John Sculley rassure sur Apple et partage sa vision du futur

Stéphane Moussie |
L'entrepreneur John Sculley est régulièrement interrogé sur Apple pour avoir été son patron pendant une décennie, de 1983 à 1993. Dans une interview accordée au Huffington Post, il revient sur une précédente déclaration portant sur l'innovation qui connaîtrait une période creuse actuellement. « Je ne m'attends pas à voir un bond créatif chez Apple avant peut-être quelques années », avait-il déclaré le mois dernier à CNBC.

John Sculley en 1993 - Photo Dave Winer CC BY-SA

Je ne crois pas qu'Apple a perdu sa capacité à innover, précise-t-il au HuffPo. Ce que je crois c'est que cela n'a rien à voir avec Apple du tout, et que cela tient en fait au stade de la technologie à l'heure actuelle. La loi de Moore [qui veut que le nombre de transistors des processeurs double environ tous les dix-huit mois, ndr] a été complètement prévisible pendant 40 ans. Entre chaque grosse innovation, il y a vraiment une génération d'écart environ et la grosse innovation que nous traversons actuellement est totalement lié au cloud computing [l'informatique dans le nuage, ndr]. Vous pouvez seulement surfer sur la grosse vague quand il y a des grosses vagues.


Et d'expliquer qu'en attendant la prochaine grosse vague, il faut juste savoir saisir de bonnes opportunités. Quelle est la prochaine grosse vague ?, questionne alors le site américain. Pour Sculley, il s'agit de la vidéo sur mobile. « Il est devenu soudainement très facile de faire de la vidéo de très haute qualité sur mobile et c'est juste le commencement », explique-t-il.

Concernant Apple plus précisément, il ne voit pas l'entreprise se lancer sur le marché des téléviseurs : « en fait, l'Apple TV est un très bon produit ». Il mise plutôt sur une incursion dans le wearable computing, ces produits que l'on porte sur soi équipés de capteurs, comme le FuelBand de Nike. Une montre connectée peut aussi entrer dans cette catégorie.

« Il y a des moments où les planètes sont alignées pour des produits révolutionnaires. Steve [Jobs, ndr] avait un talent incroyable pour repérer cet instant avant tout le monde. La question est de savoir qui sera le prochain à être capable de repérer la prochaine grande tendance, l'alignement des planètes ? Je serais prêt à parier sur Jony Ive. »


Sculley estime par ailleurs qu'Apple est injustement attaqué et qu'elle n'est pas en difficulté. En janvier, il avait décrit Tim Cook comme « l'homme de la situation », à la suite du décès de Steve Jobs. Il s'était aussi fait l'avocat d'un repositionnement de la gamme iPhone, qu'il jugeait trop cher (lire : Sculley : "Apple doit s'adapter à un monde différent"). Des propos réitérés auprès du Huffington Post :

« Apple est maintenant défiée par le tandem Samsung Google. J'ai un iPhone, un iPad et un Galaxy Note. Apple fait vraiment de bons produits, et Samsung fait aussi vraiment de bons produits. C'est réellement une course à deux chevaux. Je pense qu'Apple est exposée : les tarifs de ses produits sont si élevés par rapport à ceux de Samsung. Mon sentiment est qu'il y a une grosse opportunité qu'Apple ne doit pas rater en sortant des produits moins chers sur les marchés émergents. »


Le site américain rappelle qu'à la fin des années 1980, Sculley a participé au développement du concept Knowledge Navigator, une tablette équipée d'un assistant personnel qui préfigure de ce qu'allait être l'iPad et Siri vingt ans plus tard.




À quoi ressemblerait le Knowledge Navigator en 2030 ?, questionne la journaliste. « Je pense qu'il ne s'agira plus de prendre et de tenir un produit comme un smartphone. Vous serez plutôt connecté à un système où les choses arriveront de manière passive », explique-t-il. Le paradigme actuel où l'on regarde un écran et tape dessus pour interagir avec cèdera sa place à quelque chose de totalement différent. « Nous serons bientôt dans une époque où nous n'aurons rien à faire, il y aura des technologies autour de nous pour surveiller notre santé, pour nous conseiller sur ce que nous pourrions aimer et pour nous protéger. »

La vision de Sculley recoupe celle de Sergey Brin, le cofondateur de Google, pour qui les smartphones sont castrateurs. « L'avenir de la connexion doit-il être juste des gens qui marchent la tête baissée, frottant un morceau de verre sans relief ? », avait-il déclaré lors d'une conférence TED pour mieux faire la promotion des Google Glass qui offrent un nouveau mode d'interaction avec le numérique. L'ancien patron d'Apple peint un avenir où l'informatique serait ubiquitaire (ou ambiante). Apple sera-t-elle de la partie ?

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