Apple prête pour l'après Jobs

Florian Innocente |
L'annonce de la non-participation de Steve Jobs à la prochaine et ultime Macworld Expo n'en finit pas de susciter interrogations et commentaires. Le Wall Street Journal n'y déroge pas, mais il s'intéresse à une question lancinante : que deviendra Apple sans Steve Jobs ?

C'est l'optimisme qui prime estime le quotidien. Sauf à ce que l'entreprise soit victime d'un exode de cadres de tout premier rang, les équipes constituées sont solides. Et leur capacité à lancer des produits novateurs restera intacte, même après le départ de Jobs.

Chef d'aiguillage
Des équipes supervisées par des cadres dirigeants que Steve Jobs n'a pas manqué de mettre en avant lors des dernières conférences de lancement de produits. Phil Schiller est un habitué de l'exercice. Mais d'autres visages, connus ou moins connus, se sont faits plus présents. Ainsi, Jonathan Ive en charge du design, Scott Forstall (responsable d'iPhone OS) ou Tim Cook (directeur exécutif), lequel a assuré une large part de la conférence de présentation des derniers MacBook. D'autres, non moins importants, restent encore dans l'ombre, ainsi Ron Johnson, responsables des magasins Apple Store.

Des personnages clefs qui participent activement, avec leurs équipes, à la création des produits, sous la férule de Jobs. Celui-ci, expliquent des témoins qui l'ont vu à l'oeuvre, assure avant tout un rôle équivalent à celui d'un "rédacteur en chef" qui va suggérer des améliorations ou des modifications. "Il ne venait pas avec les idées il s'en tenait à les filtrer" raconte un ancien ingénieur d'Apple dans l'article.

Pour chaque projet en cours, Jobs consacre toutes les semaines ou deux semaines une longue réunion avec les personnes responsables de son développement. L'occasion de valider, modifier ou supprimer certains traits du produit. Glenn Reid, un ingénieur présent chez Apple jusqu'en 2003 raconte une anecdote sur iPhoto. Le développement était quasiment terminé, mais à la dernière minute Jobs imposa de supprimer une fonction d'index dont il estimait qu'elle rendrait le logiciel plus compliqué. Et tant pis pour le manuel utilisateur, déjà imprimé, qui décrivait cette fonction "c'était frustrant se rappelle ce participant mais le produit n'en a été que meilleur."

Une attention viscérale chez Jobs pour les détails qui remonte à loin. Un autre ingénieur, Georges Crow qui a travaillé chez Apple de 1980 à 85 puis y est revenu de 1998 à 2005 après avoir co-fondé NeXT, raconte que dans le premier Mac, son patron souhaitait que les câbles internes aient les mêmes couleurs que celles du logo Apple. L'ingénieur finit par lui faire admettre que cette dépense était superflue. Rebelote, cette fois chez NeXT où il parvint à convaincre Steve Jobs qu'une finition chromée pour le bloc d'alimentation interne coûtait trop cher.

Ce souci du détail jusqu'au plus haut niveau de la société a participé au succès des produits d'Apple. Mais avec parfois des excès qui produisirent l'effet inverse. Ainsi raconte le WSJ, Georges Crow se fit l'avocat de l'ajout d'une petite gaine souple de caoutchouc autour du câble qui sort du bloc secteur des portables. Mais les designers d'Apple y étaient opposés, jugeant cela inesthétique. Ultérieurement ils ravalèrent leur chapeau lorsque les cas de rupture prématurée de ce câble se firent de plus en plus nombreux.

Un autre employé se souvient lui de la période où Jobs, en convalescence, resta éloigné de ces briefings produits. Personne n'ayant été explicitement délégué pour avoir autorité sur les décisions finales, de bonnes idées étaient perdues au fil des échanges entre les protagonistes "Ils préféraient choisir la solution la plus sûre."

Du Jobs sans Jobs
Depuis les choses se seraient organisées estime Georges Crow, avec la constitution d'une équipe où les gens ont ce même regard sur les produits que Jobs. Jonathan Ive serait particulièrement synchrone avec lui sur ce point. Et la manière de voir du patron d'Apple aurait infusé à tous les étages jusqu'aux ingénieurs, qui tentent d'anticiper son jugement.

Sur la capacité d'Apple à rester sur les rails après le départ de Jobs, Rick Devine, le chasseur de têtes qui fit venir Tim Cook, estime que l'avenir sera plus une question de bonne exécution dans les activités de l'entreprise que de changements radicaux comme Jobs en a imposé depuis son retour.

Pour la succession de Jobs, Devine envisage un scénario à la Disney, où le comité directeur a misé sur deux personnes, une en interne et l'autre à l'extérieur (l'ancienne patronne d'eBay en l'occurrence). Mais souligne-t-il, ces recherches restent discrètes, ne serait que pour garder une bonne cohésion entre la poignée de gens en interne qui pourraient prétendre au poste. Enfin pour lui, Jobs est là pour encore un moment, et son absence de Macworld ne serait que le résultat d'un désintérêt pour un rendez-vous amené à disparaitre de l'agenda public d'Apple.

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