Apple : les fuites en provenance de Chine, sans surprise

Nicolas Furno |
« Nous allons doubler la mise sur le secret entourant les produits », s'engageait Tim Cook en mai dernier, lors d'une interview (lire : D: All Things Digital : Tim Cook en taille patron). La réalité n'a eu de cesse de lui donner tort depuis cette déclaration, à l'image de cet iPhone 5 dont on savait très précisément tout quand le traditionnel Keynote a débuté. Même si Apple a réussi à mieux conserver le secret sur l'iPad mini qu'elle devrait présenter demain soir en conférence, on a vu circuler des pièces et suffisamment d'informations pour se faire une idée a priori assez précise.

La culture du secret est ancrée chez Apple depuis des années déjà, surtout depuis le retour de Steve Jobs aux commandes. Ce dernier a institué comme règle de surprendre le public avec des produits qu'il n'avait jamais vus et la surprise n'a jamais été aussi grande que lors de la première présentation de l'iPhone, au début de l'année 2007. Les rumeurs évoquaient bien la sortie d'un téléphone Apple, mais personne n'avait vu, ou même imaginé, l'iPhone.



La salle était alors vraiment surprise et consciente de découvrir un produit qui allait sans doute compter dans les années à venir. Aujourd'hui, les applaudissements des Keynote sont bien plus mesurés, sans doute parce que le public sait en gros à quoi s'attendre. Apple nous surprendra peut-être demain soir, mais le programme semble déjà établi, avec un iPad mini et une conférence centrée autour du monde de l'enseignement (lire : iPad mini : un special event à la sauce éducation ?).

Interrogeant directement des employés d'Apple, ars technica a essayé d'en savoir plus sur ces secrets qu'Apple ne parvient plus à conserver. Les conclusions de l'article étaient en fait déjà connues : le constructeur a réussi à verrouiller totalement Cupertino et ses employés des Apple Store dans le monde, mais les fuites proviennent maintenant de la chaîne de montage, en Chine.


Cette fois, il s'agissait de fausses boîtes d'iPhone 5… (lire : Une boîte de « nouvel iPhone » qui sonne creux)


On le constate nous-mêmes depuis quelques mois : les rumeurs proviennent essentiellement de sites asiatiques, chinois, vietnamiens ou encore coréens. C'est d'ailleurs tout à fait logique : Apple a pour habitude de présenter ses nouveaux produits juste avant leur commercialisation. Il lui faut pour cela stocker quelques millions d'exemplaires, des exemplaires qu'elle doit produire avant les annonces officielles. Dans les usines de Foxconn et dans toute la chaîne de sous-traitants, les hommes et les femmes travaillent toute la journée sur des produits extrêmement attendus. Ils sont beaucoup moins contrôlés que les ingénieurs d'Apple à Cupertino, ils ont sans doute moins à perdre et ils n'ont surtout aucun sens du devoir par rapport à une entreprise : nombreux sont ceux qui doivent être tentés par le partage d'informations, voire de pièces.

Les employés Apple interrogés par le site s'en désolent, mais ils n'y peuvent rien. Comme l'un d'eux l'explique, la stratégie du constructeur pour maintenir le secret sur ses futurs produits est totalement dépassée à l'heure de la mondialisation et les fuites sont inévitables. C'est dommage pour la surprise de la découverte, dommage aussi pour ces employés qui en subissent les répercussions. À Cupertino, la sécurité n'a pas été relâchée depuis la mort de Steve Jobs, bien au contraire, elle serait même plus forte selon eux. Dans un autre domaine, les Apple Store ne reçoivent plus comme avant les mises à jour une semaine à l'avance, mais quelques heures seulement pour éviter les fuites.


Un Apple Store protégé par le traditionnel rideau noir, pour le préparer à l'iPhone 5.


Mieux vaut perdre quelques informations et arriver sur le marché avec plusieurs millions de produits. Tim Cook en a sans doute conscience, tout comme il sait certainement qu'il lui sera très difficile de fermer la vanne des rumeurs en Asie. Seules des usines entièrement robotisées aux États-Unis pourraient maintenir le secret sur leur production, mais cette solution déjà testée par Apple par le passé est loin d'être viable aujourd'hui. Et encore, il resterait des sous-traitants en amont, des transporteurs en aval… Apple est sans doute devenue une entreprise trop grosse pour maintenir le niveau de secret qu'elle souhaiterait, tout simplement.


Usine de montage robotisée pour le Macintosh, en 1984.
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