Les enfants nés en 2017 devront-ils apprendre à conduire ?

Florian Innocente |

Les enfants qui vont naître cette année n'auront jamais besoin de conduire une voiture (et accessoirement ce sera aussi ça d'économisé en leçons de conduite pour leurs parents…). Pour Henrik Christensen, directeur de l'Institut de Robotique Contextuelle de San Diego, interrogé par le San Diego Union Tribune les fabricants automobiles eux-même poussent dans cette direction :

Les voitures à conduite autonome arriveront d'ici 10 à 15 ans. Toutes les entreprises spécialisées dans la fabrication de véhicules — Daimler, GM, Ford — disent que d'ici cinq ans elles auront des voitures autonomes sur la route.

Il n'y a d'ailleurs pas que les vétérans du secteur sur les rangs. Citons seulement Waymo, la nouvelle filiale d'Alphabet, qui a dévoilé dimanche au salon automobile de Detroit son monospace complètement autonome. Toutes les technologies mises en jeu, logicielles et matérielles, ont été créées par Google afin de ne pas dépendre d'équipements tiers plus onéreux. Ce véhicule circulera dans les prochains mois dans les rues de Mountain View et de Phoenix. Uber a voulu faire la même chose récemment à San Francisco mais l'expérience a tourné court.

Non seulement l'industrie automobile se prépare à ces changements mais les gens pourraient être demandeurs de ces voitures qui n'imposent plus d'avoir les yeux fixés sur la route, ajoute le chercheur.

J'aime conduire ma voiture, toutefois la question est de savoir combien de temps les gens perdent à rester assis dans les bouchons à ne rien faire d'autre qu'attendre. En moyenne, un conducteur à San Diego passe 1 heure chaque jour dans sa voiture. Ce pourrait être intéressant s'il y avait moyen d'être plus productif.

Avec les voitures autonomes sans conducteur, on peut mettre deux fois plus de véhicules sur les routes sans changer les infrastructures existantes (les déplacements seraient davantage rationalisées et optimisés).

Dans ce cas de figure, la notion même de propriété d'une voiture peut être remise en question. On assisterait à la fusion du principe d'un taxi (la voiture vient vous chercher et vous dépose à votre destination) et de celui d'une voiture de location. Ces voitures autonomes et robotisées circuleraient en parallèle à celles des services de covoiturage (type BlaBlaCar) qui, eux-aussi, participent à diminuer l'intérêt pour acheter une voiture.

Une illustration de Popular Science dans les années 50, via The Verge

Cette perspective, même à l'horizon d'une décennie, souffre de quelques problèmes, tempère Michael Coren sur Quartz. Le journaliste cite Gill Pratt, patron du Toyota Research Institute qui a déclaré lors du derniers CES que personne ne savait encore faire de telles voitures robotisées.

Je vais le dire de manière parfaitement claire, [l'autonomie totale] est un objectif vraiment merveilleux. Mais aucun de nous dans l'automobile ou dans l'industrie informatique n'est encore capable d'atteindre une véritable autonomie de Niveau 5 (un critère qui décrit une conduite sans aucune supervision humaine). On n'en est même pas proche.

Il y a aussi la problématique du parc installé, car il faut que ces voitures composent avec un paysage routier rempli intégralement de modèles conduits par l'homme. Il y a 258 millions de voitures aux États-Unis, rappelle Michael Coren et il s'en vend 17 millions de plus tous les ans (2 millions de voitures neuves ont été écoulées l'année dernière en France). La durée moyenne de vie de ces autos américaines est de 11 ans et demi. Il va couler de l'eau sous les ponts avant que les voitures robotisées représentent une part importante du parc roulant (sans parler de leurs prix certainement très élevés les premières années).

Et puis il y a toutes les petites choses du quotidien auxquels les robots conducteurs vont devoir faire face dans l'hypothèse d'une flotte de véhicules autonomes transformés en taxis de nouvelle génération. Dans un billet sur le blog de HERE, l'ex filiale de Nokia, Philip Barker fait parler une chauffeuse de taxi qui évoque plusieurs situations récurentes où une présence humaine est encore requise.

Il y a les clients en état d'ébriété, incapables de dire où ils vont et encore moins de le taper sur un écran. Il faut alors leur faire les poches et s'aider de leur permis de conduire pour voir où ils habitent, ou demander à un ami qui les a peut-être accompagnés à la porte du taxi. Ensuite, ce peut-être un client étranger qui parle peu ou mal la langue du pays, est-ce qu'une machine y arrivera forcément mieux (à la rigueur elle pourrait proposer un choix de langues, comme le font les distributeurs automatiques). Compliqués aussi les passagers qui ont besoin d'une aide physique pour monter et sortir du taxi. Sans oublier tous les rétifs à la technologie. Là c'est peut-être une simple question de génération qui se réglera toute seule, mais sous combien de temps.

Il y a encore tous ces clients qui oublient régulièrement des affaires dans le taxi, un chauffeur peut vérifier à chaque fois, un robot n'en aura cure. Enfin, le vandalisme qui sévit sur les vélos ou voitures en location sera sans nul doute un problème aussi avec ces véhicules, sauf à tout filmer. Mais voudra-t-on être filmé en permanence pendant son trajet ?

Pour revenir à l'affirmation initiale, peut-être que certains représentants de la génération qui va naître n'auront jamais besoin de conduire ni même d'apprendre à le faire. Parce que vivant en ville, parce qu'utilisant les transports en commun. Et parce que préférant payer pour du covoiturage pour des trajets plus longs plutôt que d'assumer les frais inhérents à la propriété d'une voiture. On aurait alors les voitures des villes et les voitures des champs, les unes plus autonomes que les autres, et des gens plus dépendants de la détention d'un permis de conduite que les autres.

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