L’affaire Facebook est-elle une aubaine pour Apple ?

Christophe Laporte |

Facebook a sans doute traversé ces dernières semaines la pire crise de son histoire. Mark Zuckerberg n’a pas dit le contraire, reconnaissant même qu’il faudrait sans doute des années à son groupe pour surmonter la débandade Cambridge Analytica qui s’apparente à une crise d’adolescence.

On le pressentait depuis des mois déjà que la fête concernant les données personnelles touchait à sa fin. Même le grand public, avec ce dicton aussi simpliste qu’expéditif « si c’est gratuit, c’est toi le produit », commençait doucement à s’en rendre compte. L’étendue de l’affaire Cambridge Analytica donne une tout autre ampleur à ce phénomène. Il ne s’agit plus uniquement d’exploitation de données, de matraquage publicitaire et de gros sous, mais du bon fonctionnement de nos démocraties.

Nul doute que dans quelques dizaines ou centaines d’années, on étudiera cette affaire avec intérêt, tant elle montre les enjeux de notre époque. En attendant, pour remettre les choses dans leur contexte, on notera que les déboires de Facebook ont débuté peu de temps avant la mise en place du règlement général sur la protection des données (RGPD). Vue par le prisme d’Apple, cette affaire intervient au moment où les dernières mises à jour de macOS et iOS mettent encore plus en avant sa politique en matière de confidentialité. Cette phrase de Tim Cook résume très bien la position de son groupe : « la vie privée pour nous, c'est un droit de l'Homme, une liberté civile ».

Dans sa communication de crise, Facebook cherche à mouiller ses concurrents en répétant à qui veut l'entendre que ses pratiques sont similaires à celles de Google, Twitter, Amazon ou encore LinkedIn (et donc Microsoft qui en est le propriétaire). Une technique risquée qui n'aura pas pour effet de rassurer le grand public inquiet. Seul Tim Cook a le droit à un traitement de faveur de la part de Mark Zuckerberg, qui pointe du doigt la politique tarifaire d'Apple. Mais à chaque fois, Facebook donne l'impression de taper à côté. Quoi qu’il en soit, les relations entre Apple et Facebook n’ont jamais été simples et cela ne devrait pas contribuer à les améliorer. De manière générale, cette affaire a sans doute dû ajouter un peu de tension entre les stars de la Silicon Valley.

Est-ce qu’au-delà de cette prise de conscience les choses vont réellement changer ? L’avenir nous le dira. Il y a eu le mouvement #deletefacebook.

On trouve d'ailleurs de nombreux guides en ligne pour supprimer son compte Facebook en toute sécurité, comme celui de 1and1 "Supprimer son compte Facebook : définitivement ou temporairement ?". On a également entendu ces derniers jours de pieux discours encourageant les gens à abandonner Google pour d’autres moteurs. Mais qu’en sera-t-il quand le soufflé sera retombé ? En pleine crise de ce type, on promet le pire à l’acteur concerné, mais au final, si tout cela est géré correctement, les choses finissent par entrer dans l’ordre. Le dieselgate n’a pas empêché Volkswagen par exemple d’enregistrer un record de ses ventes en 2017.

Après avoir perdu du terrain en mars, l’action Facebook a commencé à repartir de l’avant depuis quelques semaines.

Ce changement d’ère peut-il profiter à Apple ? Il faut reconnaitre au Californien le fait d’avoir toujours été en pointe en matière de confidentialité des données. Est-ce par calcul politique (quand Google est votre principal concurrent sur le marché des systèmes d’exploitation pour smartphones) ou par choix philosophique ? C’est une autre affaire, même s’il faut reconnaitre qu’Apple n’a que très rarement montré un réel intérêt commercial pour les données. iAd est sans doute la principale exception. Et on ne peut pas dire qu’Apple ait fait part d’un enthousiasme débordant autour de cette activité.

Mais ce positionnement de principe, du moins à court terme, pourrait plus lui coûter que lui rapporter. Car entre le fait qu’Apple se préoccupe de vous en quelque sorte et que Siri est parfois bête comme choux justement à cause des règles drastiques qu’elle s’impose, c’est la deuxième proposition qui pourrait bien faire pencher la balance dans le mauvais sens.

On le voit avec le HomePod par exemple, dont le succès commercial ne serait pas au rendez-vous pour le moment. Et même si Apple peut se targuer d’être le chevalier blanc, le grand public qui aime bien les raccourcis pourrait être tenté de mettre tout le monde dans un même sac et mélanger les polémiques comme celles du respect de la vie privée et de l’optimisation fiscale, qui font de plus en plus fréquemment les choux gras des médias généralistes. Qui aime bien châtie bien. La maxime risque de s’appliquer aux GAFA pendant encore de nombreux mois. Apple y compris.

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