Décès de Larry Tesler, l'homme qui n'aimait pas les modes

Florian Innocente |

Larry Tesler est décédé ce 17 février à 74 ans. Il compte parmi les pionniers de la recherche sur les interactions homme-machine et l'interface graphique. Ses travaux ont eu des prolongements jusque dans les interfaces actuelles sur ordinateurs et smartphones.

Tesler est passé par le Xerox PARC avant d'aller chez Apple puis Amazon et Yahoo, sans oublier sa contribution à la création d'ARM, le concepteur des processeurs dont les designs sont utilisés aujourd'hui par tous les fabricants de smartphones.

Larry Tesler, 2007. Image : Stephen Woods/(CC BY-NC-SA 2.0)

D'abord réticent à l'idée qu'une souris pouvait rendre plus simple l'utilisation d'un ordinateur, il a changé son fusil d'épaule après avoir fait tester l'accessoire par des utilisateurs lambda. Ce qui l'a amené à s'intéresser à la conception de programmes et de prototypes d'évaluation de logiciels et de leurs interfaces.

Très tôt il a défendu une réflexion à propos d'une interface où l'on réaliserait des actions d'une manière naturelle, sans être obligé d'entrer préalablement dans un "mode". Son credo, affiché jusque sur sa plaque d'immatriculation, était : "NO MODES".

Ces "modes", par exemple pour modifier un texte, s'activaient au moyen de commandes au clavier, avec l'inconvénient, pour des utilisateurs distraits, de se confondre avec la frappe de leur texte. Ou qu'ils ne sachent plus comment sortir de ce mode une fois l'opération effectuée. Il voulait supprimer cette compartimentation entre les actions.

Tesler voulait inverser la logique de progression. Passer du choix d'une action (c'est à dire l'entrée dans un mode) suivie de la sélection du texte à modifier, à un processus où l'on sélectionne le texte dans le document et ensuite seulement on applique l'action. Pas besoin d'activer un mode d'édition pour modifier une ligne, il suffisait de le sélectionner et de taper ses corrections.

Les premières expérimentations avec l'ordinateur Alto du Xerox PARC impliquaient tout de même une certaine gymnastique, comme le montre cette vidéo de 2017, pour le Computer Museum, où Tesler utilise Gypsy, son éditeur de texte de l'époque. Il manipule sa souris, le clavier et un petit piano de commandes pour enchainer les actions.

Mais on remarque qu'une fois un texte copié (et mis de côté dans une zone visible de l'écran, l'ancêtre du Presse-papier) l'utilisateur peut continuer à faire autre chose, comme poursuivre son travail de saisie. Il n'est pas enfermé dans un mode qu'il serait nécessaire de quitter avant de pouvoir faire quoi que ce soit d'autre.

C'est aussi à Tesler et à certains de ses collègues du PARC que l'on doit les avancées sur les notions de couper/copier-coller, ou le principe d'une liste de commandes réunies dans un menu contextuel.

Après la visite d'Apple au PARC, il rejoint Steve Jobs en 1980. Il restera à Cupertino jusqu'en 1997. Il a participé à la création du Lisa, en militant notamment avec Bill Atkinson pour utiliser une souris avec un seul bouton. Il pilota le groupe des recherches avancées (où il a poussé ses équipes dans les domaines du graphisme 3D, de l'animation, de la synthèse vocale), puis il a contribué au chantier du Newton ou encore du réseau eWorld.

De 2001 à 2005 il a travaillé chez Amazon sur l'expérience d'achat, puis il est allé trois ans chez Yahoo où il a encore exercé dans les domaines de l'expérience utilisateur. Entre 2009 et 2020 il exercait à son compte, en tant que consultant.

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