Nortel : les autorités de la concurrence enquêtent

Anthony Nelzin-Santos |
Placée en liquidation judiciaire, Nortel a mis aux enchères quelque 6 000 brevets représentant un véritable coffre au trésor pour toute société impliquée de près ou de loin dans la téléphonie mobile. Alors que Google avait démarré les enchères à 630 millions d'euros, c'est finalement un consortium composé d'Apple, EMC, Ericsson, Microsoft, RIM et Sony qui l'a emporté, pour la bagatelle de 3,2 milliards d'euros. Une sorte de « tous contre Google » qui inquiète aujourd'hui les autorités américaines de la concurrence.

Le problème est que ce consortium, qui s'est fait connaître sous le nom de Rockstar Bidco, regroupe trois sociétés en concurrence directe avec Google (Android) dans le domaine de la téléphonie mobile : Apple (iOS), Microsoft (Windows Phone) et RIM (BlackBerry OS). Ce n'est pas la première fois que ces sociétés se rejoignent pour contrer Google, qui a un véritable problème de propriété industrielle, épée de Damoclès au-dessus d'Android et de tous les fabricants utilisant cet OS : Microsoft, Apple et EMC s'étaient déjà alliés pour souffler à la barbe et au nez de Google les brevets de Novell.

Les autorités de la concurrence s'inquiètent de ces alliances qui peuvent être considérées comme une atteinte à la concurrence face à Google. Ces portefeuilles de brevets sont de véritables armes capables de détruire la stratégie de la firme de Mountain View dans la téléphonie mobile : en attaquant Samsung, Motorola, HTC ou les autres, Microsoft, Apple ou RIM rendraient de fait Android payant, et diminueraient d'autant son intérêt, alors que Google ne peut pas défendre ses partenaires, faute de posséder elle-même un portefeuille de brevets suffisant.

Google a ici le beau rôle : elle ne cesse de s'affirmer comme opposée à la course à l'armement dans le domaine des brevets, mais a pourtant participé à toutes les enchères d'envergure s'étant présentées ces derniers mois. La firme de Mountain View n'a en fait pas le choix : « la meilleure défense d'une société contre ce type de poursuite est, ironiquement, d'avoir un épais portefeuille de brevets […] Google est une société relativement jeune, […] mais nos concurrents ont de plus gros portefeuilles vu leur historique » avouait son département juridique il y a quelques mois.

Google devrait évidemment tenter de faire invalider cette vente d'un portefeuille couvrant des domaines aussi variés que les télécommunications sans fil, la recherche sur Internet, les réseaux sociaux et les nouvelles technologies de transmission de données pour appareils mobiles. La défense qui semble se profiler est celle consistant à accuser ces sociétés de s'être alliées pour pouvoir suivre la cadence : si elle pourrait faire mouche contre RIM, EMC ou Ericsson qui ont finalement chacun versé moins que l’enchère de base, elle devrait être moins efficace contre Apple.

La firme de Cupertino est en effet non seulement la société ayant le plus contribué à ce pot commun, mais la seule société à ne jamais avoir quitté la table face à Google — elle a en fait couvert financièrement Rockstar Bidco pour qu'ils ne se retirent pas des négociations, sans pour autant ne jamais rejoindre formellement ce consortium. Une véritable partie de poker, on l'aura compris, de laquelle Apple est sortie gagnante à la pédale.

Prochain épisode dans quelques heures, après une première audience auprès des autorités canadiennes et américaines.

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