Brevet sur le design de l'iPad : une arme fatale ?

Stéphane Moussie |
Apple s'est vue attribuer le 6 novembre le brevet D670,286 sur « le design d'un appareil mobile » qui prend la forme d'un rectangle aux coins arrondis et qui donne à voir le premier modèle d'iPad. Ce brevet assez large peut-il servir d'arme thermonucléaire dans les batailles judiciaires que mène Apple ?



Ars Technica relève qu'Apple a en fait déjà usé d'un brevet assez similaire, le D504,889, attribué en 2005, contre Samsung l'année dernière, avec des résultats assez contrastés. Lors d'un jugement préliminaire, la juge Lucy Koh avait statué que la Galaxy Tab 10.1 enfreignait le brevet D504,889. Mais plus tard, le jury a rendu le jugement inverse, indiquant Samsung ne violait pas ce brevet (lire : Californie : une bataille gagnée pour Samsung). Une décision entérinée début octobre (lire : Samsung : la Galaxy Tab 10.1 relâchée, l'iPhone 5 attaqué).

Le brevet D670,286, accordé début novembre 2012, face au D504,889, attribué en 2005. Le brevet le plus récent est plus détaillé et représente fidèlement l'iPad sorti en 2010.


Laure Marino, professeure agrégée des facultés de droit et spécialiste de la propriété intellectuelle, a donné quelques explications sur ce brevet D670,286 dans une interview à ZDNet. « Ce n'est pas un vrai brevet en réalité. Il y a une différence sémantique, mais le "design patent" est exactement l'équivalent de nos dessins et modèles. Ce qui est protégé ici, c'est une forme. [...] Apple n'est pas une exception : il y a énormément de dépôts, et à l'intérieur de ces dépôts, il y en a qui sont corrects », précise-t-elle.

Laure Marino explique ensuite que ce dépôt de design patent s'apparente à « un dépôt de barrage ». « C'est un peu cynique mais c'est la stratégie actuelle. Des grandes entreprises qui en ont les moyens vont créer comme ça des maquis de brevets, ou de dessins et modèles, et tenter d'étouffer la concurrence. » Et d'indiquer qu'Apple ne pourra pas utiliser ce design patent dans les litiges contre Samsung car « pour qu'il y ait contrefaçon, "copie servile", il ne suffit pas de faire des coins arrondis. Il faut les mêmes coins arrondis. Pour être condamné, il faut vraiment reproduire la forme à l'identique. Si c'est un peu différent, il n'y a pas de problème. » Une analyse déjà confirmée par le cas du brevet D504,889 donc.

Florian Mueller de FOSS Patents livre le même raisonnement : « la validité de ce brevet est très discutable. [...] Il est difficile d'imaginer que ce design patent vaste et général soit considéré comme valable par les tribunaux. »
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