La guerre des codecs vidéo relancée par le MPEG-5 EVC

Stéphane Moussie |

Alors que l'on voyait le codec AV1 se démocratiser tranquillement dans les logiciels et sur les services en ligne, v’là-t’y pas qu'un nouveau codec vidéo vient jouer les trouble-fêtes. Samsung, Huawei et Qualcomm ont annoncé en mai leur soutien au MPEG-5 Essential Video Coding (EVC), une alternative au HEVC/H.265.

Le planning original de l'AV1, qui est majoritairement tenu pour le moment.

Pour y voir plus clair, récapitulons l'état des lieux actuel. Schématiquement, il y a d'un côté Google avec le codec VP9, et de l'autre Apple avec le HEVC/H.265. Cette dissension a une conséquence très concrète pour les utilisateurs : Google utilisant exclusivement le VP9 pour encoder les vidéos en 4K, YouTube n'est pas disponible en 4K pour les utilisateurs de Safari et d'Apple TV, Apple ne gérant pas ce codec.

Mais une issue est en vue : Apple, Google et de nombreux autres poids lourds de l'industrie des technologies et du divertissement (Amazon, Facebook, Microsoft, Samsung, Netflix, Arm, Intel, Nvidia, Adobe…) se sont rassemblés au sein de l'Alliance for Open Media (AOMedia) afin de mettre au point un nouveau codec commun, l'AV1. Ce codec, qui commence à être adopté par les services et logiciels majeurs, est plus optimisé1, open source et gratuit. Avec toutes ces caractéristiques, l'AV1 semblait en bonne voie pour devenir le futur standard universel, mais des bâtons lui ont été mis dans les roues.

Samsung, pourtant promoteur de l'AV1, s'est engagé avec Huawei et Qualcomm à démocratiser le MPEG-5 EVC, qui n'est pas le successeur du HEVC/H.265 (ce sera le VVC/H.266), mais une alternative plus performante (bitrate réduit de 26 % en moyenne ). Le MPEG-5 EVC est censé être plus avantageux que le HEVC/H.265 en matière de licences, sa pierre d'achoppement pour une partie de l'industrie : il sera possible d'utiliser ses fonctionnalités de base sans payer de royalties, mais les fonctions avancées, protégées par des brevets, resteront soumises à des licences payantes.

L'AV1 garde donc l'avantage de la gratuité totale en théorie, mais c'était sans compter sur une entreprise, Sisvel, qui affirme que le codec emploie des brevets (appartenant à Orange, NTT ou encore Philips) qu'elle protège. Sisvel s'est donc mis en tête de faire payer les fabricants qui veulent utiliser l'AV1. Un premier accord de licence a été passé avec Mitsubishi Electric fin mai. Une pratique que goûte peu l'AOMedia, qui estime que cela va à l'encontre des objectifs de l'AV1.


  1. À qualité équivalente, une vidéo encodée en AV1 est 20 % à 30 % plus légère qu'une vidéo HEVC ou VP9. Cela se fait au prix d'une utilisation plus intensive du processeur, mais un décodeur logiciel performant est en développement et une accélération matérielle, synonyme de traitement plus efficace, est prévue pour de prochaines puces.  ↩

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