Oracle change son fusil d'épaule face à Google

Arnaud de la Grandière |
Les procès se suivent mais ne se ressemblent pas toujours. Dans la procédure opposant Oracle à Google sur la violation du standard Java par Android, les choses avancent à leur train de sénateur. Au dernier compte-rendu, Oracle demandait de 2,6 à 6 milliards de dommages et intérêts à Google, une somme jugée trop importante par cette dernière (lire Google et Oracle autour d'une table).

Malgré deux échecs répétés face à ces exigences, et les admonestations du Juge Alsup qui considère ces montants comme farfelus, Oracle n'en démord pas. Cependant elle semble changer son fusil d'épaule : alors qu'elle a d'abord axé sa procédure sur la violation de ses brevets, et en second plan le copyright, elle propose au juge d'abandonner la procédure sur les brevets (qui lui a déjà valu d'en voir certains invalidés), pour se concentrer sur le volet du copyright. Elle espère que cette approche lui permettra en contrepartie d'obtenir une procédure devant un jury avant la fin de l'année, bien qu'étonnamment sa propre stratégie n'ait jusqu'ici fait que traîner un peu plus la procédure.

Oracle tient à tout prix à ce que le brouillon d'email d'un salarié de Google soit présenté devant un jury. Cette pièce est particulièrement lourde de conséquences, puisqu'elle souligne que Google avait conscience qu'il lui faudrait obtenir une licence de Java pour Android (lire Google en mauvaise posture face à Oracle). Jusqu'ici la bataille a fait rage sur le plan purement procédural pour décider de la validité de son versement au dossier, les avocats de Google ont tâché tant bien que mal de la faire protéger par le sceau du secret juridique, comme s'il s'agissait d'une communication avec des avocats alors qu'il est ici question d'un brouillon de mail interne.

Oracle souligne que chaque jour qui passe augmente les dommages qu'elle subit, à raison de 700 000 activations d'Android quotidiennes, dont elle estime les retombées financières à 10 millions de dollar par an pour Google, sans compter même l'avantage stratégique pour les autres services de Google, comme Google+ (Oracle souligne également que ces collusions de services ont valu à Google d'être l'objet d'enquêtes anti-trust tant par les régulateurs américains qu'européens). Elle indique également que Sun, titulaire originale des droits sur Java avant son rachat par Oracle, envisageait de s'investir dans le marché des smartphones et qu'Android a mis fin à tout espoir de cet ordre, tout en exploitant indument la propriété de Sun.

Malgré son insistance à en finir le plus vite possible, l'approche d'Oracle n'a fait que repousser le début de la procédure, et son attachement au fameux email ne simplifie pas les choses. Plus encore que des dommages et intérêts, Oracle espère bien obtenir une injonction à l'encontre de Google, ce qui serait une arme bien plus puissante encore d'un point de vue purement stratégique.

Oracle espère obtenir une procédure rapide portant sur son copyright en échange de l'abandon de la procédure portant sur les brevets, mais à en juger par la pugnacité des deux parties, c'est bien loin d'être joué.

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