paraît étrange à dire, mais il faut passer pas mal de temps avant de maîtriser toutes les fonctionnalités de la version incluse dans iOS 10.

Alors, est-ce que Messages permettra à Apple de vendre plus d'iPhone ? On en doute à vrai dire, mais l'idée est sans doute d'offrir aux utilisateurs un outil complet et fun pour qu'ils évitent de passer sur des plates-formes concurrentes.

Messages est en train de devenir une plate-forme à part entière avec un App Store dédié. Pour Apple, comme pour d'autres, c'est devenu un enjeu stratégique et c'est pour cela qu'elle lui a consacré une bonne partie de son keynote en juin dernier.

Mais ce qui impressionne le plus dans iOS 10, c'est le nombre de nouveautés (il y a un très bon livre sur le sujet). Apple a vraiment amélioré son système à tous les étages. Il y a très peu de pans qui sont restés inchangés. On a tendance à se répéter, mais l'évolution d'iOS en bientôt une décennie est assez exceptionnelle (c'est également vrai d'Android).

L'application Photos est assez représentative de ce qu'est un smartphone en 2016. Photos gagne en intelligence, propose toujours plus d'options pour vous aider à faire de jolis photos (notamment sur les derniers modèles) et devient par la même occasion presque le principal argument de vente de l'iPhone 7 Plus.

Il symbolise également les choix d'Apple sur la vie privée. Tout le travail se fait sur votre terminal. C'est à la fois une bonne et une mauvaise idée. Ceux qui prennent beaucoup de photos ont pu constater au quotidien que l'application Photos est de plus en plus énergivore.

Ce que l'on peut regretter, c'est que dans l'état, Photos ne sait pas synchroniser ses données en local avec un autre terminal iOS ou un Mac. Résultat, chaque appareil doit réanalyser vos clichés. La vie privée plutôt que l’écologie ? Ce qui est d'ailleurs drôle, c'est que si vous avez un Mac, un iPhone et un iPad, chaque jour, vous avez le droit à trois souvenirs différents !

Un autre aspect intéressant d'iOS 10, c'est de voir comment le matériel est en train d'influencer le logiciel. Touch ID étant présent depuis quelque temps sur l'ensemble de la gamme d'iPhone, Apple en a profité pour revoir de fond en comble la sortie de veille.

Fini le glisser pour déverrouiller. Cela a d'ailleurs déstabilisé (temporairement) beaucoup d'utilisateurs. Et c'est vrai que ce geste était emblématique de l'iPhone. On se souvient — presque avec nostalgie — de la bataille judiciaire autour du brevet associé. Puis quelques années plus tard, voilà que ce geste si commun aux utilisateurs d'iPhone passe à la trappe.

3D Touch commence également à devenir incontournable sur iOS. L'utilisation de cette technologie est désormais omniprésente. Je me souviens avoir écrit au moment de la sortie de l'iPhone SE que l'absence de cette technologie ne me dérangeait pas. A l'heure d'iOS 10, je suis bien obligé de revoir ce jugement. Plein de petites fonctionnalités ne sont disponibles que par ce biais. Un exemple parmi tant d'autres : la possibilité d'effacer toutes les notifications du centre de notification avec une simple pression.

Un mot également sur l’interface qui s’adoucit un petit peu avec iOS 10. Apple a pris le temps de gommer certains excès introduits avec iOS 7. Cette cuvée 2016 s’inspire sur certains points de webOS, notamment en matière d’interface. Les appels VoIP qui sont présentés comme un appel standard, cela fait penser aussi à ce que Microsoft fait depuis longtemps avec Windows Phone/Mobile.

Le dernier constat est pour l'iPad. Si certains dispositifs matériels ont eu un impact sur iOS 10, on ne pourra pas en dire autant de certains composants de l'iPad Pro, notamment le Pencil. On a toujours l'impression qu'Apple ne parvient pas à aller au fond des choses pour sa tablette. Espérons que la rumeur de nouvelles fonctions « pro », destinées en particulier à l'Apple Pencil, se concrétise bien l'année prochaine.

macOS : là-haut sur la montagne…

Avec Sierra, macOS est tout en haut. On n'avance pas vite en pleine ascension d'un col. Est-ce pour cela que le système d'exploitation de bureau évolue à pas comptés ?

Avant, les OS d'Apple marchaient par paire. On se souvient du couple Leopard / Snow Leopard et de Lion / Mountain Lion. Là, on a affaire à un triptyque. Cette année, Cupertino a fini le travail entamé difficilement avec Yosemite et poursuivi avec El Capitan.

Vu que c'est la dernière étape du projet, on s'attache donc aux finitions plus qu'au gros œuvre. On aura l'occasion de l'évoquer un peu plus tard, mais avec cette version, Apple poursuit l'intégration de ses deux plates-formes incontournables que sont Siri et iCloud. La première est sans doute à parfaire alors que la seconde arrive vraiment enfin à maturité (si, si…).

Ce graphique réalisé par le développeur Steven Troughton-Smith illustre parfaitement à quel point macOS évolue dans l'ombre d'iOS. Toutes les nouveautés majeures arrivent d'abord sur iOS, puis sont éventuellement adaptées sur Mac.

