Concurrence et monopole : Google se défend de trafiquer ses résultats

Anthony Nelzin-Santos |
Google passait cette nuit son grand oral devant une commission parlementaire chargée de la libre concurrence, des monopoles et des droits aux consommateurs. Cette audition au Sénat américain fait suite à une enquête de la FTC sur d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles à l'encontre de Yelp, qui accuse Google de favoriser ses propres services sans tenir compte de leur popularité.



Yelp, dont le fondateur Jeremy Stoppelman est venu témoigner, s'estime lésé par Google : les concurrents frontaux de la firme de Mountain View seraient régulièrement défavorisés face aux services de Google dans les résultats du moteur de recherche du même Google. Un moteur de recherche incontournable : il dispose d'une part de marché de 64,8 % aux États-Unis, contre 16,3 % pour Yahoo! et 14,7 % pour Bing. Google avait échoué à acheter Yelp pour 500 millions de dollars en 2009, et a depuis fait l'acquisition de Zagat dans le même domaine (lire : Avec Zagat, Google renforce son système de recommandations locales).

L'ambiance de cette audition a été quelque peu surréaliste, les sénateurs ayant été particulièrement agressifs et extrêmement documentés. Le sénateur républicain de l'Utah, Mike Lee, a ainsi remarqué que les produits Google avaient une capacité étrange à arriver en troisième position sur un ensemble de mots-clef : « c'est une coïncidence statistique remarquable […] vous trafiquez les résultats ! », accuse-t-il. Embarrassé, Eric Schmidt, président exécutif de Google responsable des relations commerciales et gouvernementales, s'est contenté de répondre : « je vous assure que nous n'avons rien trafiqué ».

« Je vous assure » et pas « je peux vous assurer » : Schmidt a rappelé que l'algorithme de recherche de Google était un secret industriel qu'il ne pouvait pas fournir comme preuve, un algorithme sur lequel aucune intervention humaine ne serait possible (alors que l'on sait très bien que Google le met régulièrement à jour). Selon lui, « la recherche [serait] subjective », il n'y aurait donc pas « de résultats "corrects" pour une recherche » ; Google serait « conçu pour les internautes, pas pour les sites, et quoi que nous fassions, il y aura toujours des sites mécontents de leur positionnement. » Marissa Meyer elle-même, vice-président de Google désormais responsable des services localisés et locaux, avait avoué que Google Maps et Google Finance avaient profité de placements prioritaires dans les résultats de Google Search pour favoriser leur adoption.

« Je vous assure que nous n'avons rien trafiqué. »


Pour prouver sa bonne foi, Schmidt s'est lancé dans un grand plaidoyer : toutes les procédures antitrust lancées contre Google ont été classées, et la société aurait tiré des leçons du cas Microsoft. « Il y a vingt ans, un grand groupe informatique menait une révolution » lance-t-il, « mais cette entreprise a perdu de vue le plus important, et Washington est intervenu ». Pire : Google serait en permanence à deux doigts de l'extinction ! Amazon, Facebook ou Bing, selon Schdmit qui cite divers « commentateurs » pourraient passer devant Google dès 2012. Pas sûr que cela suffise à convaincre, alors que les autorités américaines comme européennes ont Google dans le collimateur.

Google a aussi été entendu sur la recherche mobile : c'est cette fois Susan Creighton qui témoignait pour Google, une habituée des lieux puisqu'elle fut employée par la FTC. Bien qu'Android soit désormais l'OS pour smartphone le plus utilisé, et que Google soit son moteur de recherche par défaut (le seul dans de nombreux cas, Bing dans de très rares cas), deux tiers des recherches mobiles sur Google seraient effectués sur iOS. Creighton a expliqué que Google, Microsoft et Yahoo! avaient enchéri pour devenir le moteur de recherche par défaut d'iOS, et que Google l'avait emporté. L'utilisateur peut toutefois utiliser Yahoo! ou Bing s'il le souhaite.
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