La taxe sur les données personnelles se dessine

Stéphane Moussie |
Pierre Collin, conseiller d'État, et Nicolas Colin, inspecteur des finances, ont rendu leur rapport sur la « fiscalité de l'économie numérique ». Ce document balaye les différents moyens d'imposer les entreprises qui tirent leur revenu sur l'Internet. Sont notamment visés les géants du web, Amazon, Google et consorts qui pratiquent l'optimisation fiscale (lire : Les gouvernements à l'assaut de l'optimisation fiscale).

Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'Économie numérique, a déclaré au journal Le Monde que « les données des citoyens français et européens sont exploitées, à leur insu, outre-Atlantique, et rapportent des centaines de millions de dollars aux géants du Net ! Nous ne pouvons pas continuer à nous laisser piller ainsi éternellement. »

Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'Économie numérique - photo LeWEB CC BY


Une des idées lancées est d'instituer une fiscalité qui « s'appliquerait aux pratiques de collecte, de gestion et d'exploitation commerciale de données personnelles issues d'utilisateurs localisés en France. »

La mission Collin et Colin part du constat que « les données sont le flux essentiel de l’économie numérique », or ces données « sont de plus en plus issues des utilisateurs ». Amazon, Google, Facebook et Apple sont explicitement cités comme des entreprises qui ont su faire levier des données issues de leurs utilisateurs pour atteindre de très grandes échelles. Le rapport différencie néanmoins Apple des trois autres mastodontes :

Apple a adopté une stratégie différente, centrée moins sur la collecte de données que sur la mise à disposition des données personnelles pour les développeurs d’application directement depuis les terminaux des utilisateurs, sans qu’il soit nécessaire de les stocker dans le cloud. Contacts, photographies, listes de lecture musicales d’un utilisateur peuvent être exploités par les applications installées sur le terminal, ce qui justifie en partie le prélèvement de 30% pratiqué par Apple sur l’éventuel chiffre d’affaires réalisé par les opérateurs de ces applications.


En résumé, sans les données des utilisateurs, ces géants ne seraient pas devenus ce qu'ils sont aujourd'hui. Ces données sont donc « la matière première dont l’économie numérique se nourrit », estiment les rapporteurs. Et d'expliquer qu'en faire une matière imposable « permettrait de respecter l’impératif de neutralité [à l'ensemble des modèles d'affaires » et « développer un raisonnement de territorialité fondé sur l’origine géographique des données ».

Plusieurs pistes sont avancées concernant le fonctionnement de cette taxe. Ainsi, celle-ci ne s'appliquerait qu'à partir d'un certain nombre d'utilisateurs (non déterminé pour le moment). « Cette imposition fonctionnerait sous la forme d’un tarif unitaire par utilisateur suivi [...] et pourrait être établie sur une double base déclarative », indique le rapport. C'est-à-dire que les entreprises déclareraient leur nombre d'utilisateurs suivis et un audit externe indépendant serait également mené.

C'est aux ministres concernés (Économie, Redressement productif, Budget et Économie numérique) de décider des suites à donner à ce rapport. Pour l'instant, le gouvernement n'a pas indiqué si cette proposition fera l'objet d'un texte spécifique ou sera intégrée au projet de loi de finances 2014.
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