Optimisation fiscale : la Commission européenne cible Apple et l'Irlande [màj]

Mickaël Bazoge |

La Commission européenne a, comme annoncé hier, lancé non pas une mais trois « enquêtes approfondies » sur Apple, Starbucks et une filiale de Fiat, ainsi que sur les trois pays membres de l'Union qui en hébergent les filiales européennes, respectivement l'Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg. Il s'agit, pour la Commission, d'examiner si les décisions des autorités fiscales de ces pays sont conformes aux règles de l'Union européenne relatives aux aides d'État.

Le QG d'Apple, à Cork (Irlande). Image Google.

« Les règles de l'UE en matière d’aides d’État interdisent aux autorités nationales de prendre des mesures permettant à certaines entreprises de payer moins d’impôts qu'elles ne le devraient si les règles fiscales de l’État membre étaient appliquées de manière équitable et non discriminatoire », explique Joaquín Almunia, Commissaire en charge de la concurrence.

De fait, ce sont moins les entreprises que les États qui sont visés par cette offensive de l'exécutif de Bruxelles. La Commission s'intéresse tout particulièrement aux pratiques fiscales des États qui feraient bénéficier certaines entreprises « d’importantes réductions d’impôts accordées au moyen de décisions anticipatives en matière fiscale ». Si ces décisions ne posent pas de problème en tant que telles, elles peuvent être considérées comme des aides d'État « si elles sont utilisées pour conférer des avantages sélectifs à une entreprise ». Celles-ci sont utilisées pour « confirmer des accords de fixation de prix de transfert », servant à facturer des transactions entre différentes entités d'un même groupe et qui peuvent influencer sur la répartition du bénéfice imposable entre filiales d'un groupe.

Joaquín Almunia.

En ce qui concerne le constructeur californien, la Commission entend donc enquêter sur les décisions anticipatives des autorités fiscales irlandaises pour le calcul du bénéfice imposable d'Apple Sales International et d'Apple Operations Europe. La Commission craint que les autorités irlandaises n'aient avantagé plus que de raison Apple en réduisant sa charge fiscale en-deçà du niveau que l'entreprise aurait dû supporter si des règles d'imposition correctes avaient été appliquées.

Les deux parties n'ont pas tardé à réagir : le gouvernement irlandais a assuré ne pas enfreindre les règles européennes en la matière, tandis qu'Apple réfute tout traitement de faveur. Une ligne de défense adoptée depuis fin janvier (lire : Tim Cook a rencontré le chef du gouvernement irlandais). Le Sénat américain a estimé l'an dernier que l'entreprise réussissait à protéger de l'impôt des milliards de dollars de bénéfices, via un système d'enregistrement de ces profits dans ses filiales irlandaises. Des pratiques qui n'ont rien d'illégal mais que des voix de plus en plus nombreuses estiment moralement répréhensibles.

Ces enquêtes ne préjugent pas de l'issue d'une procédure décidée dans le cadre de l'examen des pratiques d'optimisation fiscale; celui-ci a pour effet de réduire les rentrées fiscales d'États dont les caisses sont vides.

Mise à jour 21h01 — Apple a commenté la décision de la Commission européenne. « Apple est fière d'exercer une activité à Cork, en Irlande, depuis 1980. Nous avons fait croître nos effectifs pour atteindre plus de 4 000 employés, qui sont au service de nos clients pour assurer la fabrication, le support technique et d'autres fonctions clés. Ces employés jouent un rôle important dans le succès d'Apple et de sa croissance continue en Irlande. Ce succès et cette croissance résultent du travail acharné de nos employés irlandais et non d'un accord fiscal spécial conclu avec le gouvernement irlandais. Nous n'avons bénéficié d'aucun traitement particulier de la part des pouvoirs publics irlandais. Apple est soumise aux mêmes lois fiscales que de nombreuses autres entreprises internationales qui exercent une activité commerciale en Irlande. Apple paie l'intégralité des impôts auxquels la société est assujettie. Depuis le lancement de l'iPhone en 2007, nos impôts en Irlande ont décuplé. ».

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