Steve Jobs : un Grammy "hypocrite" ?

Arnaud de la Grandière |
Wayne Rosso est une figure de l'industrie phonographique depuis de nombreuses années, et l'hommage accordé à titre posthume à Steve Jobs par la National Academy or Recording Arts and Sciences (lire Grammy Awards : Steve Jobs récompensé à titre posthume) lui laisse un goût amer.

Dans un billet au vitriol, s'il reconnaît volontiers que la récompense est pleinement justifiée, tout comme l'argument donné par la NARAS, il ne peut s'empêcher d'y voir avant tout une opération de communication d'un goût douteux, teinté de cynisme.

En effet, Rosso rappelle à quel point les industriels de la musique ont freiné des quatre fers face à iTunes, à maintes reprises. La signature de l'accord initial entérinant la création de l'iTunes Music Store s'est faite de haute lutte. Avant même celle-ci, Doug Morris, actuel CEO de Sony Music et à l'époque CEO d'Universal Music, avait déclaré que les iPod n'étaient que des "dépôts de musique volée", et a par la suite lancé une fronde, ralliant Sony Music et Warner, pour se plaindre des termes de l'accord avec Apple. Le tarif de base à 99 cents, et le trop grand contrôle d'Apple, jurant quelque peu avec les habitudes des majors jusque là.

Et lorsque l'initiative d'Apple s'est avérée florissante et qu'iTunes est devenue une part conséquente des royalties des éditeurs, ils ont exigé un pourcentage sur les ventes d'iPod, et tenté de concurrencer iTunes avec l'initiative Total Music qui n'a jamais décollé. De fait, les éditeurs de musique n'ont jamais caché leur amertume et leur pure détestation de Steve Jobs, en dépit des services qu'il leur a rendu à leur propre corps défendant.

Wayne Rosso admet sans mal qu'Apple et Steve Jobs ont eu un rôle décisif dans la transformation de l'industrie musicale, et que le premier Grammy Award accordé à la firme en 2002 était amplement mérité. Il souligne cependant que le rôle d'Apple n'aura été que de proposer un agencement cohérent des technologies pourtant déjà existantes, et que les hommages techniques de la NARAS, s'ils étaient sincères, auraient été tout autant justifiés aux instigateurs du MP3, comme Michael Robertson (fondateur de MP3.com entre autres), qui lui est toujours de ce monde, et la proie de procédures judiciaires intentées par les éditeurs de musique.

En lieu et place, donc, ils honorent la mémoire de l'homme qu'ils ont toujours détesté. La nouvelle a été amplement reprise, tenant lieu d'opération de communication pour la NARAS, qui n'a selon Rosso tiré aucune leçon de ses erreurs passée, ni de ce que Jobs aura fait.
Accédez aux commentaires de l'article