Si tu prends ma place, prends aussi mon handicap

Jean-Baptiste Leheup |

Le 3 décembre est, depuis que l'ONU en a décidé ainsi en 1992, la journée internationale des personnes handicapées. C'est l'occasion de se souvenir d'une détestable habitude qu'avait Steve Jobs.

Celui qui en parle le mieux, c'est Andy Hertzfeld, dans ses mémoires en ligne. Lui, qui était au début des années 1980 l'une des pièces maîtresses de l'équipe du Macintosh, note avec malice que Steve Jobs, assez peu respectueux des règles — et parfois des gens —, semblait considérer que les places pour handicapés, avec leur logo de fauteuil roulant (wheelchair en anglais), étaient sans doute prévues pour le président de l'entreprise (chairman).

À l'époque, Steve Jobs gare donc sa Mercedes sur la place la plus proche de l'entrée, qu'importe qu'elle soit réservée à un autre public. C'est d'ailleurs la meilleure manière de repérer sa voiture, puisque rouler sans plaque d'immatriculation fait partie des autres lubies du personnage.

Pas bien ! Image Cult of Mac

Andy Hertzfeld se souvient d'une petite anecdote qui lui avait été rapportée en 1985, bien qu'il n'en ait pas été directement témoin. Un jour, Jean-Louis Gassée, alors en charge d'Apple Europe, croise Steve Jobs qui sort de sa voiture sur une place bleue, et lance à la cantonade : « Oh, je ne savais pas que ces places étaient réservées aux handicapés émotionnels… » Malheureusement, si tant est que cette phrase ait vraiment été prononcée, on ne connaît pas l'éventuelle réponse (ou la vengeance tardive) de l'intéressé…

Andy Herztfeld raconte également une autre anecdote, qui illustre l'ambiance potache qui régnait alors chez Apple, loin du carcan rigide des grandes entreprises auxquelles elle tenait tête. Pour jouer un mauvais tour à Steve Jobs, Steve Wozniak, l'autre fondateur d'Apple, avait appelé la police pour signaler une Mercedes garée irrégulièrement sur une place réservée. Il avait donné le nom et le numéro de contre-appel d'Andy Hertzfeld. Lors du compte-rendu d'intervention, Hertzfeld avait donc appris, de la bouche de l'officier de police, qu'il n'était pas possible de verbaliser cette Mercedes car les marquages et panneaux n'étaient pas conformes aux règlements en vigueur…

Une Mercedes SL55 AMG. Image Leo Prieto/Tomás Pollak (CC BY-NC-ND)

Quant à l'absence de plaque d'immatriculation, elle s'explique aisément : en Californie, jusqu'en 2019, les acquéreurs de voiture neuve disposaient d'un délai de six mois pour immatriculer leur voiture. Steve Jobs renouvelait donc régulièrement sa Mercedes SL55 AMG et disposait donc toujours d'une voiture sans plaque. Quant à son concessionnaire, il pouvait revendre régulièrement « la » voiture de Steve Jobs !

Accédez aux commentaires de l'article