Twitter commence à fermer son réseau

Nicolas Furno |
En mars 2011, Twitter annonçait un peu à la surprise générale que les clients tiers n'étaient ni nécessaires, ni désirés (lire : Un pavé dans la mare Twitter). Depuis, on sait que le réseau social souhaite reprendre le contrôle et maîtriser totalement son contenu pour pouvoir le rentabiliser en ajoutant de la publicité. Un peu à la manière de Facebook, le réseau deviendrait fermé sur un site Internet et des clients officiels (lire : Twitter se rêverait en réseau fermé).

Un nouvel article sur le blog dédié aux développeurs vient concrétiser ce qui n'était jusque-là que des suppositions. Michael Sippey, "Director of consumer product" chez Twitter, détaille les nouveautés de l'API 1.1, la brique qui permet aux développeurs de développer des clients ou de construire un outil en se basant sur le réseau.



Avec cette nouvelle version, l'entreprise qui a fondé le réseau social prend le contrôle sur tous ceux qui utilisent ces données. Quelques restrictions inquiètent par leur manque de précision : la règle 3b semble interdire l'intégration de services à un tweet, comme l'ajout d'une URL à un service de lecture différée. La limite la plus directe concerne toutefois le nombre d'utilisateurs : une application est tranquille en dessous de 100 000 utilisateurs. Passé ce chiffre, les concepteurs de l'application doivent maintenant demander au réseau une autorisation spécifique et ils pourront, potentiellement, être bloqués par le réseau.

Les applications actuelles qui ont déjà plus de 100 000 utilisateurs n'ont pas besoin de se conformer à cette nouvelle règle dans un premier temps. Twitter indique toutefois qu'ils devront demander une autorisation à partir du moment où ils auront doublé leur nombre d'utilisateurs. Une fois atteint ce chiffre, l'application fonctionnera normalement pour tous les utilisateurs présents, mais ses développeurs ne pourront plus accepter aucun nouvel utilisateur. L'entreprise pourra malgré tout faire des exceptions, mais ce sera du cas par cas.

Ce chiffre de 100 000 utilisateurs peut paraître important, mais il va gêner de nombreux développeurs. À titre d'exemple, Instapaper (2,39 €) utilise Twitter pour sa fonction de recommandation d'articles et le service dépasse les 100 000 utilisateurs, comme l'explique Marco Arment, son concepteur. Twitter ne veut pas qu'un client ou une application prenne trop d'importance : l'achat de TweetDeck répondait justement à cette envie de garder le contrôle. Cette fois, le réseau s'en prend à tous les clients tiers et les services basés sur ses données, comme le montre ce graphique :



Michael Sippey explique que son entreprise ne veut plus du quart supérieur droit, celui qui correspond aux clients Twitter et aux services comme Storify. Quelques noms sont donnés explicitement, dont celui de Tweetbot (2,39 €), un client iPhone à l'origine qui a connu un gros succès et qui pèse sans doute assez lourd aujourd'hui parmi les clients tiers. Son concepteur ne s'inquiète pas trop pour autant : il faut dire que le nombre d'utilisateurs de son application étant déjà très important, il a le temps de voir venir avant de demander une exception.

L'orientation choisie par Twitter est logique. Le réseau a dépassé depuis longtemps son côté purement geek et ces changements n'auront aucun impact sur les utilisateurs "normaux" qui sont maintenant visés. Le modèle de Facebook est sans doute bon pour quelqu'un qui n'aime pas trop les questions techniques : sur l'ordinateur, il utilisera un navigateur ; sur son téléphone, il aura une application dédiée. L'abandon de l'application Mac Twitter (Gratuit) est dès lors logique : elle n'est plus utile dans ce nouveau modèle. Sans compter que les créateurs du réseau veulent maintenant le rentabiliser et qu'ils ont besoin pour cela d'un contrôle total.


Le client Twitter officiel sur OS X n'a pas été mis à jour depuis le 1er juin 2011.


Ces changements ne plaisent pas aux early-adopters, les premiers abonnés qui ont connu Twitter à une époque où ni les réponses, ni le retweet, ni les tags n'existaient. Le réseau n'a plus besoin d'eux, sa masse est devenue largement suffisante pour s'en passer. Ces utilisateurs trouveront peut-être plus leur compte sur d'autres réseaux, comme app.net qui est un réseau social payant qui entend mettre ses utilisateurs au centre (lire : App.net : un réseau social financé par ses utilisateurs).

Un réseau qui ne restreint aucunement les clients tiers et qui connaît une effervescence un peu folle alors qu'il n'est même pas ouvert publiquement, avec déjà des dizaines d'applications en préparation. Ce réseau ne connaîtra jamais le succès de Twitter — son accès payant sera un frein beaucoup trop important —, mais il adopte une stratégie opposée à celle du réseau social basé sur des messages de 140 caractères. Il sera intéressant de voir jusqu'où un tel modèle peut mener.



L'un des premiers clients iPhone pour app.net : Felix
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