Apple perd l'appsto.re

Anthony Nelzin-Santos |

Apple a échoué dans sa tentative de récupérer le nom de domaine appsto.re, qui mène vers un raccourcisseur d'URL pour les applications mobiles. Mais comme l'explique le juriste spécialisé en propriété intellectuelle Jean Fau, cet échec est une victoire pour d'autres sociétés qui pourraient demain se retrouver dans le même cas.



Le .re, domaine de premier niveau de la Réunion, est géré par l'AFNIC : Apple a donc utilisé la classique procédure Syreli pour faire valoir ses arguments et demander le transfert du nom de domaine à son avantage. La firme de Cupertino estime que le nom de domaine appsto.re est en effet « susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité et que le Titulaire ne justifie pas d'un intérêt légitime et agit de mauvaise foi. » Apple est en effet titulaire des marques communautaires APPSTORE et APP STORE (qui sont néanmoins contestées par Nokia, Amazon et Microsoft).



appsto.re est ce qu'on appelle un « domain hack », une astuce qui consiste à intégrer le TLD dans la formation du nom du site, sans tenir compte du point (fn.ac au lieu de fnac.com par exemple). D'habitude, le TLD n'est pas pris en compte dans les procédure Syreli : seuls le nom de domaine et sa correspondance avec une marque déposée sont étudiés. Mais ici, le Collège Syreli de l'AFNIC en a fait un point crucial de sa décision :




Au regard des pièces qui ont été fournies par le Requérant, le Collège a constaté qu'au moment du dépôt de la demande, le nom de domaine <appsto.re>, composé du domaine de second niveau "appsto" et du domaine de premier niveau "re", est similaire aux marques détenues par le Requérant […]



Le Collège a donc considéré que le Requérant avait un intérêt à agir.




Voilà qui pourrait établir un précédent et permettre de mieux prendre en compte le « domain hack » et ses éventuels effets négatifs en matière de protection de la propriété intellectuelle.



Problème dans ce cas : Apple n'est pas habilitée à agir — elle n'est pas une société « ayant [son] siège social […] sur le territoire de l'un des États membres de l'Union européenne » (L.45-3 du Code des postes et des communications électroniques) et ne peut donc demander l'enregistrement d'un nom de domaine en France. Elle aurait dû soit passer par sa filiale française ou européenne, soit demander la suppression et non le transfert. Et Fau de conclure : « au final, et même si on s'appelle Apple, les noms de domaine ce n'est pas de la tarte. »

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