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Pour en revenir à Messages, la version Mac gère peut-être 70 % des nouveautés incluses dans iOS 10. Gageons que dans la prochaine version de macOS, celui-ci rattrapera son retard.

L'avantage d'une évolution lente, c'est que dès le premier jour, Sierra affiche une bonne stabilité et un niveau solide de performances. Maintenant, on est impatient de voir ce qu'Apple va faire de macOS.

En 2017, il va adopter un nouveau système de fichiers, APFS. Ce n'est pas un changement anodin, des évolutions rendent certains piliers actuels du système comme Time Machine obsolètes. Apple va-t-elle bricoler a minima ou redonner un coup de boost à macOS ? Cela pourrait être le moment. Mais il devrait surtout nous pousser un peu plus vers le cloud.

tvOS : le hobby logiciel d'Apple

Si on était mauvaise langue, on aurait tendance à dire que tvOS est à l'intersection de watchOS et de macOS : un système d'exploitation jeune qui évolue à la vitesse d'un vieux.

Il y a bien sûr quelques nouveautés intéressantes dans tvOS 10, mais rien de bien transcendant. Apple a souvent présenté l'Apple TV comme un hobby, son pendant logiciel ne semble pas faire exception. Au passage, on remarquera qu'il n'y a pas une rumeur, même farfelue (ce qui de nos jours ne manque pas), pour évoquer une révision de l'Apple TV...

L'année dernière, Apple a mis à disposition des développeurs une plate-forme leur permettant de concevoir des apps. Il semble qu'elle soit désormais plus préoccupée à offrir un bouquet de programmes digne de l'Apple TV. Il n'y a qu'à voir comme elle a mis en avant Molotov.

Siri vous suit partout

Il y a à la fois peu et beaucoup à dire sur Siri. L'assistant virtuel d'Apple poursuit sa démocratisation en étant désormais disponible sur Mac. Preuve de l'importance que Siri est en train de prendre, c'est également le moyen choisi par Apple pour piloter les AirPods. Et ce n'est peut-être que le début. Il se murmure qu'Apple travaille sur un appareil autonome que l'on pourrait placer dans le salon ou la cuisine à la manière de l'Echo d'Amazon.

Non seulement Siri est omniprésent, mais il est de plus en plus bavard. Siri s'ouvre petit à petit au monde extérieur et prend en compte certains types d'apps (fitness, services, messagerie…). Et ce n'est sans doute que le début.

iCloud : Apple aura mis le temps

La grande nouveauté de macOS Sierra avec Siri, c’est la synchronisation du bureau et du dossier Documents. Vu le passif d’iCloud, on avait tendance à regarder tout cela avec circonspection. Pourtant, Apple est en progrès constant, notamment en matière de synchronisation. La photothèque iCloud était déjà un bon exemple de ce qu’Apple était capable de faire quand elle le voulait avec le nuage.

Avec le bureau et les documents dans iCloud Drive, Apple passe à la vitesse supérieure. La Pomme veut stocker tous vos fichiers importants dans le nuage, qui devient de fait votre espace de stockage principal.

Plus d’espace sur votre MacBook ? Pas de soucis, macOS se charge de faire le ménage dans vos anciens documents, qui sont toujours gardés bien au chaud dans le nuage. En théorie, cela peut même faire office de sauvegarde.

Sur le papier, l’approche d’Apple est ambitieuse. Elle réduit un peu plus les barrières entre ses différents terminaux. Ce qui est bluffant, c’est qu'en l'état cette fonctionnalité marche incroyablement bien.

L’autre direction très intéressante dans laquelle Apple s’engage, c’est le travail collaboratif. On l’a vu avec Notes, puis plus récemment avec la suite iWork, il est enfin possible de travailler à plusieurs en même temps sur un document, et ce quel que soit l’appareil : Mac, iPad, iPhone ou bien navigateur web. La fonctionnalité est en bêta, mais cela marche déjà bien.

Le mot de la fin

Si l’on devait résumer brièvement les points forts de cette édition 2016, on est surtout impressionné par le trio watchOS, iOS et iCloud. Siri n’est pas loin derrière, mais si on ne le mentionne pas dans ce premier wagon, c’est sûrement parce que le meilleur est à venir.

Que ce soit ce trio qui se détache n’a rien de bien étonnant. C’est là où sont les priorités d’Apple. L’avenir à court ou moyen terme, c’est l’Apple Watch. iOS (et par extension l’iPhone) représente le nerf de la guerre pour Cupertino. Enfin, on le sait, Tim Cook mise de plus en plus sur les services. iCloud est l’une des pièces maitresses de ce dispositif. Après des années et des années d’effort, il est intéressant de voir qu’Apple arrive à faire des choses de plus en plus remarquables. Quand on voit d’où part iCloud…

Reste la question du Mac. Que ce soit sur le plan logiciel ou matériel, le cru 2016 apparait pour le moment comme étant bien terne. Le nouveau système de fichiers APFS permettra-t-il de relancer la machine ?

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